Comme à tous les congrès du PQ depuis 1996, le fameux vote de confiance envers le chef vole la vedette et fait souvent oublier les débats de fond...
Ce samedi, le vote de confiance envers Pauline Marois ayant atteint un niveau spectaculaire - 93,08% -, il ne pouvait définitivement pas en être autrement... Même la présentation du résultat sur écran géant se faisait sur un fond d'images de feux d'artifice! C'est tout dire.
Sauf que... Sauf que, dimanche, le débat sur la question linguistique allait tout de même lui voler la vedette en prenant un tournant, disons, un tantinet surréaliste.
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/321404/affichage-unilingue-francais-pauline-marois-met-le-hola
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201104/18/01-4391073-jean-charest-qualifie-le-pq-de-parti-de-radicaux.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS2
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Chronique d'un vote voué à l'échec.
Alors que le samedi, le retour l'affichage commercial français unilingue avait été voté en atelier à l'unanimité - ce qui incluait même quelques députés -, le dimanche après-midi, après une manoeuvre réglementaire d'une militante demandant que le vote soit «reconsidéré», les près 1700 délégués ont voté massivement contre...
Une fois, bien entendu, que leur chef ait pris la parole au micro pour exprimer son profond désaccord avec le retour, voté la veille en atelier à l'unanimité, aux provisions originelles de la Loi 101 sur la langue d'affichage commercial.
Et donc, les militants, ont facilement et rapidement compris que s'ils votaient contre la position de leur chef, le résultat créerait une crise politique au sein même du PQ. Mais surtout, il aurait effacé tout l'effet politique positif du vote de confiance massif que venait à peine de recevoir Mme Marois...
Dimanche, dans son point de presse de fin de congrès, Mme Marois répondait en anglais que si, en bout de piste, la direction du PQ avait «laissé passé» la proposition elle-même jusqu'à ce qu'elle se rende en atelier, c'est parce qu'elle était persuadée qu'elle serait «battue» dès ce moment-là... Grosse erreur d'analyse.
«Erreur», parce que quiconque vit à Montréal, ou la visite plus ou moins souvent, est à même de constater la réanglicisation croissante du «visage français» de la métropole économique du Québec. Comment se surprendre alors que ce désir de corriger la situation soit également partagé par les militants du parti qui, après tout, a fait adopter la Loi 101 en 1977?...
Mme Marois et son député Pierre Curzi, ont également fait valoir qu'ils devaient «choisir leurs combats» et que, par conséquent, ayant réussit à faire adopter des mesures aussi «structurantes» que l'application de la Loi 101 aux cégeps et aux entreprises de 11 à 49 employés, l'affichage commercial serait moins prioritaire.
Qu'on le partage ou non, l'argument se défend. Tout au moins, au niveau strictement politique...
Mais là où j'en suis presque tombé de ma chaise, c'est lorsque Mme Marois a répété, à plusieurs reprises, qu'elle ne voulait pas refaire «un nouveau combat juridique». Et surtout, que le Québec avait été «débouté» sur la question de l'affichage français «jusqu'à l'ONU»! Imaginez ça...
Pourtant, si elle prend le pouvoir, elle propose, avec raison, de tenir tête à la Cour suprême en usant de la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits pour interdire les «écoles passerelles» anglaises , mais elle s'y refuserait pour l'affichage pour cause de ne pas vouloir «refaire un débat juridique»... Et ce, parce que le Québec, en 1993, aurait été débouté jusqu'à l'ONU... Vous me suivez?
Ou la chef péquiste n'a pas souvenir des circonstances des événements qu'elle cite... ou personne ne l'en a informée correctement. Mais une chose est claire, l'argument massue de l'ONU ne tient tout simplement pas la route. Sans compter qu'il alimente cette légende urbaine voulant que la Loi 101 soit en quelque sorte un outil de répression des droits des minorités...
Et voici pourquoi invoquer l'«ONU» est une erreur.
En 1988, Robert Bourassa avait invoqué la clause dérogatoire pour protéger la section de la Loi 101 sur l'affichage commercial d'un jugement de la Cour suprême qui le déclarait inconstitutionnel.
Mais en 1993, M. Bourassa devait décider s'il allait ou non reconduire cette clause dérogatoire (tout gouvernement, provincial ou fédéral, qui s'en prévaut, doit décider après cinq ans s'il la reconduira ou non pour un autre cinq ans).
Or, ça faisait longtemps qu'il savait qu'il n'allait pas la reconduire. Mais comme son usage en 1988 par Robert Bourassa avait été très populaire dans l'opinion publique francophone, il lui fallait une porte de sortie ou un prétexte pour ne pas le faire en 1993.
L'avis arrive sous forme de porte de sortie:
Cette porte de sortie, elle est venue courtoisie, non pas de l'ONU elle-même, mais d'un avis émis par son comité des droits de l'Homme.
Cet «avis», basé sur une interprétation de l'article 19 du Pacte sur les droits civils, condamnait ce que ce comité voyait comme une «restriction à la liberté d'expression». Ce faisant, à l'instar des cours suprêmes canadienne et américaine, il considérait que l'affichage commercial «fait partie de la liberté d'expression» - un concept pourtant peu crédible...
Un véritable cadeau tombé du ciel pour le gouvernement Bourassa, lequel, pouvait en plus jouer sur la corde sensible de l'«image internationale» du Québec...
Mais pour avoir longuement étudié le sujet à l'époque, j'avancerais plutôt que la vraie raison du refus de reconduire la clause dérogatoire en 1993 était toute autre.
En fait, cet avis du comité des droit de l'Homme allait lui servir de prétexte parfait pour permettre aux Libéraux de renverser l'effet d'une décision qui, en 1988, leur avait coûté cher au sein de la communauté anglo-québécoise.
Ce prix avait compris la démission fracassante en 1988 de trois ministres anglophones: Herbert Marx, Richard French et Clifford Lincoln. De même que la création du Parti égalité, lequel remporterait quatre sièges à l'élection de 1989.
Bref, sur la forme, cet avis d'un comité de l'ONU fut instrumentalisé politiquement par M. Bourassa pour l'aider à justifier sa décision déjà prise de ne pas reconduire la clause dérogatoire. La direction du PQ serait sage de s'en rappeler.
Mais aussi, sur le fond, cet avis, en plus de constituer une ingérence dans la gouvernance souveraine d'un État, ne tenait pas debout.
Il était connu que le gouvernement Bourassa n'avait pas présenté un argumentaire solide pour défendre sa propre décision de 1988. Ce faisant, les membres du comité - lesquels connaissaient déjà peu la situation objective de la langue française au Québec et au Canada - en furent en plus fort mal informés par le gouvernement lui-même.
Donc, cet «avis» était mal ficelé et reposait sur des données incomplètes, étudiées de surcroît par des membres dont l'expertise sur cette situation unique était déficiente. Sans compter qu'il constituait une ingérence directe dans l'exercice souverain du pouvoir par l'Assemblée nationale.
Ce qui explique pourquoi à l'époque, le constitutionnaliste réputé Henri Brun, dénonçant la «grande désinvolture» de ce comité de l'ONU, avait également qualifié cet avis d'«ukaze cassant»!
Alors, sachant tout cela, Mme Marois pourrait tout au moins avoir la sagesse de cesser d'INVOQUER ce même «ukaze» comme justification à sa décision de ne pas retourner à l'affichage commercial français unilingue.
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(*) Pour le congrès et surtout, la suite politique des choses, j'y reviendrai dans ma chronique régulière (mise en ligne le mercredi et en kiosque, le jeudi)...
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