La suite pour...

2 mai 2011 - Harper majoritaire



(Calgary) Tout sourire lors de son premier point de presse postélectoral, hier matin à Calgary, blaguant même sur le petit verre de champagne qu'il avait bu la veille et sur son personnel éméché après une nuit de fête, Stephen Harper a été aussi agréable avec les journalistes qu'il avait pu être désagréable au cours des 37 jours précédents.
Dimanche encore, lorsque nous avons monté dans l'avion de campagne pour la dernière fois, passant à quelques centimètres de lui, il est resté impassible, les yeux rivés sur le jeu de solitaire de son ordinateur.
Drôle de bonhomme, ce Harper.
Hier, c'était comme si Stephen Harper nous avait dit: «O.K., la partie est terminée et j'ai gagné, on peut arrêter de se battre.»
Maintenant qu'il a atteint ses buts ultimes, soit la majorité et la déroute des libéraux, à quel Stephen Harper aurons-nous affaire dans les prochaines années?
C'est le premier élément de cette chronique sur les suites d'un scrutin pas comme les autres.
La suite pour Stephen Harper
S'il y a une chose qu'on ne peut reprocher à Stephen Harper, c'est d'être tombé dans le triomphalisme après sa victoire. Au contraire, il a opté pour un ton rassembleur et il a reconnu qu'il avait beaucoup de travail à faire pour remonter la pente au Québec.
Son discours, lundi soir, faisait «chef d'État». Idem pour sa modestie devant l'«immense responsabilité» que lui ont confiée les Canadiens. Idem, dimanche soir, lorsqu'il a lu à propos de la mort de ben Laden une déclaration très digne, dans laquelle il a qualifié de «sobre» la satisfaction du Canada.
Un des grands défis de M. Harper, maintenant, sera de s'assurer que les éléments les plus extrémistes de son parti ne tentent pas de le pousser trop à droite sous prétexte que c'est maintenant leur tour et qu'il faut profiter de la majorité.
En fin de campagne, Stephen Harper a fait appel aux électeurs libéraux pour gagner sa majorité. Visiblement, un grand nombre, surtout en Ontario, ont répondu à l'appel. En d'autres termes, M. Harper a eu besoin des red tories, et il devra en tenir compte. En toute logique, c'est vers le centre qu'il devrait aller, non vers la droite.
C'est Toronto, et non Calgary, qui a donné à Stephen Harper sa majorité.
Cela signifie, notamment, que le gouvernement Harper risquerait trop gros en touchant au système de santé publique, le veau d'or canadien.
La suite pour nous
Même s'il ne vire pas complètement à droite, le gouvernement fraîchement élu est sans aucun doute le plus à droite de l'histoire moderne du pays. La vie quotidienne des Canadiens ne sera pas radicalement bouleversée du jour au lendemain, mais l'image du Canada ne sera pas la même dans quatre ans. Le parti pris pour l'ordre public, les baisses d'impôts, les compressions dans les services publics, les Forces armées et les sables bitumineux ainsi qu'une approche timide en environnement changeront le visage de ce pays, c'est indéniable.
La suite pour le NPD
La première chose dont Jack Layton a besoin, aujourd'hui, c'est d'un whip (le député chargé de la discipline du caucus) sérieux, organisé et ferme pour accueillir et former cette horde de nouveaux députés, dont l'immense majorité n'a aucune expérience politique, voire aucune expérience, point.
La différence avec l'ADQ de 2007, épisode aussi surnommé le «syndrome ADQ», c'est que le NPD a quatre ans devant lui pour faire ses devoirs, apprendre ses leçons et souder l'équipe.
Jack Layton a fait campagne sur le thème «travaillons ensemble», mais les règles du jeu viennent de changer. Il doit maintenant constitue trois ou quatre trios d'attaquants avec ses députés les plus chevronnés, un genre de rat pack dont le mandat sera de talonner le gouvernement, non pas de l'aider à écrire des projets de loi ou des budgets.
La suite pour le PLC
L'avenir du PLC? Sombre, de toute évidence.
La seule bonne nouvelle de la longue soirée de lundi, pour les libéraux, c'est qu'ils ont maintenant quatre ans pour se remettre.
Se remettre ou tenter un rapprochement avec le NPD, question d'offrir dans quatre ans un front centre gauche uni contre une droite unie?
Les libéraux favorables à une telle fusion, dont Jean Chrétien, supposaient que le PLC finirait en fait par avaler le NPD. La donne vient de changer.
Les néo-démocrates allergiques à cette idée avant les élections (dont Jack Layton) s'y opposeront aujourd'hui avec une plus grande vigueur.
L'espoir des libéraux repose davantage sur l'usure du pouvoir, qui jouera contre les conservateurs, et sur un éventuel effondrement du NPD au Québec.
Quant au successeur de Michael Ignatieff, les vétérans Denis Coderre et Bob Rae sont sans doute intéressés, mais il est trop tôt pour Justin Trudeau et trop tard pour Martin Cauchon.
La suite pour le Bloc
Le Bloc n'a plus que quatre députés, n'a plus le statut d'opposition officielle et, surtout, n'a plus Gilles Duceppe. Et son financement s'est effondré en même temps que ses appuis.
Je ne vois pas, dans de telles circonstances, comment le Bloc pourrait être encore là dans quatre ans.
La suite pour le mouvement souverainiste
La quasi-disparition du Bloc ne signifie pas la fin du mouvement souverainiste, mais elle illustre de façon spectaculaire le refus des Québécois d'avoir un nouveau référendum.
Lorsqu'il a dit que, avec le Bloc à Ottawa et le PQ au pouvoir à Québec, «tout redevenait possible», Gilles Duceppe a transformé ces élections en référendum sur un nouveau référendum. La réponse est venue, forte et sans équivoque.
Pauline Marois n'aura plus à se méfier de l'ombre de Gilles Duceppe, mais elle devrait garder un oeil sur son ancien collègue François Legault.
Celui-ci pourrait en effet lancer son parti dans les 12 mois, juste à temps pour les prochaines élections.
L'ADQ en 2007, le NPD hier: les Québécois ont fait la preuve qu'ils sont capables de brusques mouvements électoraux quand ils veulent du changement.


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