Un système de santé qui coûte trop cher et qui est ingérable. Des coûts qui augmentent trois fois plus vite que la taille de l'économie. Des conventions collectives rigides...
Vous avez déjà entendu ça, et pas seulement au Québec. En 2002, le gouvernement de la Colombie-Britannique n'a pas fait qu'en parler: il a adopté une loi qui venait chambarder complètement l'organisation du travail dans le domaine de la santé.
Ouverture à la sous-traitance, limitation de l'ancienneté, déplacements de personnel: d'un coup de plume, on rayait des pages de conventions collectives pour rendre la gestion du système plus efficace et moins coûteuse. Des milliers d'employés ont perdu leur emploi.
Les syndicats ont protesté et ont contesté la validité de la loi devant les tribunaux. Une première juge a rejeté leur requête. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a fait de même. Et tout le monde s'attendait à ce que la Cour suprême aille dans le même sens.
Aussi, syndicats et experts ont-ils été totalement estomaqués de voir la Cour suprême invalider, vendredi, des pans entiers de la loi britanno-colombienne.
Il y a eu bien des tentatives par le passé pour faire invalider des lois d'exception qui imposent des conventions collectives dans le secteur public.
Chaque fois, la Cour suprême a répété que la liberté d'association garantie dans la charte des droits ne comprend pas le droit à une négociation collective.
Autrement dit, chacun a le droit individuel de s'associer... mais le groupe auquel il s'associe n'a pas de droit fondamental. Le droit de négocier, disait-on, n'est pas un droit «fondamental», mais un droit accordé par une loi ordinaire.
Eh bien, vendredi, comme cela arrive très rarement, la Cour suprême a changé d'idée. Ils appellent plutôt cela évoluer. Or, l'évolution historique du droit du travail va dans la reconnaissance sérieuse du droit de négocier.
Il faut présumer, disent les six juges majoritaires (contre une dissidence), que les protections de la charte sont au moins aussi bonnes que celles auxquelles s'engage le Canada dans les traités internationaux... où est reconnu le droit d'association, mais aussi celui de négocier.
Le droit du travail dans le secteur public vient de changer sérieusement, avec des conséquences difficilement prévisibles en ce moment.
La Cour se garde bien de se prononcer sur le contenu de la loi: ce qui est protégé, ce n'est pas un résultat. C'est un processus. Après tout, la même Cour, il y a deux ans, a conclu que de bannir l'assurance santé privée au Québec était inconstitutionnel.
Autrement dit, la loi de Colombie-Britannique n'est pas inconstitutionnelle parce qu'elle autorise la sous-traitance. C'est plutôt parce qu'elle a été adoptée sans aucune négociation avec les syndicats.
Or, telle qu'interprétée maintenant par la Cour, la charte protège le droit de «s'unir», de «présenter collectivement des demandes» à un employeur du secteur public et de «participer à des discussions en vue d'atteindre des objectifs liés au milieu de travail».
L'employeur a donc l'obligation de rencontrer les employés et de discuter.
Une loi violera la charte si elle crée des «entraves substantielles» à la négociation. La Cour insiste pour dire que les parties doivent «consacrer du temps» et que les deux ont l'obligation de fournir un «effort raisonnable».
Il faudra au syndicat un «dossier bien étayé» pour se plaindre d'une telle violation, insiste la Cour.
Et, dans ce cas précis, les juges observent un effet «dramatique et exceptionnel». Si le gouvernement a plaidé avec raison le sérieux de la situation en santé, il n'en reste pas moins qu'il a totalement passé outre aux négociations et n'a pas même écouté le syndicat.
On ne sera pas surpris d'apprendre que la CSN s'est réjouie en fin de semaine. Cette décision pourrait avoir un impact non seulement sur la cause pendante contre le gouvernement Charest, qui a imposé les conditions de travail aux syndicats de la fonction publique, mais aussi sur les futures négociations.
Elle ne s'applique qu'au secteur public, puisque la charte canadienne ne s'applique pas aux rapports privés. Mais elle s'applique potentiellement aux secteurs privés assujettis à une loi d'exception, comme le secteur agricole dans plusieurs provinces.
Bref, on a récrit de grands bouts des traités de droit du travail.
On dira que ça n'a rien à voir, mais je le dis quand même: je ne peux m'empêcher de constater que, après avoir imposé à tous les gouvernements canadiens, il y a 10 ans, un régime indépendant et efficace pour déterminer le salaire des juges au nom de l'indépendance de la magistrature, la Cour suprême devait être plus sensible aux arguments de ceux qui, dans le secteur public, cherchaient à obtenir la reconnaissance du droit constitutionnel à la négociation, et pas seulement celui de s'associer.
L'été et les ponts
Les chroniqueurs de sport ont coutume de nous répéter année après année que la fin de semaine du Grand Prix marque le véritable début de l'été à Montréal.
Je crois plutôt que l'été commence officiellement avec la recrudescence des événements de "grimpage" sur les ponts, activité maintenant typiquement montréalaise qui nous distingue internationalement au moins autant que la Formule 1.
À plus de 20 ponts autour de l'île, en prenant un pont par semaine... ça nous fera un long et bel été.
Courriel Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca
Petite révolution en droit du travail
Eh bien, vendredi, comme cela arrive très rarement, la Cour suprême a changé d'idée. Ils appellent plutôt cela évoluer. Or, l'évolution historique du droit du travail va dans la reconnaissance sérieuse du droit de négocier.
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