Force Québec

Cette « fumeuse » troisième voie…

Mouton revêtu d’une peau de loup, ou loup revêtu d’une peau de mouton ?

Chronique de Richard Le Hir

Il est tout de même amusant de voir la vitesse à laquelle retombent certains ballons d’essai. J’ignore tout de la stratégie de François Legault, Joseph Facal et consorts, mais ils doivent être les premiers à reconnaître que l’annonce de leur projet n’a pas soulevé que des applaudissements. Et tous les deux se sont empressés de calmer le jeu, l’un en insistant que son initiative n’en était encore qu’aux tout premiers stades, et l’autre en se murant dans le silence le plus total.
Pour avoir vécu de près la tentative de définir une troisième voie pour le Québec au début des années 1990, je ne suis pas du tout surpris par le tour des événements. On se souviendra qu’alors, Jean Allaire et Mario Dumont avaient tenté de réunir autour d’eux quelques acteurs de la scène politique et économique pour étudier les choix politiques qui s’offraient aux Québécois dans le contexte de l’après-Meech et de l’après-Charlottetown.
À titre de président de l’association des manufacturiers du Québec et en raison des nombreuses interventions que j’avais faites au sujet du dossier constitutionnel au cours des de cette période, j’avais été invité à participer à la réflexion de cette équipe aux côtés de Claude Castonguay et de Claude Béland, entre autres.
Comme il était devenu évident assez rapidement que l’ambition d’Allaire et de Dumont était de former un nouveau parti politique, je m’étais retiré du groupe parce que mes fonctions à la tête des manufacturiers ne me permettaient pas d’avoir des activités partisanes, et que j’estimais de toute façon que, dans la conjoncture de l’époque, les options politiques des Québécois étaient trop cristallisées entre souverainistes et fédéralistes pour qu’une troisième force puisse s’imposer suffisamment pour devenir un parti de gouvernement. De plus, je mesurais pleinement le défi organisationnel que constituait la mise sur pied d’un nouveau parti politique. J’avais d’ailleurs rendu publiques les raisons de mon retrait, ce qui m’avait valu les commentaires appréciatifs de Gilles Lesage dans une de ses chroniques du Devoir.
On connaît la suite des événements. Sur la foi de sondages encourageants (comme l’histoire se répète !), Allaire et Dumont avaient fondé l’Action Démocratique du Québec et s’étaient lancés dans la bataille électorale en 1994 pour connaître une campagne électorale très difficile et ne parvenir à faire élire qu’un seul député (Mario Dumont).
Depuis lors, l’ADQ, qui s’était clairement située dans l’espace droite centre-droit, a connu des fortunes diverses, parvenant même à un certain moment à ravir au PQ son titre d’opposition officielle, mais n’est jamais parvenue à recruter une équipe suffisamment solide pour avoir suffisamment de crédibilité pour que la population lui confie les destinées du gouvernement. Mario Dumont a fini par comprendre qu’il s’agissait d’une mission impossible et a quitté la politique.
Les Québécois à l’heure actuelle souhaitent bien plus du changement que du conservatisme fiscal et seraient prêts à jeter leur dévolu sur quiconque leur apporterait un espoir de changement. C’est pourquoi Pauline Marois fait aussi mauvaise figure que Jean Charest dans les sondages.
Au surcroît, tous les signaux économiques pointent désormais vers le rouge, et les Québécois vont très rapidement comprendre que l’adoption de l’agenda économique prôné par les adeptes du conservatisme fiscal les jetterait littéralement à la rue, en leur arrachant toutes les protections sociales et autres qu’ils ont gagnées depuis le début des années 1960.
Le conservatisme fiscal, c’est toujours une bonne idée quand il s’agit de piquer dans l’assiette des autres. Mais quand elle vient vous arracher ce qu’il y a dans votre assiette, la bonne idée se mue en hold-up cynique. C’est ce que vont comprendre les Québécois au cours des prochains mois, et je fais pour ma part la gageure qu’ils vont rapidement se rabattre à gauche, non pas tant par conviction idéologique que par une juste compréhension d’où se trouve leur intérêt.
Par ailleurs, quelles que soient l’ampleur du vacuum actuel et la faiblesse du PLQ ou du PQ, je continue de croire que tant que la question nationale ne sera pas réglée une fois pour toutes au Québec, le clivage politique continuera à se définir dans l’opposition fédéraliste/nationaliste plutôt que dans l’opposition gauche/droite, même si certains intérêts que l’on connaît bien voudraient qu’il en soit autrement et mettent tout leur poids et leurs moyens pour que ce soit le cas.
On voudrait maintenant nous faire croire à la possibilité d’une coalition fédéraliste nationaliste de droite. Pensez-y deux secondes. Un tel animal serait-il un mouton revêtu d’une peau de loup, ou un loup revêtu d’une peau de mouton ? C’en est risible. Mais ce qui est tragique, c’est qu’ils prennent des Québécois pour des imbéciles en pensant un seul instant qu’ils se laisseront avoir par une telle fumisterie.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 octobre 2010

    Je veux survivre comme composante de la nation francophone en Amérique du Nord. Voilà mon objectif ultime. Alors qu’est-ce que je ressens et voit présentement ? Une assimilation progressive de ma nation dans le grand ensemble anglo-saxon nord américain. Une assimilation qui relève de la volonté d’une autre nation de nous soumettre à la sienne. Ce que le Canada n’accepterait pas pour lui-même, lui nous l’impose. Les exemples sont nombreux et vous les connaissez.
    Alors, quelles sont les options à la disposition de la nation québécoise ?
    D’abord le statut quo, c’est-à-dire accepter le geste antidémocratique du rapatriement unilatéral de la Constitution de 1982. Je suis pour la démocratie, je ne peux donc pas accepter cette imposition qui s’oppose à nos intérêts.
    Une deuxième option serait de revenir à un véritable fonctionnement confédéral des provinces canadiennes. Le Canada anglais n’y consentira jamais.
    La seule proposition qui pourrait susciter un intérêt, en ce qui me concerne, serait la création d’un Canada formé d’États souverains, une sorte d’États-Canadiens-Unis, ayant un gouvernement de représentation des États souverains mais ne pouvant en aucun temps porter atteinte à leur souveraineté dans aucun domaine. Mais là encore, l’esprit impérialiste anglo-saxon du Canada s’y opposerait farouchement.
    Il reste une troisième option, en ce qui me concerne, celle que le Canada anglais nous force à prendre et que nous devons accueillir pour assurer la survie de notre nation et c’est la création du pays Québec.
    Ce n’est pas une question idéologique, c’est tout simplement le sens pratique qui nous l’impose. La seule porte laissée ouverte par le Canada anglais pour enfin être libre de nos choix, libre de penser et de décider par nous-même comme nation, c’est la création d’un pays démocratique et francophone au cœur de l’Amérique du nord. Toutes les autres avenues étant fermées à jamais, du moins suffisamment longtemps pour assurer l’assimilation de notre nation francophone dans le grand Canada anglais. Alors, pour moi, choisir le pays Québec, devient facile et constitue une perspective réjouissante. Je respire déjà mieux rien que d’y penser. Alors, imaginez- vous s’y nous avions enfin franchi cette étape cruciale pour l’avenir de notre nation.
    La question nationale est donc prioritaire, urgente à régler.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 octobre 2010

    Legault et Facal font la preuve qu'ils n'auront été au cours des ans que des souverainistes de salon, des fonctionnaires de la souveraineté du lundi au vendredi et surtout pas les fins de semaine et non des indépendantistes.