Saint-Hyacinthe -- Pauline Marois a triomphé au terme de son premier conseil national à titre de chef du Parti québécois. Les militants péquistes ont adopté de façon presque unanime ses grandes orientations: social-démocratie rénovée, axée sur la création de la richesse, et abandon de l'obligation de tenir un référendum.
Qui plus est, toutes les propositions qui auraient pu embêter la chef péquiste ont été écartées samedi dans les ateliers avant la plénière d'hier à laquelle 480 militants avaient droit de vote. De façon éclatante, Pauline Marois a confirmé toute l'emprise qu'elle a sur son parti.
«Tu te dis: "qu'est-ce qui se passe dans mon parti?"», a lancé, hier, Pauline Marois au cours de la conférence de presse de clôture, habituée qu'elle est des conseils nationaux houleux. La chef péquiste a souligné que la plupart des propositions avaient été adoptées en plénière «avec une sorte d'unanimité quasiment -- quand tu as deux, trois personnes qui votent contre et que personne ne se présente au micro contre».
«J'ai prouvé que j'aimais ce parti-là», a déclaré Mme Marois alors que l'émotion lui faisait monter les larmes aux yeux. «Ça fait 30 ans que je le fréquente. Je les aime, ces gens-là. Je les aime pour leurs convictions, je les aime pour leur engagement même si [certains d'entre eux] ne sont pas d'accord avec moi.»
Dans son discours devant les militants hier, Pauline Marois a affirmé que le PQ avait pris le «virage de la social-démocratie moderne», celle qui «se donne les moyens de prendre soin de son monde».
«Nous nous sommes entendus pour parler de création de la richesse, pas pour la voir comme une fin en soi, mais comme un outil, cependant, essentiel à des fins d'une plus grande justice sociale», a-t-elle poursuivi. Personne n'a claqué la porte non plus, pas même Marc Laviolette, du SPQ libre, qui avait courageusement défendu, samedi, un amendement pour que la démarche de «conversation nationale», un terme remplacé par «débat», débouche sur un processus de référendum d'initiative populaire. Pauline Marois, qui ne voulait rien entendre, a tenu à faire le débat sur-le-champ. «Peut-on se faire confiance et remettre le cap sur le projet de pays?», a-t-elle conclu sous les applaudissements lors de l'atelier sur la souveraineté et la culture. Un coup de cuillère à pot, et c'en était donc fait de la résolution du SPQ libre. «Je me suis immolé pour la chef», a blagué Marc Laviolette. Trois personnes seulement ont voté en faveur de son amendement, dont l'ex-député de L'Assomption Jean-Claude St-André. Plus isolé que jamais, M. St-André dénonce la «démission» de Mme Marois et du parti à l'égard de l'indépendance nationale.
Dans l'entourage de Mme Marois, on jubilait hier. On a soutenu que la chef péquiste récoltait les fruits de sa façon de diriger: montrer la voie sans imposer, favoriser la collégialité plutôt que l'affrontement; c'est ce qu'elle a toujours fait dans les ministères dont elle a été la titulaire. «Le parti est dirigé par une femme, ça fait une différence», a avancé, hier, la députée de Rosemont, Rita Dionne-Marsolais. «C'est moins belliqueux, c'est moins confrontant.» Un conseiller de Mme Marois jugeait hier qu'elle avait eu le mérite de rallier ses anciens adversaires, François Legault, par exemple, ou Stéphane Bédard, qui avait appuyé André Boisclair.
Chacune des 79 propositions qui ont abouti à la plénière, a été adoptée, la plupart sans véritable débat, du jamais vu dans un conseil national. Pauline Marois a expliqué que ces résolutions avaient fait l'objet au préalable de discussions soutenues dans les ateliers. En outre, elles avaient d'abord été formulées dans les circonscriptions, puis elles ont passé le filtre des associations régionales.
