Ras-le-bol du sur-place et des lieux communs

Pour une nouvelle stratégie

Recomposition politique au Québec - 2011

La semaine fut fertile en commentaires, et c’est peu dire.
Pour certains, le PQ est responsable de la débâcle, rien de moins, et on affirme haut et fort que la radicalisation est à l’ordre du jour. Vivement une charge de la chevalerie, visières et lances baissées. Or, on sait ce qui est survenu lors des batailles de Crécy (1346) et d'Azincourt (1415) pendant la Guerre des Cents ans : liée par les tactiques militaires d’une époque révolue (le 11e et 12e siècle), la chevalerie française fut réduite à presque rien lors de ces deux batailles. Courageuse et téméraire, la chevalerie française y est allée de charges effrénées, mais elle fut terrassée par l’archerie anglaise(les yeomen). Des hommes libres et armés – pas des nobles, pas des serfs – qui mettent en déroute le bras armé du système féodal français. Il a fallu longtemps à la France pour s’en remettre, jusqu’au jour où une dénommée Jeanne d’Arc… Vous connaissez sans doute la suite.
Vous comprendrez que la solution du radicalisme intempestif n’est pas celle que je préconise. Pour moi, "faire encore plus de ce qui ne fonctionne pas" relève de l'obstination. Une action efficace à une certaine époque peut s'avérer caduque, sinon inepte d'autres temps. On peut être indépendantiste et en même temps se concentrer sur la stratégie, et une stratégie, ça ne s’improvise pas en faisant des dessins sur un coin de table, à la hâte, l’esprit barbouillé par la frustration, ou encore par le « sentiment d’urgence », ce corolaire de la fureur panique.
D’autres sont assombris par la perspective de voir Québec Solidaire – qu’on semble percevoir comme un parti crypto fédéraliste – s’allier au NPD, un parti centralisateur et fédéraliste. On reproche à Amir Khadir de ne pas avoir soutenu exclusivement le Bloc. Quiconque connaît un tant soit peu la réalité des partis politiques sait très bien que Khadir ne pouvait faire autrement, puisqu’une frange très importante de QS est historiquement pro NPD. QS n’avait tout simplement pas envie de se lancer dans un débat interne sur cette question, un débat qui, on le sait, aurait créé quelques remous au sein du parti. Alors, on dit : votez contre les Conservateurs et les Libéraux. Et oui Khadir est peut-être plus à l’aise avec le NPD que le Bloc. Ce n’est pas un drame. N’oublions pas que pour les électeurs du Bloc, majoritairement péquistes, leur deuxième était le NPD dans une proportion de 70% (sondage Léger Marketing). Ceci dit, suivons de près les relations QS-NPD : un dossier que nous scruterons à la loupe.
Dans une autre perspective, il y a ceux qui affirment que le Bloc doit se relever les manches et poursuivre le combat. D’autres sont plutôt d’avis que tout ce beau monde du Bloc devrait plutôt intégrer les rangs du PQ. Pour ma part, j’ai souvent oscillé entre ces deux positions au cours des dernières années. Peut-être le Bloc n’a-t-il pas terminé son boulot, peut-être a-t-il fait son temps, stratégiquement parlant. Je crois sincèrement qu’il n’y a pas de honte à se dire : je ne sais pas, nous ne savons pas. Une chose est certaine : nous ne sommes plus dans la mouvance de l’après Meech, et encore moins dans celle de la Nuit des longs couteaux de 1982. Les conséquences de ces deux événements historiques sont bien réelles, certes, mais n’y a-t-il pas autres choses sur lesquelles nous pourrions tabler au lieu de nous contenter d’être en réaction, comme exprimer le pays que nous voulons?
Aujourd’hui, ce qui est à l’ordre du jour, c’est Harper, et sa convergence vers le républicanisme ultra-droitier américain. En prime, nous avons chez nous une droite libertarienne montante qui ne demande pas mieux que de s’associer à ce courant. Cette droite n’est plus souverainiste, sauf exception. On est loin du conservatisme « soft » - et relativement ouvert au Québec - du tandem Brian Mulronney /Jos Clark des années 1980. La donne n’est pas simple et elle mérite qu’on s’y attarde. Pour ma part, au Québec, l’émergence d’une dynamique NPD-QS est préférable à une dynamique Parti Conservateur-droite libertarienne fédéraliste québécoise. Pauline Marois, bien que déçue du résultat de lundi soir dernier, a insisté sur le fait que les Québécois avaient rejeté tant les Libéraux que les Conservateurs, en soulignant en plus que les citoyens avaient opté pour une alternative progressiste. Elle ne ferme pas les portes, elle maintient sa stature de chef d’un parti social-démocrate dont la souveraineté est sa raison d’être. Pas question que le PQ se peinture dans le coin, semble-t-elle dire, mais la nature du parti fait en sorte qu’il lui sera difficile de sortir des vieux paradigmes. Le plus important de ces paradigmes est celui-ci : seul le PQ peut mener à bien le combat pour la souveraineté; le temps venu, les autres devront intégrer la grande coalition référendaire. C’était peut-être vrai en 1980, ce l’était moins en 1995, et ce l’est sans doute moins aujourd’hui.
Le PQ, force incontestable du mouvement souverainiste et de la social-démocratie, se retrouve aujourd’hui dans un espace confiné à ce qu’on peut appeler le « centre-gauche ». Plus à gauche, il y a QS, un parti socialiste et indépendantiste aux composantes éclectiques, et à droite, François Legault et cie, une ADQ résolument fédéraliste qui radicalise son discours et qui s’apprête à devenir le nid de la droite libertarienne, avec comme prix coco un PLQ exsangue d’idées qui profite toujours de sa fameuse « prime aux urnes ». Soyons réaliste : la droite fédéraliste, incluant la nationaliste, pourra profiter d’un éventail de produits de droite d’une diversité rarement inégalée.
Je l’ai dit : nous sommes entrés dans une nouvelle ère. QS ne disparaîtra pas. Ni Legault (enfin, pas tout de suite…), ni l’ADQ. La droite souverainiste a abdiqué. Elle s’éparpille : Legault d’un côté, l’ADQ de l’autre. Le PQ n’attire plus ces courants depuis belle lurette. Le PQ pourrait certes être tenté de jouer au centre, espérant ainsi recréer la grande coalition d’antan. Ce serait suicidaire, à mon avis, parce que toujours empêtré par ses vieux paradigmes. La nation souhaite autre chose. Son instinct nous incite à faire différemment. Et quand je dis « nous », je ne vise pas que les péquistes, je pense à l’ensemble du mouvement qui s’inscrit aujourd’hui dans une réalité qui n’a plus rien à voir avec le Québec « mainstream » d’autrefois. Aujourd’hui c’est : polarisation gauche-droite, question identitaire, laïcité, mondialisation, écologie-développement durable, débat sur l’éducation et la santé, immigration, etc. Ces questions sont désormais intrinsèques au tout, on ne peut pas les évacuer. J’étais comme Pierre Falardeau jusqu’à hier: indépendance « first », pis on se pognera après. Ce n’est pas aussi simple que ça.
Ce texte ne propose pas une stratégie clairement définie, il ne fait que mettre en perspective certains éléments de la conjoncture actuelle. C’est voulu. Mais j’ai des idées au plan stratégique. Elles ne sont pas nouvelles, cependant, et la plupart ont été exprimées par d’autres. Surtout, elles sont l’antithèse d’un PQ/QS bashing. Elles n’ont rien à voir avec une volonté de jeter par-dessus bord les nationalistes conservateurs. Le pays à construire vise tout le monde, mais ceux qui chez nous sont contre le pays ne nous feront pas de quartier. Et il faut l’admettre, ils sont plutôt à droite ceux-là, et j’ai aussi l’impression qu’une bonne partie de la gauche canadienne est aussi de leur avis…
Exprimez-vous, tout en sachant que nous en avons pour plusieurs mois à échanger. N’oublions pas que nous sommes lus, et pas par les moins décrochés de la question politique…
Enfin, je me laisse tenter par ces derniers mots, qui sont en fait un indice : construire une unité à même notre diversité. Je me permets d’en rajouter : au-delà du schisme éternel gauche-droite - en ce qui concerne la question du pays, s’entend - nous siérait-il de converger vers une idée commune et démocratique qui se résume à cette notion souvent difficile à définir mais pourtant si claire qu’est la République?
On se reparle de tout ça bientôt.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 mai 2011

