La loi violée

En fait, ceux qui insistent sur l’ampleur limitée des dépassements par rapport aux dépenses autorisées pèchent par restriction mentale. On les comprend d’avoir envie d’oublier certaines portions du rapport.

Option Canada - Rapport Grenier - le "déhameçonnage"...




Un autre coin du voile masquant le financement réel des activités liées au référendum de 1995 a été soulevé hier avec la divulgation du rapport du commissaire-enquêteur Bernard Grenier. Les conclusions de l’ex-juge ne font pas honneur au camp du Non. La loi a été violée et la démocratie, bafouée.
L’argument selon lequel les dépenses illégales sont bien moindres que ne le laissait croire la dénonciation des auteurs Normand Lester et Robin Philpot ne transforme pas le dossier en banal pétard mouillé. N’en déplaise à Jean Charest et à Lucienne Robillard notamment, le document ressemble bien davantage à la pointe de l’iceberg.
En fait, ceux qui insistent sur l’ampleur limitée des dépassements par rapport aux dépenses autorisées pèchent par restriction mentale. On les comprend d’avoir envie d’oublier certaines portions du rapport.
Son mandat émanant du directeur général des élections du Québec, l’ex-juge explique ainsi que son investigation ne pouvait être exhaustive. Le commissaire-enquêteur n’avait pas la compétence pour fouiller dans les dossiers relevant du gouvernement fédéral. Toute une zone d’ombre.
Le commissaire reconnaît par exemple que le financement du grand love-in, qui avait réuni au centre-ville de Montréal quelque 100 000 personnes en provenance d’un peu partout au Canada, n’a pu être scruté par son équipe. En clair, le dépassement des dépenses autorisées de un demi-million de dollars est un strict minimum.
D’autre part, il faut être conscient qu’il n’y a pas de demi-mesure en matière de respect de la loi. On la respecte ou on la transgresse. Or, quand le juge Grenier montre du doigt des ténors de l’équipe du Non en tirant des « conclusions défavorables » à leur endroit, il faut traduire l’euphémisme. Ils ont sciemment triché. Il ne les accuse pas parce qu’il n’en a pas le pouvoir et parce qu’il y a prescription empêchant toute poursuite pénale, mais la preuve a été faite à la satisfaction de l’ex-juge qu’ils ont enfreint la loi.
D’autres acteurs de premier plan du camp du Non ont quant à eux « manqué de vigilance » selon les mots choisis de Me Grenier. Il faut comprendre que, malgré leur rôle stratégique et leur conscience des limites de dépenses à respecter, ils ont eux aussi failli aux exigences de la loi.
Honnêtement pourtant, les révélations contenues dans le rapport de Me Grenier ne sont pas une grande surprise. La commission Gomery sur le scandale des commandites avait déjà révélé que les dirigeants fédéralistes de l’époque, Jean Chrétien en tête, estimaient qu’ils étaient en guerre avec les séparatistes et qu’en conséquence, il n’y avait pas lieu de lésiner sur les moyens. On a donc allègrement dépensé avant, pendant et après le référendum.
Faut-il maintenant créer une commission d’enquête fédérale et retourner en arrière pour prendre la mesure exacte des tricheries et vérifier si le camp du Oui n’a pas lui aussi sa part de squelettes dans le placard ? Compte tenu de tout ce qui est déjà su, ce serait du temps et de l’argent mal investis. Plus personne ne peut être accusé de rien.
Péquistes, bloquistes et adéquistes se drapent dans l’obligation de vérité pour insister qu’il faut exposer toute la turpitude fédéraliste. Mais, sous leurs blancs manteaux, ils camouflent bien mal leurs petits objectifs électoralistes. On vise, entre autres, la culpabilité par association, même si Jean Charest a été exonéré de tout blâme.
Le temps est venu de tourner cette page. Le résultat du référendum d’octobre 1995 ne changera pas quoi qu’on dise ou quoi qu’on fasse. Il faut plutôt attendre les recommandations à venir de l’ex-juge Grenier pour s’assurer que, s’il y a une prochaine fois, les règles seront beaucoup plus serrées.


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