La lettre de la loi, l’esprit des commandites

Question: s’il était légal de dépenser 5 millions pour promouvoir l’unité nationale au Québec en 1995, pourquoi diable créer une patente à gosses comme Option Canada?

Option Canada - Rapport Grenier - le "déhameçonnage"...



Question: s’il était légal de dépenser 5 millions pour promouvoir l’unité nationale au Québec en 1995, pourquoi diable créer une patente à gosses comme Option Canada?



Pourquoi ne pas simplement dépenser l’argent, sans autre forme de complications?
La raison en est simple, et c’est, me semble-t-il, ce qu’il y a de plus sale dans ce rapport : on préférait détourner un programme fédéral pour faire de l’organisation politique.
Un programme fédéral destiné à promouvoir l’unité nationale détourné pour faire de la politique partisane… Ça ne vous dit rien?
Eh oui. Il y a en germe dans Option Canada le scandale des commandites. Le même esprit y préside.
Il y a plus qu’un pétard mouillé, donc, dans ce rapport. Au contraire : une mèche, que les libéraux de Jean Chrétien allaient allumer superbement après avoir failli perdre le référendum.
Suivez la poudre, elle passe par Patrimoine Canada, le Fonds de l’Unité nationale, le bureau du premier ministre, elle mène rapidement au scandale que l’on connaît.
Qu’est-ce qu’Option Canada? C’est une société créée contre son gré par le Conseil pour l’unité canadienne.
Qu’est-ce que le Conseil pour l’unité canadienne? Un organisme créé dans les années 1960 (maintenant aboli) pour rapprocher les Canadiens d’un Océan à l’autre et lutter contre le sécessionnisme québécois. Il était financé essentiellement par des subventions fédérales et des dons privés. Il a amassé 10,6 millions en 1995 (deux fois plus que l’année précédente, pour des raisons référendaire évidentes).
Option Canada était au départ un simple programme du Conseil. Mais en 1995, Revenu Canada et Revenu Québec se sont mis le nez dans le CUC.
«Le problème provenait du fait que cet organisme émettait des reçus pour fins de charité, tout en se livrant à des activités politiques via le programme Option Canada», écrit le juge Grenier.
Qu’a-t-on fait? On a contourné le problème : Option Canada serait incorporé comme une société distincte. Et le Conseil continuerait à donner des reçus pour fins de charité.
Mais en réalité, le Conseil et Option ont toujours été des vases communicants.
Seulement à l’automne1995, Patrimoine Canada a versé 4,8 millions à Option Canada. Le ministère avait déjà versé 6 millions au Conseil pour le «programme» Option Canada.
Des contractuels étaient censés travailler sur le «programme des valeurs canadiennes». Ils étaient censés faire de l’animation et informer les citoyens sur le Canada.
En vérité, ils faisaient de l’organisation politique pour le futur comité du Non. Ils ont reconnu eux-mêmes ne pas faire ce que leur contrat, un paravent, affirmait. C’était évidemment un moyen de contourner la loi référendaire directement –à hauteur d’un demi-million, a pu prouver le juge Grenier. C’était aussi un moyen de détourner des subventions fédérales.
Aussi, quand le juge Grenier dit que ‘seulement’ 539 460$ ont été dépensés en contravention de la loi québécoise, il dit vrai : ces dépenses concernaient le mois d’octobre 1995. Il dit vrai juridiquement.
Mais plus largement, tout ce système est en soi un contournement de l’esprit de la loi. On avait mis en place une structure déjà bien huilée pour le jour oû la campagne référendaire serait commencée.
Et tout ceci sous le couvert de subventions de Patrimoine Canada. Il y a une superbe préméditation là-dedans.
Le juge Grenier a bien départagé ce qui concernait la période référendaire du reste des activités d’Option Canada. D’une certaine manière, les dégâts sont limités pour le camp du Non.
Il en profite pour redresser certains torts, et avec raison. La firme BCP, alors présidée par Yves Gougoux, a été durement écorchée par Lester et Philpot, sur la base de factures envoyées à Option Canada pendant la campagne référendaire, ce qui paraissait assez mal. L’analyse comptable minutieuse révèle que ces factures concernaient des travaux faits en toute légalité avant la campagne. C’est donc à tort qu’on a blâmé la firme dans les médias –y compris moi, lors d’une intervention radiophonique à l’époque. Je présente ici mes excuses.
Le juge Grenier travaillait à partir de la loi québécoise. Il n’avait pas à porter un jugement plus global sur tout ce système. Ne nous en privons pas : fondamentalement, malgré leurs erreurs et leurs conclusions parfois abusives, Lester et Philpot n’avaient pas tort. Cette opération, carrément illégale pour un demi-million, était moralement condamnable pour presque tout le reste et visait à contourner le processus référendaire québécois. Quoi, on n’était pas capable, à Ottawa, de défendre le fédéralisme visière levée? Si un pays mérite d’être défendu, pourquoi faut-il le faire dans cette sombre semi-légalité?
Il semble qu’on ne sache tout simplement pas comment s’y prendre –ou trop bien, selon votre degré de naïveté.
Témoin ce lamentable «love in», qui a amené bien des Québécois vers le Oui plutôt que le Non, j’en suis convaincu.
Oui, mais les péquistes ont pris l’argent des contribuables pour promouvoir la souveraineté, répliquent les gens du Non.
Quel que soit le mérite de l’accusation, ça ne justifie évidemment rien de cette misérable opération.


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