Les élections en Wallonie y ont mis fin à la primauté du PS qui existait quasiment depuis les débuts du suffrage universel (en 1894). Les libéraux devancent quelque peu les socialistes et comme les libéraux, dans l’ensemble du pays, c’est leur leader wallon, Didier Reynders, qui a été chargé d’une mission d’information en vue de la formation d’un gouvernement de coalition, seule formule envisageable dans une démocratie comme la démocratie belge.
Les Flamands veulent plus d’autonomie
On parle pour le moment d’une coalition qui regrouperait les démocrates-chrétiens et les les libéraux. En Flandre, les démocrates-chrétiens, se présentant en carte avec les nationalistes flamands de la NVA, ont fortement progressé et, d’une manière générale, les formations qui ont à leur programme des avancées institutionnelles, soit le transfert de nouvelles compétences de l’Etat fédéral à la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Cependant, pour certaines de ces avancées, il faudrait réformer la Constitution, ce qui demanderait une majorité à la Chambre belge plus large que la coalition dont il vient d’être question, une majorité des 2/3.
Du côté wallon, ces avancées institutionnelles sont en principe refusées. Le refus est parfois a priori. Parfois, il est assorti de la clause: si ces avancées se font au détriment des Wallons et des Bruxellois. Mais ce qui me semble compter surtout, c’est la défaite socialiste en Wallonie qui peut s’analyser en général comme une illustration du malaise de la social-démocratie, mais qui – surtout peut-être – met en difficultés le chef de ce parti, Elio Di Rupo. Quoique la chose ait été souvent vivement critiquée, cet homme cumulait jusqu’ici plusieurs fonctions. Il était d’abord le président du Pari socialiste wallon et bruxellois. Dans une démocratie comme la démocratie belge, cette fonction est tout à fait importante dans la mesure où les présidents des partis politiques jouent un rôle plus important que les ministres au plan fédéral et des coalitions du gouvernement fédéral. En outre, il est resté le bourgmestre (sinon en droit du moins en fait), de l’importante ville wallonne de Mons. Et enfin, il préside le Gouvernement wallon.
L’intervention d’un ancien homme politique wallon
Elio Di Rupo a manifestement imprimé un tournant très belgicain et même très royaliste au Parti socialiste. Certes, il participa aux négociations de 1999 qui firent passer le total des compétences des Etats fédérés à 51% des compétences étatiques. Mais tout en dirigeant d’une main la Wallonie, Elio Di Rupo se présentait aussi comme quelqu’un pouvant sauver l’unité belge. On peut dire aussi qu’il est l’un des présidents socialistes qui a dirigé le plus autoritairement ce parti, n’ayant pas vraiment en face de lui une contestation ouverte et publique, ce qui fut le cas de ses prédécesseurs, notamment Guy Spitaels, aujourd’hui retiré de la vie politique.
Jeudi de la semaine passée, Guy Spitaels sortit de sa réserve mettant très diplomatiquement en cause les cumuls exercés par Elio Di Rupo. Lors de son interview au Journal Télévisé, la journaliste – se trompant – lui demande aussi sous forme interrogative: “Vous avez dit aussi qu’il y avait trop de fédéralisme?” Ce qui valut cette réponse catégorique: “non et le peuple wallon ne mérite pas le mépris dont il est l’objet.” [plus de fédéralisme, chez nous, veut dire plus d’autonomie des Etats fédérés et donc, curieusement peut-être pour un lecteur québécois, ce propos n’est pas unitariste]. Guy Spitaels mit en cause le fait que Di Rupo se contredisait en parlant d’une part de “nos amis les Flamands” et de défense des Francophones. De même, il critiqua la manière complaisante dont le président socialiste prononce les mots “Sa Majesté le Roi”, ce qui, de fait, n’est pas l’habitude ni même protocolaire et n’a jamais été une façon de s’exprimer des politiciens, même les plus royalistes en Belgique.
Un changement de ton par rapport à l’autonomie côté wallon
La détermination de la majorité du monde politique flamand de transférer des compétences aux Etats fédérés et sans doute aussi cette intervention de Guy Spitaels qui a gardé un grand prestige dans le monde politique et médiatique, ont – heureusement! - modifié un peu le ton des médias wallons et bruxellois. On en arrive à rappeler - ce qui n’était plus fait depuis un certain temps – que les Wallons ont aussi demandé le fédéralisme. On oublie encore de dire – et j’y insiste parce que je m’exprime ici hors du pays – que, au départ, ce furent les Wallons qui revendiquèrent surtout le fédéralisme, c’est-à-dire des espaces d’autonomie par rapport à un Etat belge unitaire dominé démographiquement par les Flamands.
