Dès le dépôt de son bulletin de candidature à la direction du Parti québécois, Pauline Marois avait posé le caractère indispensable de la rénovation du programme de son parti. Le week-end prochain, les militants péquistes seront invités à mettre au rancart l'étapisme référendaire qui, depuis 35 ans, oriente leur action pour plutôt s'engager dans une démarche de gouvernance nationale. Il s'agit d'un virage à 90 degrés.
Nul doute que le programme péquiste a besoin d'une révision en profondeur. Si on reprend l'analogie avec les trois périodes d'un match de hockey qu'affectionnait Jacques Parizeau à une autre époque, le Parti québécois a tout simplement été éliminé le soir des élections du 26 mars 2007. Relégué au troisième rang, il n'est tout simplement plus dans la joute. Il lui faut trouver le moyen de revenir au jeu, ce qui semble être en voie de se réaliser grâce au discours sur l'identité adopté par la nouvelle chef de ce parti.
De ses militants, Pauline Marois veut obtenir qu'ils soutiennent son approche et, comme premier geste, biffent du programme l'obligation de «tenir un référendum le plus tôt possible dans le premier mandat», adoptée à leur dernier congrès. L'accent mis par le PQ depuis la défaite de 2003 pour accélérer le processus référendaire a agi comme un repoussoir. Alors qu'on croyait mobiliser la ferveur souverainiste, cette approche a eu un effet contraire, constaté avec amertume le soir du 26 mars dernier.
Évacuer du programme péquiste l'exigence d'un référendum le plus tôt possible changera beaucoup de choses. D'abord, les adversaires du PQ ne pourront plus brandir l'épouvantail de la cage à homards selon lequel le Parti québécois cherche à piéger les électeurs dans un processus irrémédiable vers l'indépendance. Certes, ils diront que Mme Marois nous ramène aux «conditions gagnantes» de l'ancien premier ministre Lucien Bouchard. Il est vrai qu'il subsiste une ambiguïté que libéraux et adéquistes tenteront d'exploiter. Mais on ne peut tout de même pas demander au PQ de renoncer à son projet de souveraineté, qu'il entend réaliser par des voies démocratiques.
Les électeurs comprendront facilement qu'il y a un changement d'approche. Ce que Pauline Marois appelle le «moment pertinent» pour déclencher un référendum, ce sont eux qui le définiront par l'appui qu'ils donneront, à travers sondages et élections, au projet de souveraineté. Il faudra donc aller les convaincre. Le changement de paradigme proposé par la chef péquiste obligera les militants souverainistes à retourner auprès de leurs concitoyens. Plutôt que de débattre entre eux de la meilleure stratégie à suivre, il leur faudra reprendre le bâton du pèlerin, comme aimait le dire René Lévesque. Réunir les «conditions gagnantes», ce n'est pas attendre que la conjoncture soit favorable, c'est-à-dire attendre que surviennent certains événements comme l'échec d'un improbable accord constitutionnel, mais s'assurer qu'existe chez les Québécois une volonté collective de faire l'indépendance. Quoi qu'en pensent certains militants péquistes, ce n'est pas acquis aujourd'hui.
La double démarche que propose Pauline Marois, une «conversation nationale» et une «gouvernance nationale», va dans ce sens. Elle est inspirée du mouvement indépendantiste écossais, du moins pour le choix du mot «conversation». Celui-ci a fait sourire et rire, non sans raison. Le militantisme, du moins le vrai, est du domaine de l'action, pas de la conversation. Ce mot a déjà créé la perception d'un militantisme de salon qui ne peut que déplaire aux souverainistes les plus fervents. À charge pour les dirigeants actuels du PQ de défaire cette perception.
Plusieurs militants souverainistes parmi les plus engagés n'aiment pas non plus cette idée de gouvernance nationale qui les ramène à cette époque honnie du leadership de Pierre Marc Johnson dite de l'«affirmation nationale». Le contexte n'est pas le même. Personne ne peut douter de la volonté de Pauline Marois de faire progresser le Québec vers un statut de pays, qu'elle inscrit clairement dans le programme du parti. Mais en attendant la souveraineté, il lui faut faire des gestes qui, sans nécessairement y conduire, renforceront le Québec. Éventuellement, le Parti québécois devra gouverner; c'est même la première étape à franchir. Il lui faut donc un programme, qui doit d'abord être un programme d'affirmation nationale, comme lorsqu'il a pris le pouvoir pour la première fois.
En matière de résultats électoraux, le PQ est revenu à son point de départ. Cela induit un douloureux sentiment de retour en arrière. À moins de fermer les yeux, il n'y a pas d'autre voie que de se livrer à la reconstruction du parti. À cet égard, on ne pourra pas reprocher à Pauline Marois d'avoir le courage d'être lucide.
bdescoteaux@ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé