PQ : Pour le contenant ou le contenu ?

Décoder l'article 1, ou débattre sur du flou...

PQ - XVIe congrès avril 2011

Un vif débat a lieu depuis quelque temps, quelques années déjà, en fait, sur Vigile et ailleurs, entre supporteurs et critiques de ce que propose le Parti Québécois autour de la question nationale et, souvent plus simplement, sur la pertinence et la nécessité de rassembler les indépendantistes derrière le PQ tel qu'il se présente maintenant.
On peut constater que les critiques, d'une façon ou d'une autre, amènent habituellement des arguments. Dans la plupart des cas, ils s'inscrivent en faux pour des raisons précises. Quant aux défenseurs du PQ, si certains assument leur position en se montrant d'accord avec une entreprise de réforme dans le cadre provincial sans engagement indépendantiste, d'autres réagissent essentiellement sur le mode partisan : Vous critiquez mon parti, vous êtes facteur de division, je m'en prends à vous.
Ces derniers font l'économie de répondre sur le fond, comme si cela était superflu parce que, dans leur esprit, il irait de soi qu'ils appuient un parti déterminé à réaliser la pleine souveraineté et que dans ce contexte le choix des moyens aurait une importance relative. C'est avec ceux qui ont cette perspective-là, que la discussion devient plus vive, sinon un tantinet hargneuse, et qu'une odeur de malentendu persiste.
Je pense qu'il faut blâmer, pour cela, le discours péquiste, dont on retrouve l'esprit dans le programme de ce parti, ou plutôt la proposition de programme. Sur la question nationale, cette proposition est au mieux confuse, au pire délibérément confondante. Voyons brièvement ce qu'il en est.
L'article 1.1 dudit programme énonce l'objectif " premier ", la réalisation de la souveraineté au moyen d'un référendum, tenu au moment " jugé opportun ". Voilà qui est clair, c'est-à-dire clairement indéfini. Le moment opportun, ça peut être n'importe quand, y compris jamais. Ce n'est pas exactement clair, mais comme il est clair que ce n'est pas clair, on ne peut pas vraiment dire que ce n'est pas clair. Vous me suivez ?
Mais attention, ce n'est pas tout; Immédiatement ensuite, l'article 1.2 ( pas l'article 2, 3, ou 4, mais bien 1.2, c'est-à-dire qu'on est toujours dans la même rubrique ) commence par les mots " d'ici là... " -- donc, avant, au préalable, d'abord --, puis présente une imposante batterie de mesures visant à réaménager le cadre actuel. Donc, en fait, le référendum attaché à l'objectif " premier " n'est pas chronologiquement le premier chantier, et celui dont on comprend qu'il le précède est plus que considérable.
On ne peut donc tirer qu'une seule conclusion logique de cela : Les péquistes emploient le terme " premier " en voulant dire " ultime ". Si on ne fait pas attention au sens des mots, cette formulation équivoque ouvre la porte à d'infinies querelles d'interprétation.
Suivent, à l'article 1.3, des gestes de nationalisme provincial. C'est tout. Il n'y a rien d'autre.
Ce que les péquistes laissent voir éloquemment, certains de leurs ex-confrères bien en vue, maintenant libérés de la ligne de parti, les Facal, Bouchard, Boisclair et Legault, le prétendent tout haut : L'indépendance n'est pas faisable dans un avenir prévisible, il faut proposer autre chose. Le député péquiste Bernard Drainville affirme lui-même que les Québécois ne sont pas prêts, et que la proposition de son parti est en accord avec cette prémisse.
Dans la pratique, bref, le PQ est n'est pas indépendantiste, quelles que soient les sensibilités respectives de ses membres et supporteurs, que je ne remets absolument pas en question. Ce parti est nationaliste-réformiste, et hypothétiquement référendiste-sur-la-souveraineté-dans-un-deuxième-temps. Je pense que si on veut choisir des termes tout-à-fait objectifs pour le décrire, ceux-là sont les plus appropriés.
Il s'agit là d'une proposition similaire à celle de l'autonomisme adéquiste, à laquelle on ajoute les mots référendum et souveraineté, en les vidant de toute portée immédiate. Souvenez-vous de Mario Dumont : Il était du côté du OUI. Puis, il a proposé un moratoire référendaire défini, et une démarche autonomiste exhaustive dans l'intervalle. On serait tenté de dire " d'ici là... ".
Référendum pas nécessairement exclu mais repoussé, constitution, demandes et attention aux champs de compétences... Franchement, ces deux propositions sont très ressemblantes.
Mais cela ne veut pas dire qu'elles ne répondent pas aux aspirations de certains. Reste donc aux supporteurs péquistes à expliquer pourquoi, d'une part, eux-mêmes appuient une démarche qui subordonne un hypothétique référendum à des mesures de nationalisme provincial, et pourquoi un indépendantiste qui conclut que l'indépendance est réalisable, devrait supporter une telle démarche.
À cette question, certains répondent déjà : pour battre les libéraux. Fort bien. Sauf qu'il n'y a pas d'élections demain matin, et que le PQ n'a pas encore adopté son programme. Il est dans un processus de consultation et de discussion à ce sujet, tant et si bien qu'au sein même de ce parti, certains de ses militants -- dans Crémazie -- proposent en toute légitimité et dans le respect des règles, une façon de faire passablement différente. Dans ce cas, pourquoi donc faudrait-il se précipiter ici et maintenant pour se rallier à une posture du même ordre que celle qu'on qualifiait de fumisterie lorsqu'elle fut proposée par l'ADQ ?
Certains, encore, répondent : Pour ne pas montrer de division. Soit. Sauf que, si le prix à payer pour cela est de bousiller une belle opportunité de faire l'indépendance, vraiment, ça fait cher payé. Il me semble qu'à un moment donné, il faut prendre la juste mesure des choses. À force de mettre de l'eau dans son vin, le contenu du verre ne finit que par être un vague souvenir.
Nic Payne
Montréal


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10 commentaires

  • Lise Pelletier Répondre

    21 décembre 2010

    Juste une chose à dire là-dessus, ce dont on ne parle pas tombe dans l'oubli.
    La population attend depuis des années que le mouvement souverainiste reprenne, personne ne tient le bâton du pèlerin.
    Il faut donner un projet à croquer, les gens ont faim mais ce qui est sur la table ne les attire pas.
    Mme Marois, comme je l'ai déjà dit, garde ma confiance jusqu'au congrès d'avril et au vote de confiance, si elle le passe, son discours devra être plus porteur et plus consistant., de quoi remplir les ventres vides.
    Lise Pelletier

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2010

    Puisque vous M. Payne, bien d'autres et moi-même doutons de ce programme à l'eau de rose, c'est bien la preuve qu'il est trop mièvre.
    Nous sommes déjà en position de force, pourquoi ne pas en profiter pour radicaliser le programme.
    J'ai déjà fait ce que je pouvais pour radicaliser le P.Q.:
    - Une multitude de courriels aux députés tantôt mielleux, tantôt remplis d'invectives.
    - Une manifestation devant les bureaux de la Permanence du P.Q. sur la rue Papineau, où personne n'a daigné m'accompagner.
    - Un déplacement jusqu'à Québec en pleine tempête de neige pour déposer à l'Assemblée nationale une lettre signée par 101 personnes d'entre-nous.
    - Une candidature comme candidat aux élections refusée.
    - Une candidature comme président de l'exécutif du P.Q. de mon comté refusée.
    - Envois d’un mémoire aux députés du P.Q., écris avec la collaboration d’un éminent auteur sur Vigile concernant les demi-mesures du projet de programme du P.Q.
    - Un projet de modification à la proposition principale pour le Congrès que je l'on ne m'a pas autorisé à lire au complet lors du congrès de mon comté le 12 décembre.
    Je vous souhaite bonne chance M. Payne.
    Daniel Roy, C.A.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2010


    M.Bousquet,
    Le PQ a déja pris le pouvoir avec un programme référendiste-souverainiste concret, dans un contexte où les taux d'appui à la souveraineté avoisinaient ceux d'aujourd'hui.
    Remarquez aussi que le PQ de 2008, débarrassé de l'engagement référendaire clair et expéditif de 2007, n'a recueilli qu'environ vingt-mille voix de plus, sur au-delà d'un million. Cela ne dit pas dout et il y a plein d'autres facteurs à considérer, mais convenez qu'il n'y a pas là de quoi conclure que le PQ doive absolument s'éloigner de l'indépendance pour gagner en popularité.
    N.P.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2010

    M. Gignac écrit : «Si les vrais indépendantistes ne se regroupent pas rapidement sous la bannière d’un nouveau parti vraiment indépendantiste »
    M. Gignac, il y a un parti indépendantiste, pas trop vieux, qui veut faire l'indépendance rapidement et directement et sans référendum, même s'il y a moins de 50 % de souverainistes, c'est le PI. Le seul problème pratique, pour réaliser l'indépendance, est qu'il est encore en dessous de 1 % dans les intentions de votes et aux élections.

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2010

    On peut difficilement passer sous silence le Parti indépendantiste (PI) parmi les nouveaux partis politique québécois.
    www.parti-independantiste.org

  • Christian Montmarquette Répondre

    21 décembre 2010

    Merci pour ces excellents éclaircissements Monsieur Payne.
    Comme je m'applique à le répéter, la question nationale est une cause "en soit" et non autant l'affaire d'un parti politique que le PQ s'est évertué à nous le faire croire depuis plus de 40 ans.
    Que les partis fassent donc ce qu'ils veulent... Qu'ils proposent... Pataugent.. Promeuvent... Louvoient ou militent... C'est leur affaire...
    Mais rien n'oblige les citoyens-nnes à "attendre" une éventuelle et aléatoire prise de pouvoir par une formation politique pour passer à l'action et "faire" l'indépendance.
    La solution m'apparait d'ailleurs si simple, que je ne sais pas ce qu'on attend...
    Cordialement,
    Christian Montmarquette

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2010

    Monsieur Payne
    Il y a longtemps que je n'embarque plus dans les patentes à g..... du PQ.
    Je suis pour la radicalisation de la cause indépendantiste; c'est une question de vie ou de mort pour notre nation!!! Regardez autour de vous, il me semble que les signes sont de plus en plus perceptibles et évidents. Dans le moment, je suis incapable de m'identifier à un parti politique qui me conduirait à l'indépendance du Québec. Si les vrais indépendantistes ne se regroupent pas rapidement sous la bannière d'un nouveau parti vraiment indépendantiste, LE QUÉBEC, C'EST FINI!!! Et ce nouveau parti devrait déclarer unilatéralement l'indépendance du Québec en prenant le pouvoir; il n'y a pas d'autre solution face à l'assimilation qui nous menace de plus en plus si nous ne bougeons pas vitement. INDÉPENDANCE OU ASSIMILATION!
    André Gignac pour un Québec indépendant et libre!

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2010

    S'il y avait, disons, 60 % de souverainistes au Québec actuellement, il n'y aurait pas de problème pour réaliser la souveraineté du Québec mais ce n'est pas le cas. Le PQ doit en tenir compte, comme parti politique destiné à prendre le pouvoir.
    Si le PQ était élu, disons, en septembre 2012 avec 40 % des votes et que les sondages indiquaient 45 % d'intentions de votes pour le OUI, il devrait faire quoi ? Faire la promotion de la souveraineté pendant 2 ou 3 ans pendant qu'il doit gouverner le Québec comme une province simplement ou en tentant des gestes de souveraineté, espérant que le fédéral va refuser, ce qui devrait choquer les Québécois, pour augmenter le nombre de souverainistes ?
    Le projet n'est pas simple et le PQ ne doit pas télégraphier toutes ses idées à l'adversaire fédéraliste...me semble.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    21 décembre 2010

    Nous sommes dans un changement de paradigme. Lequel découle de deux constats:
    Un vote majoritaire ne mène pas nécessairement à un changement de statut (souveraineté), cela dépends du rapport de force au moment de passé à l'acte.
    Le déterminant de la politique est l'État. D'ou le Plan Marois pour bâtir ce rapport de force avec l'État canadien.
    http://www.vigile.net/Le-difficile-changement-de
    Deux constats qui ramènent le projet dans le champs du réel.
    Le plan est le bon, reste à savoir si la direction politique du plan sera à la hauteur.
    JCPomerleau
    P.s Oubliez la logique quand vous parler de politique. Elle n'est pas rationnelle. Elle est fait d'intérêt, de rapport de force et d'effectivité

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2010

    Merci pour: "Certains, encore, répondent : Pour ne pas montrer de division. Soit. Sauf que, si le prix à payer pour cela est de bousiller une belle opportunité de faire l’indépendance, vraiment, ça fait cher payé."
    Il y a actuellement assez de braises chaudes pour commander le méchoui. À les disperser sans cesse, on finit par les éteindre, et manger du blé d'Inde.