Il paye pour le scandale des commandites. Il paye pour ses derniers chefs - Paul Martin, Stéphane Dion et Michael Ignatieff - tous d'une inefficacité politique exceptionnelle.
Et, au Québec, le PLC paye pour l'ensemble de son œuvre...
Mais ce n'est pas tout. À leur décharge, les libéraux font aussi face à un premier ministre qui, pour rester au pouvoir le plus longtemps possible, est déterminé à détruire carrément son adversaire.
Car Stephen Harper ne se contente pas de "combattre" son principal adversaire. Il vise la quasi-annihilation du seul parti capable de lui ravir le pouvoir, soit le Parti libéral du Canada (PLC).
Du jamais vu. Du moins, au fédéral. Le seul autre exemple ici de ce genre de modus operandi étant probablement celui de Maurice Duplessis...
La machine Harper
Cette détermination de fer vise un seul et unique objectif: déloger le PLC de son statut historique de "natural governing party" du Canada... comme on dit en science politique.
Le tout pour une seule raison: enclencher un virage à droite digne de l'aile dominante du Parti conservateur. Cette aile étant celle de l'Alliance canadienne, elle-même la descendante du Reform Party, lui-même issu des cercles ultraconservateurs albertains qui ont formé l'"intellect" de Harper.
Des cercles également très proches du Parti républicain américain.
Mais pour arriver à son but, le gouvernement Harper a besoin d'une majorité. Pour ce faire, il met le paquet depuis 2006.
La machine bleue courtise donc ardemment les communautés ethniques autrefois acquises aux libéraux. Et ce, jusqu'aux plus fondamentalistes.
En échange, tout ce beau monde se montre généreux pour les coffres aujourd'hui débordants du Parti conservateur.
La machine Harper pratique aussi un clientélisme d'une précision chirurgicale. Puis, elle invente des controverses aptes à "diviser" l'électorat.
Inondant les ondes de publicités agressives (1), la machine Harper s'assure aussi de "définir" rapidement l'image du chef libéral du jour. Selon son ex-proche conseiller, Tom Flanagan, la stratégie de Harper est simple. Vieille de 2 000 ans, elle s'inspire de ces mots du frère de Cicéron: "Assure-toi que tes concurrents soient salis d'une réputation diabolique"... Difficile d'être plus clair.
La machine Harper n'hésite pas non plus à exploiter l'ignorance qu'ont les Canadiens de leur propre système parlementaire.
Pour mieux diaboliser toute "coalition" possible entre le PLC et le NPD, Harper fait croire qu'un tel arrangement serait anticonstitutionnel, voire illégitime. Faux! Même l'ancien chef conservateur et premier ministre Brian Mulroney demande que l'on cesse de dire toutes ces "absurdités" sur les coalitions!
De fait, M. Harper brandit constamment le mot "coalition" comme s'il était sale, vulgaire et dangereux. Et il le fait pour convaincre que la seule solution de rechange serait de lui donner enfin une majorité.
Le coup fatal
Pour couronner le tout, s'il venait à remporter une majorité, Harper promet de porter le coup fatal aux libéraux. Comment? En mettant fin aux subventions publiques directes aux partis politiques. Ce que je qualifiais dans ma chronique du 19 janvier de "dernière étape" pour écraser l'opposition (2).
Le 5 avril, l'ex-président d'Élections Canada, dénonçant les dommages considérables qu'infligerait un tel geste à la démocratie canadienne, reprenait d'ailleurs les grandes lignes de cette analyse (3).
De fait, pour M. Harper, la hâte d'achever son adversaire est telle que même minoritaire, il tentait le coup dès l'automne 2008. (C'est face à cette menace que Stéphane Dion et Jack Layton avaient créé leur "coalition" PLC-NPD, appuyée par le Bloc.)
Et c'est à ce moment précis que Harper a compris qu'il ne pourrait jamais couper les vivres à l'opposition sans détenir une majorité de sièges...
Face à un Stephen Harper aussi déterminé, seule une troisième minorité conservatrice éviterait le déclin final de l'empire libéral.
D'une pierre deux coups, cela sauverait aussi le Canada du plus grand virage à droite de toute son histoire moderne.
Et, soit dit en passant, si, malgré sa grosse machine bleue, Harper n'a toujours pas sa majorité, c'est essentiellement pour deux raisons.
Primo: une majorité de Canadiens ne partage pas sa vision ultraconservatrice. Les sondages montrent même qu'une proportion élevée "craint" une majorité Harper.
Secundo: le vote pour le Bloc contribue également à ce "blocage" d'une majorité conservatrice.
Quant au PLC, à moins d'une victoire miraculeuse le 2 mai prochain, même une troisième minorité pour Harper lui offrirait la possibilité d'un début de renaissance.
Car dès que le premier budget Harper serait défait, il serait étonnant que le Gouverneur général relance aussi vite les Canadiens en élections plutôt que de se tourner vers les libéraux pour gouverner...
À ce moment-là, le PLC n'aurait même pas besoin d'une vraie coalition pour réussir.
Une simple garantie du NPD et du Bloc d'être soutenu lors des votes de confiance lui suffirait alors amplement...
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(1) Pour ceux et celles qui douteraient encore de l'efficacité des publicités négatives en politique, je vous invite cordialement à lire ceci: http://www.theglobeandmail.com/news/politics/ottawa-notebook/ignatieff-has-slim-chance-of-mending-battered-image-pollster-says/article1973554
(2) www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2011/01/19/la-derni-232-re-233-tape.aspx
(3) http://www.cyberpresse.ca/actualites/elections-federales/201104/05/01-4386526-lex-president-delections-canada-critique-le-chef-conservateur.ph
Le déclin de l'empire libéral?
Depuis la victoire minoritaire de Stephen Harper en 2006, le Parti libéral continue de payer cher pour ses péchés.
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