Qui a peur de Griffintown?

Griffintown


Ce n’est pas parce qu’on a critiqué l’immobilisme montréalais qu’il faut laisser faire le projet Griffintown. C’est parce que c’est un bon projet.

Avez-vous vu de quoi ont l’air les rues Ottawa, Young, Murray? Il y a peu de chances que vous les connaissiez, on ne s’y attarde pas…
On voudrait chialer, mais jusqu’à maintenant, il faut bien l’avouer: Devimco fait les choses plutôt bien. Ceux qui disent qu’on nous propose un DIX30 montréalais sont de mauvaise foi ou mal renseignés.
Quel est-il, au fait, ce projet? Dans ce très vieux quartier, sinistré depuis 45 ans, il s’agit de construire plusieurs édifices à étages, des commerces et des logements pour environ 7500 personnes. Artificiel? Tant que personne n’y vit, c’est forcément virtuel…
La première objection classique a vite été balayée: ce qu’il reste de patrimoine dans ce quartier sera à peu près conservé tel quel, dont une caserne de pompiers. Il y habite environ 40 personnes (sur une superficie d’un million de pieds carrés) : elles demeurent là.
Ceux qui prennent le pont Victoria par la rue de la Montagne sont familiers avec cette rangée de maisons victoriennes d’ouvriers, où loge La coop Sainte-Anne: elles ne seront pas touchées.
Il se peut qu’elles soient bordées de tours de condos, ce qui sur le plan de l’harmonisation ne sera pas idéal. Mais à cette légitime objection – en cette Journée du patrimoine – on peut répondre: avez-vous vu de quoi elles sont bordées en ce moment?
Les habitations dans ce quartier industriel abandonné sont isolées les unes des autres, entre des hangars et des locaux vides.
On ne peut pas rentabiliser la construction de maisons à deux étages dans cette zone, c’est l’évidence.
Le projet changera de fond en comble Griffintown. Mais Griffintown est déjà un fantôme. Le plus qu’on puisse faire est d’en préserver quelques squelettes: on ne le refera pas.
À l’origine, ce terrain à l’ouest de l’autoroute Bonaventure était une ferme: le fondateur de Montréal, Maisonneuve, en a dressé le premier cadastre, et l’a cédé à Jeanne Mance, fondatrice de l’Hôtel-Dieu. C’était la ferme de l’hôpital. Le terrain a été cédé après la Conquête et a abouti entre les mains de la famille Griffin, qui en a tracé les premières rues. Les immigrants irlandais qui ont creusé le canal de Lachine et bâti le pont Victoria l’ont peuplé. Et en 1963, le quartier a officiellement été rebaptisé le Faubourg des Récollets, mais la construction de l’autoroute Bonaventure et les expropriations qui l’ont accompagnée ont achevé de dépeupler ce quartier.
On se retrouve 45 ans plus tard avec un projet inimaginable il n’y a pas si longtemps: un investissement de 1,3 milliard qui viendra augmenter la densité urbaine tout près du centre-ville.
Quelles sont les principales critiques? La moitié des critiques ont trait à la consultation. Il est vrai qu’on a télescopé le processus habituel. Si bien, comme le dit Dinu Bumbaru d’Héritage Montréal, qu’on passe par l’Office de consultation pour savoir comment réparer les escaliers du mont Royal, mais qu’on consulte localement pour un énorme projet.
La question de principe est bonne. Mais qu’aurait-on appris de fondamentalement différent avec une consultation grand format?
On dit aussi que le quartier entrera en concurrence avec les commerces de la rue Sainte-Catherine. Certes, mais est-il écrit dans le ciel qu’il faut empêcher la concurrence commerciale? Actuellement, la concurrence existe en banlieue, à 15 minutes du centre-ville, notamment au Quartier DIX30, quoi qu’on en pense.
Le quartier est enclavé? Oui, mais il l’est déjà. La transformation de l’autoroute Bonaventure en boulevard, éventuellement, y remédiera en partie. Un projet de tramway le reliant au Vieux-Montréal semble sérieux. Le promoteur accepte d’y accroître sa participation.
On nous dit aussi que le projet demeure flou au plan architectural. C’est vrai, mais c’est un projet : on ne peut pas en dessiner tous les détails à l’avance.
Devimco a accepté d’augmenter le nombre de logements sociaux. On sent la volonté de présenter le projet sous un jour plus famille. Il n’y a pas de projet d’école, mais il n’y a pas encore d’enfants : la commission scolaire n’ira pas entreprendre un chantier là.
Il y a du flou? Cela va de soi. Mais la Ville a encore des moyens pour contrôler l’aménagement du projet.
On peut – on doit – faire des plans d’urbanisme. Mais s’il fallait attendre de trouver LE promoteur qui allait réaliser tous ces plans, on ne pourrait pas avancer.
Or il se trouve qu’on a ici un projet comme on n’en a pas vu beaucoup à Montréal depuis une éternité. Et un promoteur qui n’est pas fermé à la critique. Allons-y!


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