Sauver Anticosti

La Perle du Saint-Laurent en péril

Appel aux îles

Tribune libre

À toutes les îles organisées du Québec.
J'ai eu envie de vous partager quelques réflexions. Je songe à m'établir en milieu insulaire, car il m'apparait comme un havre exquis où une société, même limitée, peut faire des miracles. Parce que la nature est pleine d'abondance. Parce que l'être humain, dans toute son intelligence, peut y prétendre à une certaine paix, à un contentement et une actualisation croissants, à une richesse qui se calcule en terme de qualité de vie et de bien-être. Pourquoi sur les îles plutôt que sur « terre ferme »? Je ne saurais y répondre. C'est une prétention du domaine de la philosophie ou de la poésie. À ce sujet, j'ai déniché un magnifique texte du poète Alphonse Beauregard, écrit autour de 1921.
Au large, dans l'attrait d'un fier isolement,
Apparaissent les îles
Où parfois en rêveur, en chasseur, en amant
À la sourdine on file.
N'importe où l'on aborde, avidement on fait
Le tour de son royaume,
Et la tente, sitôt dressée, est un palais
Que l'atmosphère embaume.
On se trouve lié d'instinct aux voyageurs
De tout bateau qui passe.
On a de l'intérêt pour les hérons guetteurs
Grimpés sur leurs échasses.
On muse sur la grève, on fauche pour son lit
Les rouges salicaires
Par quoi l'île transforme en élégants replis
Marais et fondrières.
L'éloignement du monde infuse dans l'air pur
Un subtil aromate.
On écoute en son cœur, près de l'eau, sous l'azur
Chanter une sonate.
On s'en revient les yeux fixés là-bas, et tel
Qu'aux jours de sa bohème ;
Heureux d'avoir été, dans le calme archipel,
Splendidement soi-même.
 
Alphonse Beauregard
Recueil « Les alternances » - 1921

Ce poème m'a touché parce que je crois que la beauté d'une île habitée se doit d'être préservée et ce travail revient à ceux qui y vivent et qui l'espèrent, qu'elle ait 35 habitants ou qu'elle en ait 3 millions. La plus vaste de toutes, l'île d'Anticosti - la grande Perle du Saint-Laurent - connaîtra un sort malheureux si le Québec n'intervient pas rapidement. Aussi, ses quelques 200 habitants ne peuvent rien faire face à une industrie qui se met en place rapidement et sans considération pour les insulaires, pas assez nombreux. Le pétrole du sous-sol d'Anticosti est convoîté. Là où des milieux naturels, qui font l'envie de plusieurs pays dans le monde, se dressent librement, intouchés par l'homme; là où de magnifiques rivières d'eau pure sillonnent encore le territoire, ils vont dynamiter des puits, extraire et transporter des hydrocarbures, contaminer l'eau, enlaidir le plus vaste joyau de notre estuaire laurentien et ce, avec des redevances ridicules pour la population. Et qu'en est-il du sort des Anticostiens? Ils auront des emplois d'ouvriers pendant quelques années après quoi la compagnie s'en ira, laissant derrière elle une île polluée, forée jusqu'à plus soif, dénaturée. Ce sera la grande Perte du Saint-Laurent.
À tous les habitants du Québec, et précisément aux insulaires, je vous envoie ce message aujourd'hui pour que vous joigniez votre nom à ceux et à celles qui ne veulent pas qu'Anticosti devienne, comme Félix le disait à propos de l'île d'Orléans:
Un dépotoir
Un cimetière
Parcs à vidanges
Boîte à déchets
U. S. parkings
Faire ça à elle, notre plus grande île - la Perle du Saint-Laurent - notre diamant gris dans la mer bleue de la boréalie québécoise, notre fleur d'Iris. Non, Anticosti ne doit pas céder.
Soulevons-nous, comme la marée sur ses flancs de calcaire.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    11 juillet 2012

