Quand politique et ridicule font bon ménage...

Chronique de Richard Le Hir


La controverse en cours sur le «détournement de patrimoine» auquel se livrerait le gouvernement fédéral avec sa participation aux fêtes du 400e anniversaire de Québec illustre on ne peut mieux le danger d'invoquer l'histoire quand on la connaît mal. Même si le Canada n'existe en tant que pays seulement depuis 1867 et que, de 1840 à 1867, il a existé en tant que province du Canada, il n'en reste pas moins que le nom «Canada» était déjà utilisé depuis au moins 1547 sur les cartes géographiques. C'était en effet le nom donné par Jacques Cartier à tout le territoire gouverné par le chef huron Donnacona, au nord du fleuve Saint-Laurent.
Il est donc délicat d'aborder la question de l'évolution des rapports Canada-France-Québec (dans l'ordre qu'on voudra) sous l'angle de l'histoire dans la mesure où c'est la France elle-même, par l'entremise de son représentant Jacques Cartier, qui fut la première à utiliser ce nom pour parler du territoire dont l'explorateur venait de prendre possession en son nom.
À qui la paternité?
S'il est vrai que l'utilisation de ce nom a par la suite connu une «extension» (on parlerait en droit d'une «captation d'héritage») sous le régime anglais après 1763, la paternité de la France sur le nom «Canada» ne peut pas être mise en doute, même si la France n'a rien eu à voir avec la réalité politique qui s'est tramée après la Conquête et qui nous vaut les chicanes dans lesquelles nous sommes enlisés depuis.
L'avant-scène du débat étant largement occupée par la classe politique canadienne et québécoise, je me prévaudrai donc du privilège de ma nationalité française (en double avec ma nationalité canadienne) pour faire quelques observations sur le pavé lancé par le président Nicolas Sarkozy dans la mare des relations France-Québec-Canada avec la grâce éléphantesque qui est devenue sa marque de commerce et dont les Français ont commencé à mesurer les dégâts, s'il faut en croire les sondages extrêmement négatifs à son endroit après seulement un an de pouvoir.
Improvisation
Comme pour le reste de ses interventions en politique extérieure, nous sommes en pleine improvisation. Tout à l'euphorie du pouvoir, le président Sarkozy n'a pas encore compris que la plus grande sagesse dont puisse faire preuve un homme politique qui en hérite est d'en user avec la plus grande modération, d'où la multiplication des faux pas et l'aliénation pour la France d'un important capital de sympathie un peu partout dans le monde depuis qu'il est aux affaires.
Mais le comble du ridicule est atteint lorsqu'on voit la France réserver un accueil royal à notre gouverneure générale, qui a dû répudier la nationalité française qu'elle avait acquise du fait de son mariage avec un citoyen français pour accepter ses fonctions officielles au Canada. Il faut croire que le Québec n'a pas le monopole des «cocus contents» et que le président Sarkozy fait avaler à son pays de bien drôles de couleuvres. [...]
Conséquences
Pour être dans l'ordre des choses, les rapports entre la France et le Québec ne sont pas pour autant inscrits dans le béton, comme en témoigne une éclipse qui a duré de 1763 à 1960. Le réalignement brutal de la politique française dans ses rapports avec le Canada et le Québec, exprimé dans le contexte hautement symbolique des fêtes du 400e anniversaire de Québec, aura des conséquences qui se prolongeront longtemps après le départ de Sarkozy, et il reste à voir si les intérêts de la France s'en porteront mieux.
S'il est un domaine où il ne faut pas mélanger la qualité des rapports personnels entre dirigeants avec les intérêts institutionnels supérieurs, c'est bien celui des relations internationales. Tant le président Sarkozy que le premier ministre Stephen Harper auront d'ailleurs l'occasion de s'en rendre compte très bientôt lorsque leur bon ami, le président George W. Bush, laissera la place à une nouvelle administration américaine qui aura un tout autre programme et que les mamours du premier et du second au troisième laisseront de glace.
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Richard Le Hir, Avocat et conseiller en gestion, ministre délégué à la Restructuration dans le cabinet Parizeau (1994-95)


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