La proposition de Michael Fortier — tenir un référendum sur la souveraineté à date fixe tous les 15 ans — aura au moins servi à une chose: on peut maintenant exclure son nom de la liste des prétendants à la succession de Jean Charest.
Lors de la dernière campagne fédérale, son panneau-réclame en forme de chèque, qui prétendait chiffrer le coût du Bloc québécois depuis sa fondation, avait déjà laissé planer un sérieux doute sur son jugement politique. On est manifestement fixé.
Depuis des années, les fédéralistes accusent le PQ de bafouer la démocratie en cherchant à multiplier les référendums jusqu'à obtention de la réponse souhaitée, après qu'une majorité de Québécois eut opposé à deux reprises une fin de non-recevoir à son projet. Non seulement M. Fortier reconnaît que cette insistance est tout à fait démocratique, mais il veut maintenant en faire une obligation légale. Cette idée ferait certainement fureur dans un congrès à la direction du PLQ!
Certains ont souligné la situation loufoque dans laquelle se retrouverait un gouvernement résolument fédéraliste, s'il était forcé de tenir un référendum. Il serait tout aussi absurde qu'un gouvernement souverainiste en soit empêché à un moment où les «conditions gagnantes» seraient enfin réunies.
M. Fortier n'est cependant pas le seul à penser que la question nationale accapare trop d'énergie au Québec et qu'elle empêche de s'attaquer aux «vrais problèmes», comme la réforme des systèmes de santé et d'éducation, l'assainissement des finances publiques, etc.
C'est aussi ce que croient les Lucien Bouchard, François Legault, Joseph Facal et autres souverainistes «lucides» qui pensent que le Québec n'a pas les moyens d'attendre le Grand Soir avant de prendre le taureau par les cornes.
***
Contrairement à d'autres dans le camp fédéraliste qui préfèrent jouer à l'autruche, M. Fortier reconnaît que la question nationale n'est pas à la veille d'être réglée. Puisqu'il lui faut vivre avec, il propose de limiter le débat à une période de quelques semaines tous les quinze ans.
Pendant 35 jours, les supergestionnaires fédéralistes et souverainistes de son gouvernement de salut public se rangeraient dans le camp de leur choix. Le lendemain du référendum, tout ce beau monde recommencerait à travailler fraternellement au mieux-être du Québec. Un véritable conte de fées.
Quand on pense à la férocité des débats en 1980 et en 1995, il est difficile de croire que la campagne référendaire ne laisserait aucune trace. Même si c'était le cas, ce scénario idyllique suppose qu'en période «non référendaire» il serait possible de dissocier complètement la question constitutionnelle de la gestion quotidienne des dossiers.
La solidarité ministérielle de ce gouvernement mixte serait continuellement mise à l'épreuve. Comment aurait-il pu en arriver à un consensus sur la réponse à donner au jugement de la Cour suprême sur les écoles passerelles?
Autant il faut être deux pour danser le tango, autant il ne peut y avoir de trêve que si elle est respectée de part et d'autre. Une mise en veilleuse unilatérale du débat constitutionnel serait en réalité une capitulation. Parce que le Québec est trop occupé pour lui résister, le gouvernement fédéral va-t-il abandonner son entreprise de nation building et renoncer, par exemple, à créer une commission des valeurs mobilières pancanadienne ou à diminuer le poids relatif du Québec à la Chambre des communes?
Aussi bien le gouvernement Charest que le PQ ont réclamé la maîtrise d'oeuvre complète en matière de culture et de communications, mais Ottawa ne veut rien entendre. Sous prétexte qu'un autre référendum sur la souveraineté aura lieu dans quinze ans, devrait-on abandonner l'idée d'un référendum sectoriel et se contenter de représentations aussi polies qu'inutiles au Conseil de la fédération?
***
Ce sont des problèmes comme ceux-là qui rendraient la vie impossible à un éventuel gouvernement de centre droit dirigé par François Legault qui inclurait aussi des fédéralistes comme Philippe Couillard ou — pourquoi pas? — Michael Fortier.
Même si la population n'a pas d'appétit pour un référendum à court terme, il est difficilement imaginable qu'un gouvernement québécois se transforme en eunuque constitutionnel pendant quinze ans.
Même Jean Charest avait senti la nécessité de se donner une politique constitutionnelle avec le rapport Pelletier. Soit, il a été rapidement expédié sur les tablettes, mais on peut au moins le citer au besoin.
À l'automne 2002, Mario Dumont, qui dirigeait lui aussi une coalition de fédéralistes et de souverainistes, avait pensé bien faire en déclarant devant le Canadian Club de Toronto que la question constitutionnelle avait disparu de son écran radar. Le résultat avait été désastreux. Sans le débat sur les accommodements raisonnables, qui lui a offert une occasion inespérée de se refaire une beauté identitaire à l'automne 2006, l'ADQ aurait sombré encore plus rapidement.
Les membres du gouvernement mixte proposé par M. Fortier n'arriveraient même pas à s'entendre sur une position aussi floue que l'autonomie préconisée par l'ADQ. À Ottawa, ils seraient morts de rire.
***
mdavid@ledevoir.com
Un conte de fées
M. Fortier n'est cependant pas le seul à penser que la question nationale accapare trop d'énergie au Québec et qu'elle empêche de s'attaquer aux «vrais problèmes»
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé