Un effort collectif

La langue - un état des lieux

Aux données publiées mardi par Statistique Canada sur la langue de travail s'est ajouté hier le rapport quinquennal de l'Office de la langue française sur la situation du français au Québec. Il s'y trouve tant d'information qu'on peut y perdre de vue les grandes tendances si on n'y prend garde. À manipuler avec soin.
De ces deux rapports, on peut conclure que tout ne va pas si mal pour le français. Oui, il y a des progrès encourageants à certains égards. Mais il y a aussi des reculs. Des reculs inquiétants, comme la diminution du poids des Québécois de langue maternelle française dans l'ensemble du Québec et à Montréal.
L'essentiel du problème de la langue est là. Le français est menacé de minorisation à Montréal et dans sa région immédiate, où se trouve concentrée une très large portion de la population québécoise. Sur l'île de Montréal, les Québécois de langue maternelle française sont désormais minoritaires. De 55,9 % qu'ils étaient en 1991, ils étaient passés à 49,8 % en 2006. Le français comme langue d'usage n'est plus parlé que par 54,2 % des Montréalais, soit une perte de trois points de pourcentage en 15 ans. Dans la région métropolitaine, le français a une plus large part, mais on observe aussi une baisse, quoique plus légère, au cours de la même période. Il y a là une tendance lourde.
On trouvera paradoxal de voir diminuer ces grands indicateurs de la santé du français alors qu'on constate aussi des progrès. Statistique Canada notait ainsi que le nombre de travailleurs immigrants utilisant le français au travail était passé de 63 à 65 % entre 2001 et 2006. Que les anglophones le font dans une proportion de 68 %, un gain de trois points en cinq ans. Que sur l'île de Montréal, l'utilisation du français comme langue de travail est demeurée stable.
Intéressants, ces progrès ne peuvent cependant pas être qualifiés de significatifs. Une exception notable a trait aux transferts linguistiques en faveur du français, passés de 35,8 % en 1991 à 45,7 % en 2001. Il y a toutefois une explication à cela. Selon l'Office de la langue française, ces résultats ont pu être influencés par la récente politique d'immigration. Les immigrants roumains, espagnols et arabes, désormais plus nombreux, iront plus facilement vers le français. Cela explique aussi les progrès observés par Statistique Canada en matière de langue au travail.
La présidente de l'Office de la langue française, France Boucher, s'est gardée de tirer toute conclusion de l'étude publiée hier. Même pas une synthèse des tendances qui se dégagent de toutes les statistiques recueillies. «Timoré» est un bien faible mot pour décrire son refus d'assumer ce qui devrait être son devoir d'indiquer des pistes d'action au gouvernement.
La ministre responsable de l'application de la loi 101, Christine St-Pierre, a l'intention de déposer un plan d'action d'ici la fin du mois. Il faut maintenir le cap, dit-elle. Suggérons-lui d'en faire un peu plus si elle veut freiner le déclin des francophones au Québec et à Montréal. Elle ne veut pas d'un renforcement de la loi 101? Bien! Mais qu'elle s'assure de son application rigoureuse. Qu'elle donne à l'Office de la langue française les moyens nécessaires à cette fin. Qu'elle convainque ses collègues ministres de mettre l'accent sur les politiques de sélection puis d'intégration des nouveaux arrivants et de leurs enfants.
Pour parvenir à des résultats, Mme St-Pierre doit se donner des objectifs. Par exemple, que dans cinq ans les transferts linguistiques des allophones se fassent vers le français dans une proportion qui dépasse largement le seuil des 50 %. Les progrès réalisés à cet égard ne sont pas suffisants. Le fait que 30 ans après l'adoption de la loi 101 ces transferts se fassent toujours majoritairement vers l'anglais est en soi un constat d'échec. Pour cela, il lui faudra mobiliser tout le gouvernement, à commencer par les ministères de l'Éducation, de la Culture, de l'Immigration, du Travail, de l'Industrie et du Commerce. L'effort doit être collectif.


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