J’avoue que je ne peux pas expliquer tout à fait pourquoi aujourd’hui les chefs des différents partis wallons et bruxellois sont moins chauds pour un accroissement de l’autonomie wallonne. Il est probable que ces chefs de partis caressent une certaine opinion publique dans le sens du poil, l’autonomie pour la Wallonie étant un rude projet, difficile à réaliser et qui a comme finalité le redressement économique de la Wallonie – on peut dire presque depuis toujours. Il est certain aussi qu’à la faveur de leur domination sur l’Etat belge, les Flamands ont acquis certaines positions, notamment économiques, qui rendraient l’autonomie dangereuse pour la Wallonie (par exemple si la fiscalité était confiée aux Etats fédérés, ce qui n’est pratiquement pas le cas aujourd’hui ou la Sécurité sociale). Mais cette position commence à être critiquée par certains qui soulignent que cette manière de raisonner son attachement à la Belgique débouche sur une attitude de servilité.
Ce qui est certain, c’est qu’Elio Di Rupo va abandonner la présidence du Gouvernement wallon. Il faut avouer que beaucoup ont suggéré avant qu’il ne l’occupe que Di Rupo prenne la direction du Gouvernement wallon. Mais ses tâches ailleurs rendaient finalement cette prise du pouvoir wallon problématique, dans la mesure où elle faisait apparaître la direction de la Wallonie comme quelque chose de presque secondaire par rapport à la direction du Parti socialiste agissant tant sur le plan fédéral que sur le plan wallon.
Les paradoxes belges: plus d’indépendance et plus d’ “union”
Je sais que tous ces raisonnements frapperont très fort les Québécois par rapport à ce qui demeure leur réalité. Mais il ne faut pas oublier que l’Etat belge n’est devenu un Etat fédéral que depuis 1980, la part d’autonomie de la Wallonie ne devenant vraiment importante qu’au courant des années 1990. Ce qui est frappant – et ici aussi j’y insiste parce que je m’exprime hors de mon pays – c’est que si, effectivement, dans certains domaines, l’impulsion à plus d’autonomie est venue du côté flamand, ce sont les Wallons qui ont effectivement légiféré le plus dans le cadre de cette autonomie qu’il semblait pourtant ne pas souhaiter ou moins souhaiter, comme dans le domaine de l’organisation des pouvoirs locaux, ce qui n’est pas une petite donnée dans le paysage politique belge.
Maintenant, les Flamands veulent régionaliser bien des choses dont la Justice par exemple (qui, d’ailleurs, est d’une certaine façon déjà régionalisée de fait mais demeure une compétence exclusive de l’Etat fédéral – et à cela aussi on peut mesurer la jeunesse du fédéralisme belge).
Ce qui va sans doute se passer, c’est que l’on va vers plus d’autonomie des Etats fédérés. Or ils disposent déjà de plus de 50% des compétences étatiques (on mesure la chose par le calcul des ressources publiques mobilisées pour l’exercice de ces pouvoirs). On pourrait aller demain vers 60 % peut-être même plus. En ce cas, que resterait-il de l’Etat fédéral? D’une certaine façon, il est déjà moins important que les Etats fédérés.
Va-t-on vers l’éclatement du pays?
Comme l’avait annoncé une docu-fiction de la RTBF en décembre 2006? Je ne le crois pas parce que le fédéralisme belge, tout en accordant une indépendance très radicale à ses composantes (qui sont parfaitement libres d’agir sur le plan international par exemple), voit aussi celles-ci s’obliger à collaborer en maints domaines. Et il ne faut jamais oublier non plus que ce fédéralisme de dissolution de l’Etat belge est un processus qui se loge au coeur de l’unification européenne.
Ce qui me semble le plus probable, c’est que les traits confédéraux que tout le monde s’accorde à reconnaître au fédéralisme belge vont encore s’accentuer pour finir par rendre obsolète le concept de “Belgique” mais non la collaboration entre ses trois composantes principales au coeur d’une Europe qui s’unit.
En tant que Wallon autonomiste, cette perspective que se maintienne une certaine unité “belge” si l’on veut, mais au détriment de l’idée nationale belge, me plaît énormément. Et je pense que sans l’autonomie la plus large possible, la Wallonie est condamnée à ne plus être que la prisonnière de la souricière belge et à demeurer la banlieue de Bruxelles.
Le vieux pays wallon mérite autre chose et les Wallons aussi. Ils méritent un respect que les grands médias belges francophones sont loin de lui accorder tout en comptant le plus de lecteurs en Wallonie.
Mais les premiers à se mépriser sont les Wallons eux-mêmes. Ce en quoi ils ont tort!
Après les élections belges
Plus d’autonomie pour les composantes fédérées
Les paradoxes belges: plus d’indépendance et plus d’ “union”
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
3 août 2007mon cher José
comme je te l'ai écrit à Toudi, je suis candidat du Bloc dans Outremont. Que dirais-tu d'un journal de campagne que tu pourrais commenter avec moi si le rédac chef de vigile le permet.
On pourrait aussi mettre Caro Moreno dans le coup
JP Gilson
514 378 9389