Plusieurs éléments des 242 propositions présentées au départ au Conseil national allaient à l'encontre des positions de la chef. C'est le cas de certaines propositions discutées dans l'atelier sur l'éducation que les membres du Comité national des jeunes (CNJ) avaient investi. On réclamait la pleine gratuité de l'enseignement universitaire et le gel des droits de scolarité. La porte-parole pour l'éducation, Marie Malavoy, et le whip Stéphane Bédard, ont veillé au grain. La notion de gratuité a été évacuée. Le gel des droits est inscrit dans la proposition adoptée, hier, mais, il est temporaire. Rapidement après une victoire du PQ, la tenue d'un Sommet sur l'éducation y mettra fin, et le gouvernement tranchera par la suite.
La proposition principale sur l'éducation comprend également la possibilité pour un étudiant de reporter jusqu'à la toute fin de ses études le paiement des droits de scolarité lorsque son revenu sera suffisant. On veut aussi supprimer le principe de la contribution parentale de l'aide financière aux études. Mais ces mesures, qui sont onéreuses, ne seront arrêtées qu'à la suite du Sommet, a indiqué hier Mme Marois.
Dans l'atelier sur la santé, la porte-parole en matière de services sociaux, Lisette Lapointe, et le critique pour la santé, Bernard Drainville, ont bien manoeuvré pour éviter qu'une proposition visant un régime universel d'assurance médicaments n'aille plus loin. De subir le même sort une résolution voulant que le gouvernement ait recours à la clause dérogatoire («nonobstant») pour se soustraire aux obligations imposées par le jugement Chaoulli de la Cour suprême relativement aux assurances privées en santé.
Le porte-parole en matière de finances et de développement économique, François Legault, épaulé par son allié François Rebello, s'est assuré en atelier que des propositions centrales, souhaitées par la chef péquiste, soient adoptées sans encombre, soit l'élimination immédiate de la taxe sur la capital et la baisse du taux d'imposition des entreprises.
En matière de souveraineté et de culture, la proposition du conseil exécutif national a été adoptée sans faire de vagues. Le PQ rédigera un Manifeste sur la souveraineté, engagera un «débat sur la souveraineté avec la population» et organisera une tournée nationale. Les 12 gestes de «gouvernance nationale» feront partie de la prochaine plate-forme électorale du parti, notamment l'adoption d'une constitution et d'une citoyenneté québécoises. Les péquistes exigeront le rapatriement de pouvoirs d'Ottawa en matière de langue, de culture, d'immigration, de communications et, aussi, d'assurance emploi.
La proposition sur l'identité réitère la volonté du PQ de renforcer la Charte de la langue française, comme le stipulait le projet de loi 195, en resserrant les règles relatives à la langue de travail pour les entreprises de 49 employés ou moins.
Le porte-parole pour la langue et la culture, Pierre Curzi, est intervenu samedi pour s'opposer au projet d'enseigner à l'école la «langue standard québécoise», un abâtardissement de la langue française dénoncé par nombre de linguistes. On se contentera de «renforcer résolument l'enseignement du français». Point à la ligne.
Avec la proposition sur l'identité, le PQ durcit le ton: le gouvernement ne transigera pas avec des entreprises qui ne détiennent pas de certificat de francisation. Les communications gouvernementales avec les citoyens ne se feront qu'en français sauf pour «des organismes identifiés comme bilingues». La prépondérance du français sera exigée dans les dépliants, feuillets et autres documents publicitaires.
Enfin, la volonté de Mme Marois d'instaurer des cours intensifs d'anglais à la fin du primaire ou au début du secondaire figure dans cette résolution. Mais comme un militant vigilant l'a fait observer samedi, les cours d'anglais n'ont rien à voir avec l'identité québécoise, du moins au PQ. La proposition a été votée telle quelle hier, mais on a promis que cet encouragement au bilinguisme se retrouverait dans la section sur l'éducation.
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