Au plan environnemental, Jean Charest et les libéraux au pouvoir ne nous auront occasionné que des nuisances et des litiges. Qu’on pense au Suroît, à Orford, aux prolongements des autoroutes 25 et 30, aux projets d’éoliennes dans le Bas-du-Fleuve, ce gouvernement agit à chaque dossier important de façon à devoir confronter sérieusement les environnementalistes, ces derniers se trouvant finalement toujours les mieux documentés. Et c’est ainsi qu’à chaque fois, nos élus se font discréditer publiquement.
Dans la région de Québec, après avoir cautionné depuis le début le projet Rabaska pour l’implantation d’un port méthanier à deux enjambées de la vieille ville de Québec, sur le territoire-même desservi par la Commission de la Capitale nationale, quel sera leur prochain coup de force : la promotion d’un parc pétrochimique à Ste-Anne de Beaupré ? D’un site d’enfouissement sanitaire dans le Parc des Laurentides ? D’un méga-terminal de croisières à l’Île d’Orléans? N’importe quoi…», comme on dit dans le jargon populaire, voilà à quoi il faut s’attendre avec nos dirigeants actuels, qui ont fait le choix évident de s’asservir sans nuances à l’entreprise privée.
Le traitement de faveur visiblement accordé par le gouvernement de Jean Charest au projet Rabaska constitue la démonstration la plus claire de leur grossier mépris pour l’environnement, car cette fois, le coup vient frapper le cœur de la Belle Province : la Capitale nationale. En plus de représenter une zone habitée, le site du projet est la région immédiate de Québec, connue comme le berceau du Canada Français, juste en face de l’icône touristique qu’est l’Île d’Orléans, directement sur la côte sud du fleuve St-Laurent, et dans un territoire formé des plus vieilles terres ancestrales du pays. Au-delà de son caractère d’industrie lourde hideuse et polluante, l’agression n’aurait pas pu être plus intimidante : c’est du gaz naturel que la multinationale veut y manipuler, et en volumes énormes. Du gaz ! Un produit éminemment dangereux !
Cette entreprise sinistre aurait été bloquée dès le départ par nos élus que toute la population de la région aurait bien compris et reçu le geste. Au contraire, ces élus ont choisi de se prêter ouvertement et sans pudeur à un jeu de lobby favorable au projet et ce, devant un peuple désarçonné : en congédiant d’abord M. Thomas Mulcair, un ministre de l’environnement qui avait rapidement réalisé que le site de Québec pour le projet est absurde; en remplaçant ce ministre par un autre qui a immédiatement influencé publiquement le débat, au lendemain de sa nomination; en précipitant le dossier en audiences devant le BAPE, malgré des réserves majeures de la Direction de la santé publique; en prenant finalement la défense d’un rapport du BAPE insipide et biaisé.
Ce dernier épisode – la caution d’un rapport biaisé du BAPE - apparaît définitivement comme le plus abject dans tout le processus politique cité. Sans prétendre que toutes les études environnementales de l’organisme d’évaluation manquent d’objectivité, celle qu’il a produite pour Rabaska est visiblement tout sauf intègre. N’importe quel intervenant sensé préoccupé par l’environnement durable et bien informé du dossier peut percevoir que la volonté politique de réaliser le projet en minimisant ses nombreux impacts négatifs transpire de tous les chapitres du rapport : notamment, ce rapport atténue l’ampleur et la rigueur réelles de l’opposition au projet; il ignore le débat sur le terrain du questionnement d’ordre international actuellement en cours dans le domaine; il exclut le recours à des expertises pointues et indépendantes pour l’aspect du risque; il avantage les thèses porteuses d’enjeux économiques au détriment de celles traitant spécifiquement de développement durable; il relativise grossièrement les notions de danger et de santé publique; il esquive les jugements éclairés à porter sur les actions «facilitantes» pour le projet déjà engagées par diverses administrations publiques.
À titre d’exemple, et puisque c’est avant tout le choix de la région de Québec comme site de port méthanier qui est contestable dans ce projet, voyons comment la Commission a réglé l’étude du volet «insertion territoriale» dans son rapport : après avoir utilisé de nombreuses pages pour faire la synthèse des objections des opposants et après avoir établi un certain bilan de dommages permanents à venir pour la région, elle nous sert un argumentaire insignifiant limité à quelques paragraphes dans lesquels elle conclut que le projet est conforme aux règlements d’urbanisme de la ville-hôte, que ces règlements sont issus d’un processus démocratique local, et que les administrations publiques n’ont qu’à être plus rigoureuses et sensibles à l’avenir dans leurs décisions quant à l’aspect urbanistique du développement. Discours éminemment poltron pour un organisme public dont le mandat est de conseiller les élus à titre d’expert...
Maintenant, quand le ministre Couillard intervient dans le débat en affirmant que la population doit se ranger derrière l’institution du BAPE dont le rapport sur Rabaska est «tout-à-fait crédible et respecte entièrement les critères d'objectivité...», on comprend qu’il ne l’a certainement pas lu (d’ailleurs, où trouverait-il le temps ?), qu’il ne connaît pas le dossier et qu’il ne véhicule que le mot d’ordre politique de son cabinet.
La population, par contre, connaît le dossier de mieux en mieux. Après trois ans de cynisme politique, elle refusera de continuer à jouer l’urne qu’on cherche à emplir, et trouvera le moyen de bloquer définitivement l’infâme projet.
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Martin Brandl
Sainte-Pétronille, Île d’Orléans
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