Élections: la “fin du monde” libérale

2 mai 2011 - Harper majoritaire


Jack Layton a beaucoup de nouveaux amis, ces jours-ci. Je ne parle pas des électeurs. Leur rôle est de choisir, d’élection et en élection, le parti et le candidat qui sied le mieux à leur volonté du moment. Ceux qui choisissent le NPD, au Québec comme ailleurs, exercent leur droit démocratique, ni plus, ni moins.


Je parle des institutions et des consignes de votes données par le Toronto Star et, dans une moindre mesure, par La Presse.
Le Star est le grand quotidien ontarien historiquement lié au Parti libéral. Or, ce samedi, il a appelé ses électeurs à voter NPD, sauf dans les circonscriptions où ce vote pourrait faire passer les conservateurs.
Il s’agit d’un revirement majeur. Et d’une nécrologie pré-avis de décès de ce qui fut le parti naturel de gouvernement du Canada:

L’effondrement du parti d’Ignatieff au Québec pose la question de savoir si le PLC peut désormais vraiment être vu comme une force pancanadienne. Les gouvernements libéraux ont construit l’essentiel de ce qui est admirable en ce pays — mais les électeurs envoient clairement le message qu’ils ne doivent rien aux Libéraux pour ce qu’ils ont fait dans le passé. Les élections portent sur l’avenir et les Libéraux n’ont pas convaincu qu’ils pourraient être les porteurs du changement en 2011.

Ouch ! Comme le dit un vétéran libéral anonyme à Chantal Hébert au sujet de toute la campagne: “C’est la fin du monde”. Selon le site 308, il est encore possible que Michael Ignatieff soit chef de l’opposition lundi soir. Son avance sur le NPD est encore de six sièges.
Si Ignatieff réussit à arracher ne serait-ce qu’un siège de plus que Layton lundi soir, tout reste possible. Car l’avenir d’un gouvernement conservateur minoritaire ne se mesurera qu’en quelques semaines. Mais si Jack Layton devient chef de l’opposition, il faudra en effet envisager la fin du monde pour le PLC, une fin qui se traduira soit par une longue marginalisation, soit par une absorption dans le nouveau super-NPD.
“Refouler le Bloc: un énorme service au Canada”
Pour les éditorialistes du Star, le NPD de Jack Layton est plus mûr, plus recentré, plus proche de l’entreprise que le NPD d’avant-Layton, ce qui le rend plus acceptable pour des anciens Libéraux qui applaudissaient naguère les Chrétien et Paul Martin. Cependant la percée du NPD au Québec est citée comme la première des raisons de porter Jack au pouvoir:
Le NPD est sur le point de faire une percée historique au Québec, ce qui l’aiderait grandement à s’imposer comme un réel parti pancanadien. Refouler le Bloc Québécois est un énorme service à rendre à tous les Canadiens. Pour l’avenir à long terme de l’unité du pays, il est vital d’avoir un leader nationaliste qui a obtenu la confiance des Québécois.

Dans La Presse, traditionnellement favorable au PLC ou aux Conservateurs, André Pratte poussait vendredi l’audace jusqu’à… ne pas donner de consigne pour un parti en particulier. Il indiquait l’importance pour les Québécois de voter pour les candidats de valeur du PLC, du Parti Conservateur et du NPD. (Après ce qu’on suppose être une longue recherche, André n’avait cependant trouvé aucun député du Bloc bon pour la réélection ou apte à “mieux faire entendre la voix du Québec moderne au Parlement”.)
L’important pour André Pratte est de réinsérer des Québécois dans des postes clés des partis fédéraux pour mieux arrimer le Québec au Canada. Et s’il faut pour y arriver parfois applaudir le NPD, dont il juge la plateforme électorale “irresponsable”, eh bien, il s’exécute:
Si les néo-démocrates en viennent à former l’opposition officielle, ils seront au coeur du bouleversement politique dont nous parlions plus haut. Les Québécois doivent en être.

Bouleversement ? La fin du Bloc, bien sûr, mais aussi le fait que “notamment sur la question constitutionnelle, le NPD s’est rapproché des sensibilités politiques des Québécois”.
C’est ainsi que, d’Amir Khadir à André Pratte, en passant par 30% ? 40% ? 50% ? des électeurs québécois, se répand la notion que le parti de Jack Layton saura répondre positivement à l’incessant besoin d’autonomie du Québec.
Dans les faits, je l’ai beaucoup expliqué ici, iciet ici, rien n’est moins sur. Mais au-delà des défaites nationales appréhendées du Parti libéral du Canada (qui pourrait être fatale) et du Bloc Québécois (qui pourrait être débilitante pour lui) l’introduction dans l’esprit politique du Québec d’un espoir d’être enfin entendu par un chef fédéral accommodant pourrait structurer tout le cycle politique qui s’ouvre.

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Jean-François Lisée297 articles

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Ministre des relations internationales, de la francophonie et du commerce extérieur.

Il fut pendant 5 ans conseiller des premiers ministres québécois Jacques Parizeau et Lucien Bouchard et un des architectes de la stratégie référendaire qui mena le Québec à moins de 1% de la souveraineté en 1995. Il a écrit plusieurs livres sur la politique québécoise, dont Le Tricheur, sur Robert Bourassa et Dans l’œil de l’aigle, sur la politique américaine face au mouvement indépendantiste, qui lui valut la plus haute distinction littéraire canadienne. En 2000, il publiait Sortie de secours – comment échapper au déclin du Québec qui provoqua un important débat sur la situation et l’avenir politique du Québec. Pendant près de 20 ans il fut journaliste, correspondant à Paris et à Washington pour des médias québécois et français.





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