    Sur cette page même, juste à côté, on peut illustrer le propos de L'Engagé: CAP SUR L'INDÉPENDANCE, lancement d'une coalition non partisane en célébrant les Patriotes.
    http://www.vigile.net/Apres-250-de-resistance-CAP-SUR-L
    Ceux qui auraient manqué cette soirée l'an dernier, doivent Googler Jean Barbe et son texte LES PATRIOTES à la page 4 de la revue SSJB
    http://www.ssjb.com/sites/default/files/Le_Patriote_jun_2010.pdf

  • L'engagé Répondre

    8 mai 2011

    1. L'indépendance doit être un mouvement populaire, surtout à l'extérieur des partis. C'est le mouvement qui doit donner le ton et nom l'inverse.
    2. Il faut travailler (établir des réseaux, des actions, des campagnes d'affichage, mais surtout FORMER DES MILITANTS). En formant ces militants à l'extérieur des partis, ils ne seront pas liés à une discipline de parti, mais seulement loyaux à l'indépendance.
    3. La meilleur pensée politique pour faire de la pédagogie de l'indépendance est celle de Maurice Séguin, on doit diffuser sa pensée comme un véritable catéchisme.
    4. Il faut des fêtes et des réunions pour garder le moral dans ce travail de longue haleine.
    5. Il faut faire converger ces objectifs lors de grands rassemblements.