Quand le libéral voit grand, le monde est petit!

Le projet de Jean Charest, nouvel espace économique ou nouvelle offensive du libéralisme?

Tribune libre 2008

Le mythe du développement éternel semble être ancré dans la chair même de
cette créature. Expansion infinie pour des raisons économiques, c'est à
dire pour que la machine du libéralisme fonctionne à plein régime. Cette
créature n'aime pas les syndicats, car c'est un métier peu rentable pour la
croissance, et dans un monde marchand, on le sait bien, le parlementage se
doit d'être réservé qu'aux politiciens, gardiens d'un pouvoir qui n'est pas
politique. C'est la loi du marché! Et le Québec marche là-dedans...
Cette créature, l'Homme libéral, raille les gauchistes barbus qui croient
en la justice sociale. Tant qu'il y aura des juges issus des milieux aussi
impropres que la politique, la justice sera un sens unique. Il ne faut pas
brusquer l'ordre établi au delà de sa patience si l'on ne veut pas goûter
du barreau! Cette créature se moque de l'environnement, «car une forêt vaut
bien plus cher une fois qu'elle est couchée à terre! ». Cette espèce en
voie d'implosion pense également qu'en ouvrant toute grandes ses portes à
la mondialisation, elle restera pure et accomplira sa mission sans entrave
aucune: dicter la voie du salut dans la production de biens consommables
jusqu'à la fin des temps. Cette erreur est minable. Quand il n'y aura plus
de jus dans le citron, qui sera encore là pour le presser? Certainement pas
les syndicats.
Le Québécois pense qu'il vit dans une démocratie parce qu'il va voter une
fois de temps en temps et parce que le désordre des extrémistes est vite
maté par ses protecteurs, qui deviennent occasionnellement des chiens, des
beus et des cochons lorsqu'il se fait prendre à rouler au-dessus de la
vitesse permise! Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une démocratie quand,
depuis ta naissance et jusqu'à ta mort, on te conditionne à respecter les
lois, à travailler sans trop y penser, à consommer n'importe quoi n'importe
quand pour que le système marchand fonctionne bien et que quelques
possédants se partagent des milliards de dollars sués par le peuple sur des
chantiers à n'en plus finir. C'est le masque et le plateau: nous ne nous
regardons pas en face et nous servons. Belle doctrine! La honte, c'est les
voiles des femmes arabes, c'est jamais le propre voile que nous portons
depuis si longtemps que nous le voyons même plus. La religion du Québécois
n'est plus catholique, elle est libéraliste, et il s'induit en erreur par
manque d'information quand il pense qu'il y a une corrélation avec le mot
«liberté». Son gourou, sa créature mythique, l'Homme libéral, agit sur lui
comme un Dieu tout-puissant: en dehors de cette croyance, il n'y a rien qui
tienne. « Vous autres, vous n'êtes rien que des utopistes! », se
plaisent-ils à postillonner; or quant à moi, c'est la croissance infinie
dans la production qui est utopiste!
Jean Charest se dandine en berçant l'illusion d'une cinquantaine de
projets de lois adoptés cette année comme étant un grand pas du Québec en
avant. En avant de quoi, ça je me le demande. Probablement en avant des
pauvres qui continuent à geler sur les coins de rues en plein milieu de
l'hiver, probablement en avant des forêts millénaires qui se font piller
par des compagnies papetières qui alimentent la propagande libérale de
centaines de journaux nord-américains, probablement en avant des familles
qui sont obligées de parker leur bambins dans des CPE pour être capables de
payer le loyer à la fin du mois, et probablement aussi un pas en avant sur
les danseurs, les peintres, les écrivains, les musiciens et les cinéastes
qui carburent au pain et café instantané pour faire ce qu'ils aiment dans
la vie. Alors Jean Charest, honnête homme libéral, croit qu'en donnant des
cadeaux aux entreprises, comme l'abolition de la taxe sur le capital pour
toutes les manufactures, que cela va améliorer la qualité de vie des
Québécois, alors que pendant ce temps, les objets manufacturés de la Chine,
produits par l'exploitation massive d'un peuple, continueront d'atterrir
sur les tablettes des centres de consommation avec des prix ridiculement
bas. Le choix est simple pour le Québécois. Mais j'aimerais qu'elle me
dise, cette créature, s'il n'y avait pas de pauvres en ce pays, si toutes
les familles bénéficiaient d'un montant d'argent respectable, comment
consommeraient-ils? La vérité, c'est qu'en étant paisibles et sans dettes,
les Québécois consommeraient des produits du Québec un peu plus couteux,
plutôt que d'alimenter une concurrence malsaine immigrée de nations peu
exemplaires.
Le Québec manque de travailleurs! Le Québec manque de bon sens également.
Si les élites économiques pensent que les générations futures embarqueront
dans cette plaisanterie dégueulasse du libéralisme et du capitalisme
aveugle, elles se fourrent un poing dans l'oeil! Le concept même du
développement durable est insensé: sur une terre finie, comment pouvoir
développer infiniment? C'est notre mode de vie qui n'a pas de sens. De
plus en plus, des gens réellement lucides parle de décroissance viable, et
l'enjeu le plus important est là. Les étudiants universitaires du Québec
ont lancé dernièrement une offensive en faveur d'un changement immédiat
dans les fondements même du système libéraliste. Il s'agit du Pacte des
Générations (http://www.pactedesgenerations.com). Comme dirait Jean
Charest, «la création de richesse n’a de sens que si elle permet de mieux
vivre ensemble». En ce vingt-et-unième siècle, la richesse ne se calculera
plus en argent, mais en terme de relations, de bien-vivre et de
vivre-ensemble, donc de vie sociale. Et j'invite tout le monde ici à se
poser la question: qu'est-ce que ma richesse?
Un nouvel espace économique ou une nouvelle offensive du libéralisme dans
un monde qui commence à prendre conscience que cette imposture qu'est le
libéralisme n'a apporté que des fléaux, des inégalités et des guerres
partout dans le monde? Quand un libéral voit grand, le monde est petit, car
pour la soif d'un exploiteur, la ressource est toujours infinie, preuve
d'un manque considérable de réalisme. Alors, que le Québec soit réaliste,
au lieu de marcher dans les pas du libéralisme.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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1 commentaire

  • David Poulin-Litvak Répondre

    28 mars 2008

    Il s'agit d'un excellent texte M. Blais, un propos très pertinent et si à contre-courant des dogmes néolibéraux, qu'il faut vous féliciter, fraternellement, de votre verbe et de votre pertinence. Je vous invite à l'envoyer à PTAG (readaction@pressegauche.org) pour sensibiliser les gens de gauche à ce nouveau discours, qu'il me fait plaisir d'entendre au Québec.
    La croissance infinie dans un monde aux ressources limitées, comme vous le soulignez si bien, est utopiste. Il s'agit du dogme central de l'économie classique, approximation valable en son temps, mais qui se heurte, maintenant, à une Terre finie.