Que faire du Parti québécois?

En acceptant de construire l'identité nationale dans le cadre canadien, le Parti québécois de Pauline Marois invalide la nécessité de la souveraineté et la dévalue comme projet politique.

PQ - gouvernance nationale<br>Conseil national 14-15 et 16 mars

(Photo PC) On peut avoir toutes sortes de raisons de faire de la politique. Certains s'engagent parce qu'ils sont attirés par le pouvoir et la possibilité d'influencer les politiques gouvernementales. D'autres militent dans un parti parce qu'ils ont des convictions qu'ils veulent diffuser et faire partager par leurs concitoyens. Sans porter de jugement sur la valeur morale ou sur la légitimité de ces types de motivations, il faut toutefois reconnaître qu'elles n'ont pas les mêmes implications quant à la définition du rôle que doit jouer un parti politique.


Dans la conjoncture actuelle, les membres du Parti québécois sont divisés par ce dilemme. La direction du PQ désire reprendre le pouvoir dans les meilleurs délais. Pour ce faire, elle cherche à récupérer la clientèle que lui a enlevé l'ADQ par son positionnement traditionaliste sur la question identitaire. Depuis la cuisante défaite électorale de mars 2007, le PQ a délaissé son orientation souverainiste et progressiste pour effectuer un retour au nationalisme canadien-français en remettant la souveraineté aux calendes grecques et en lui substituant une vision autonomisme. Pour défendre de façon crédible un programme qui accepte le cadre provincialiste d'un éventuel gouvernement péquiste, on se devait d'évacuer la souveraineté de l'ordre du jour politique. L'objectif pour les cinq prochaines années sera de promouvoir la culture et l'identité québécoise et non pas le changement de statut politique. Avec ce nouveau virage, le Québec se retrouve avec trois partis plus ou moins autonomistes qui cherchent à aménager de façon différente un statut particulier pour le Québec au sein du Canada. En acceptant de construire l'identité nationale dans le cadre canadien, le Parti québécois invalide la nécessité de la souveraineté et la dévalue comme projet politique.
Une position inacceptable
Cette nouvelle position est inacceptable pour ceux qui font de la politique pour faire du Québec un pays indépendant. Les indépendantistes pensent que le rôle d'un parti est de faire la promotion de ses idées et que le Parti québécois, par son abdication électoraliste, se fera complice du processus de fédéralisation des esprits soutenu par le gouvernement canadien. Le changement de cap du PQ avalise la normalisation du Québec comme nation culturelle minoritaire au sein du Canada uni.
Comme le nouveau programme du PQ n'est pas encore finalisé, il reste une mince chance de le ramener dans la voie souverainiste avant de s'en absenter définitivement. Pour cela, il faudrait que trois exigences soient satisfaites:
1- Il faudrait inscrire dans le programme et dans les discours des ténors du parti une déclaration de principe qui affirmerait que l'indépendance est une condition essentielle au développement du Québec.
2- Pour résoudre l'épineuse question du sens d'un vote en faveur du Parti québécois et remettre l'enjeu de la souveraineté dans le débat public, il faudrait que le PQ adopte un seuil de 45% de votes pour enclencher la procédure référendaire. Cette position signifierait que toute personne qui vote pour le PQ vote pour un parti souverainiste qui déclenchera le processus référendaire dans la mesure où le soutien populaire sera suffisamment élevé pour envisager un référendum gagnant.
3- Enfin, la direction du parti devrait adopter un programme de promotion de la souveraineté avant, pendant et après les élections.
Comme il y a peu de chances que ce retour à l'option fondamentale soit adopté par les instances du parti, il faut envisager les autres options qui restent. Partant de la prémisse qu'il n'y a pas de vide en politique, on peut en déduire que lorsqu'un parti abandonne une position sur l'échiquier pour se rapprocher du centre, il libère une case qui sera nécessairement occupée par un nouveau parti. Les militants indépendantistes qui ont déserté le Parti québécois depuis le référendum de 1995 et ceux qui le quitteront dans les prochains mois voudront reconstituer une force indépendantiste pour la simple raison qu'une option qui est absente du débat public s'efface de la conscience collective. Si l'indépendance n'est pas à l'ordre du jour et ne fait pas partie des choix crédibles offerts à l'électorat, les thèses des fédéralistes s'imposeront dans l'esprit des Québécois.
Régression politique
Un parti voué à la réalisation de l'indépendance est indispensable pour enrayer la régression politique qui affecte le Québec et qui nous ramène à l'autonomisme d'antan. Il faut une force de contestation des trois partis qui font croire aux Québécois qu'il est encore possible de conquérir des parcelles de pouvoir dans le cadre du fédéralisme. Autrement, s'il n'y a pas d'alternative, les Québécois se laisseront séduire par des hochets de souveraineté comme une Constitution interne, une citoyenneté provinciale, un rapport d'impôt unique que proposent le PQ et l'ADQ. Tout prétexte ou toute concession sera bonne pour justifier le maintien du lien fédéral. Les illusions ont la vie dure au Québec et sont entretenues par le système fédéral qui laisse toujours espérer des réformes qu'il intégrera à son projet national et qui serviront essentiellement à le légitimer. Seule la présence d'une organisation indépendantiste peut enrayer la régression provincialiste du Québec et reconstituer à moyen terme une coalition des forces de changement.
Le retour à l'affirmation nationale qu'impose la stratégie péquiste ne peut rallier ceux qui ne se reconnaissent pas dans l'identité canadienne-française, qui refusent de se laisser définir comme minorité culturelle dans un Canada uni et qui ne veulent pas continuer à entretenir l'ambivalence collective que nous impose la subordination provinciale. Nous ne voulons pas aménager notre dépendance, mais y mettre fin pour nous gouverner nous-mêmes.
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Denis Monière
L'auteur est professeur de science politique à l'Université de Montréal.
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