    D'une certaine façon, on peut dire que le Québec jadis fut Anticosti. Au-delà de l'Anticosti, l'Océan se gorge d'hydrocarbures, et la morue n'est plus. En deçà de l'Anticosti, le lac Saint-Pierre du Survenant s'est dégorgé de toutes ses perchaudes en une nuit des temps modernes. Heure de pointe... le pont Pierre Laporte d'Octobre parle de folie avec le pont Champlain. Qu'en penses-tu Champlain de ces voitures qui occupent tout le centre de gravité des hommes à quatre roues motrices?
    Saint-Irénée

  • Serge Jean Répondre

    9 juillet 2012

    Je suis de tout coeur avec vous.
    Puisse ce peuple anesthésié se lever d'une seule voix et interdire ce viol insensé qu'on s'apprête à commettre encore une fois, avec le support du silence de la majorité.
    Peuple silencieux,ton anesthésie, ton indifférence,ta paresse crasse à refuser d'utiliser ton propre jugement te dépouillera de toute ta conscience.
    Dans la conscience est ton coeur,ton intelligence, ton pays,tes semblables,ton père ta mère, tes enfants, tes richesses, ton affection,ta gloire, tout!
    Dans l'indifférence, tu es inconscient,soucieux,névrosé, esclave, servile,abusé,abuseur,volé,voleur,amer,matérialiste,sans affection,narcissique, et tes enfants se retournent contre toi.
    Cesse donc enfin d'immoler tes enfants pour la bête capitaliste. Tu as perdu ton chemin et tes enfants sont la proie de la bête. Souviens-toi!
    Jean

  • Archives de Vigile Répondre

    9 juillet 2012

    C'est d'autant plus inquiétant que c'est par fracturation que l'industrie pétrolière entend procéder. Et d'autant plus encore qu'Anticosti est essentiellement calcaire, très poreuse, ce qui fragilise déjà ses rivières où montent saumons et grandes truites de mer. Où seront pompées les milliers de litres d'eau requis pour fracturer? Et puisque c'est une île, où seront donc expédiés les rejets liquides des puits le cas échéant? Et les déchets industriels en général? Du point de vue socio-économique, il apparaît aussi que Paul sera déshabillé pour habiller Pierre; les Anticostiens, et plein de monde des terres du sud et du nord, ont déjà de l'emploi dans les pourvoiries privées et de la Sépaq. Bref, figure de gouvernance connue de Charest and co, un échange d'une piastre pour quatre trente sous, un milieu naturel exceptionnel et ses chevreuils détruits en prime. Et les profits aux contributeurs de la caisse électorale.

  • Yves Rancourt Répondre

    7 juillet 2012

    Monsieur,
    J'ai visité cette île deux fois et j'éprouve les mêmes sentiments que vous à son égard. C'est un paradis, un milieu naturel comme on en voit peu en Amérique du nord et, croyez-moi, je l'ai parcouru de long en large cette Amérique. Je me souviendrai toujours de ces moments de camping sauvage à Baie Ste-Claire, seuls au milieu de dizaines de chevreuils qui nous observaient.
    Cette île aurait dû être désignée au complet parc national de conservation mais le gouvernement, sans doute déjà bien au fait de son énorme potentiel pétrolifère, a décidé de créer plutôt un parc ayant des dimensions somme toute assez modestes. Beaucoup des plus beaux milieux naturels de l'île seront ainsi menacés et, comme tout cela va se passer loin des grands centres urbains et du regard des médias, il y a tout lieu de craindre le pire.
    Vous avez bien fait de soulever ce point. Il faudra être vigilant et, si possible, avoir à cet égard l'appui de résidents de l'île.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juillet 2012

    Je peux me tromper mais il est raisonnable de penser que ce sera sous un gouvernement péquiste qu'un tel drame se produira.
    Va-t-il laisser dormir les 400 millions de barils de pétrole qui se trouvent là?
    L'avenir le dira.
    Pierre Cloutier