L’autonomie de la Wallonie et les élections du 10 juin en Belgique

Chronique de José Fontaine


Les problèmes institutionnels ont été peu évoqués avant ces élections. Pourtant, ils sont présents de manière sous-jacente. On voit bien par exemple que la violence des attaques réciproques des libéraux et des socialistes, prenant prétexte souvent la très mauvaise gestion de la Ville de Charleroi en Wallonie, a cet aspect. La gestion communale socialiste, qui a été mauvaise dans cette Ville, permet d’en faire l’emblème de la Wallonie socialiste que les libéraux veulent supplanter. En outre, c’est le Gouvernement wallon qui organise les pouvoirs locaux et les libéraux n’y sont pas présents.
Un argument anciennement unitariste qui est retourné
Ce soir à la RTBF, un débat était organisé sur ces questions. J’ai été étonné d’entendre formuler un argument contre une refédéralisation d’une compétence à Bruxelles (en matière de normes de bruit des avions). Un bras de fer s’exerce depuis des années entre la Région flamande et la Région bruxelloise sur la question du survol de Bruxelles par les avions décollant de l’aéroport très proche de Zaventem qui est sur le territoire de la Flandre. Du côté flamand, certains voudraient que ces normes de bruit ne soient plus de la compétence des Régions mais de l’Etat fédéral. Alors que les Wallons et les Francophones disent n’être “demandeurs de rien” sur le plan institutionnel et apparaissent comme plus unitaristes, ils sont par contre plus réticents à ce que la Région bruxelloise ne soit plus autonome dans ce domaine. A un tel point que l’on a entendu tantôt un Ecologiste dire que refédéraliser les normes de bruit n’empêcherait pas les avions de voler. Cette remarque m’a frappé parce que, en général, ce type d’arguments est souvent utilisé en sens inverse.
Ainsi (mais je suppose que c’est la même chose au Québec), on disait à rebours de l’ argument que je viens de citer, par rapport à ceux qui voulaient régionaliser l’agriculture que le blé pousse de la même façon en Flandre et en Wallonie. L’agriculture est entièrement passée dans les mais des Etats fédérés et il n’y a certainement aucune volonté de modifier les choses à ce point de vue.
Ignorance de l’histoire, l’autonomisme flamand est un autonomisme de riches
Ce qui est parfois vexant quand on entend les médias francophones, c’est le manque de sens historique de certaines journalistes, qui peuvent s’étonner par exemple que la licence en matière d’exportations militaires est une compétences des Etats fédérés. C’est vrai qu’en soi, cela peut sembler étrange, mais cela est dû au fait que, surtout en 1991, sur une question de ce type, le Parlement wallon s’était réuni de manière anticonstitutionnelle brandissant la menace de forcer par son vote le gouvernement central belge à octroyer cette licence pour des firmes wallonnes. On a régionalisé cette compétence pour éviter les conflits.
Peut-être parce que le fédéralisme belge est atypique et récent, l’opinion y est réticente (c’est souvent comme cela avec les changements récents). Et la nature de l’information politique aujourd’hui fait qu’elle n’a pas le temps toujours d’informer sur les causes historiques profondes de certaines réformes.
Il est par exemple typique que très longtemps certains partis aient réclamé l’instauration du référendum au plan fédéral belge alors que le seul référendum organisé en Belgique (sur le retour du roi en 1950), avait à ce point divisé Wallons et Flamands que l’émeute, les attentats, les bombes, les tentatives séparatistes (menées d’ailleurs en Wallonie exclusivement) avaient failli faire sauter la Belgique.
Il est aussi très paradoxal que ce soit la Flandre dont les habitants sont majoritaires en Belgique qui demandent le plus d’avancée en matière d’autonomie des Etats fédérés. Mais c’est aussi parce que la Flandre est riche et estime, un peu à la manière de la Padanie (ce pays un peu inventé qui rassemble plusieurs régions de l’Italie du Nord), qu’elle s’en sortirait mieux sans la Wallonie. Alors que la Wallonie craint évidemment de se retrouver trop désargentée en cas d’autonomie plus poussée.
Le principe systémique
Mon pronostic, c’est que des élections surgiront de vastes négociations en vue de former un gouvernement qui pourra procéder aux réformes et qui aura la majorité des deux tiers au Parlement fédéral pour les réaliser. Il est vrai que l’opinion publique en Wallonie est mal préparée à ce changement prévisible puisqu’on répète en son nom qu’elle n’y a pas avantage. Cependant, lors de réformes précédentes, c’est la Flandre qui avait surtout réclamé le transfert de la compétence en matière d’organisation des pouvoirs locaux par exemple. Or c’est la Wallonie qui a pris le plus d’initiatives en ce domaine et c’est d’ailleurs sur des questions de ce genre (le cas de la Ville de Charleroi), que le Gouvernement wallon est le plus durement interpellé.
En fait, tout ceci est un beau cas d’application du principe systémique qui veut que les causes et les effets ne se distinguent pas aussi radicalement qu’aux yeux d’une certaine pensée cartésienne. C’est ce qui me permet de dire que, malgré les apparences, la Wallonie deviendra plus autonome demain et ne s’en attristera pas, même si en apparence, peu de gens en Wallonie le souhaitent explicitement. Mais celui qui prend l’initiative d'aller vers plus d’autonomie en Belgique est tout autant wallon que flamand ou même bruxellois.

Featured 11746605790305d4d2500c52aa75121d

José Fontaine355 articles

  • 386 644

Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé