Pas moins de 93,08% des délégués péquistes ont exprimé à Marois leur confiance samedi au congrès du Parti québécois, à Montréal.
Photo: PC
Denis Lessard La Presse - Lucien Bouchard avait fait vivre le «congrès du miroir» aux militants péquistes en 1996. Le nouveau chef péquiste avait soutenu qu'il ne pourrait se regarder dans une glace si son parti interdisait l'utilisation de l'anglais dans l'affichage public.
L'exercice de la fin de semaine passera plutôt dans les annales comme le congrès des crêpes. Après avoir opté pour l'unilinguisme dans l'affichage, les 1700 délégués péquistes ont voté le contraire quatre heures plus tard, retournés comme des crêpes par l'intervention de leur chef Pauline Marois.
Le congrès s'annonçait pourtant sans bavure, surtout après que la chef péquiste eut obtenu un appui record de ses militants la veille (93%, un point de plus que Jacques Parizeau à son premier congrès comme chef il y a 20 ans). Un score impressionnant, très près des 95% qu'un peu bêtement, les libéraux lui avaient lancé comme objectif.
C'était sans compter sur les «vieux démons» du PQ et une poignée de souverainistes plus pressés, dont plusieurs membres du SPQ libre qui ont pris le maquis et intégré les associations de circonscriptions.
Rarement dociles, ils ont consenti un appui sans équivoque à Mme Marois. Mais ils avaient pris une douce revanche hier en ramenant dans le programme le principe que l'affichage commercial devait être en français uniquement.
Un peu anesthésiée par le résultat du vote de samedi, la garde rapprochée de la chef a échappé le ballon. Aux réseaux d'information continue, hier après-midi, les bulletins sur le retour du débat sur la langue d'affichage tournaient en boucle.
Mme Marois a mis tout son poids pour renverser la vapeur. «Je comprends votre inquiétude et votre désarroi devant le recul de la langue française à Montréal (...) mais je ne souhaite pas qu'on s'engage dans un nouveau débat sur l'affichage», a-t-elle dit. En point de presse, elle s'engagera formellement à intégrer à son programme électoral l'application de la loi 101 au collégial. Elle utilisera aussi la clause dérogatoire pour en finir avec les écoles passerelles. Mais elle reconnait désormais ce principe de la «nette prédominance» du français, apparu avec la loi 86 qu'avait si sévèrement critiquée le PQ en 1993.
«Le PQ a retourné la chemise qu'il avait déchirée quand Robert Bourassa avait permis le bilinguisme dans l'affichage», dira sans appel Dominique Beaulieu, le délégué de Saint-Hyacinthe qui avait parti le bal en Montérégie.
Radar
Une résolution sur la langue d'affichage qui passe sous le radar de la permanence dans un congrès national, il y a de quoi se surprendre. La proposition avait été adoptée à l'unanimité la veille en atelier par plus de 100 délégués, dont deux députés, Maka Kotto et Yves-François Blanchet. On ne voulait pas froisser les militants pendant le vote (Bernard Landry avait payé cher son opposition à la loi 101 au collégial durant le vote de 2005).
Mme Marois a été forcée de puiser bien rapidement dans son capital, obligée de gaspiller une cartouche avec un appel sans gloire au congrès pour remettre le dentifrice dans le tube.
Jacques Parizeau avait choisi de laisser cette position sur l'unilinguisme au programme tout en l'oubliant au moment de rédiger son programme électoral. Lucien Bouchard avait décidé de jouer du muscle, mais était intervenu avant le vote. André Boiclair avait opté pour une mise en garde aux délégués - il ne se sentait pas lié par une résolution sur l'étatisation de l'énergie éolienne.
Pauline Marois devait crever l'abcès rapidement. Déjà son adversaire Jean Charest martèle quotidiennement que, sous sa gouverne, le PQ s'est «radicalisé». Il aurait jusqu'à plus soif prévenu que la prohibition de l'anglais «était écrite dans le programme». Ce débat de l'affichage aurait été une épine au pied de Mme Marois jusqu'aux élections. «On ne veut pas s'ouvrir les veines là-dessus», tranchait hier Pierre Curzi.
La force de son vote de confiance lui permet d'espérer un parcours sans trop d'obstacles désormais. Bien sûr des précédents existent où, en apparence plébiscités, des chefs de l'opposition ont été tout de même passés par-dessus bord. Pierre Marc et Daniel avaient tous deux eu l'appui de 80% de leurs délégués, mais avaient dû quitter quelques mois plus tard.
À deux ans des prochaines élections, le PQ ne peut se payer le luxe d'une nouvelle course au leadership disent bien des militants. Bernard Drainville semble piaffer d'impatience, il sent le vent, mais n'est pas prêt à contester Mme Marois - il a voté avec Lisette Lapointe, sur la proposition de Crémazie qui voulait qu'un gouvernement péquiste utilise les fonds publics pour la souveraineté. L'autre volet, pour une commission de «préparation de la souveraineté», a été battu aux voix.
Visite de Duceppe
Gilles Duceppe a limité son discours aux 15 minutes prévues (en 2005 , il avait fait sauter les plombs à Bernard Landry en haranguant les délégués pendant 45 minutes).
Reste à voir les conséquences pour le PQ d'événements sur lesquels Mme Marois n'a aucun contrôle. L'apparition d'un nouveau parti réunissant François Legault et l'Action démocratique risque de secouer passablement la barque de la chef péquiste. De même, un changement de chef à la barre du Parti libéral soulèverait bien des inquiétudes du côté des militants péquistes.
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