COMMISSION GRENIER

Des acteurs d'Option Canada seront blâmés

Option Canada - Rapport Grenier - le "déhameçonnage"...


QUÉBEC - Bernard Grenier va montrer du doigt certains des acteurs importants d'Option Canada dans son rapport qui sera rendu public la semaine prochaine, probablement dès lundi, par le Directeur général des élections.
Selon les informations obtenues par La Presse, le juge à la retraite a transmis il y a une dizaine de jours plusieurs lettres à des gens qui ont témoigné devant lui pour les prévenir que dans ses conclusions, il entendait, nommément, critiquer leur conduite.
Ce préavis pour un blâme n'est pas prévu par la loi québécoise des commissions d'enquête, mais c'est la règle à Ottawa.
La jurisprudence demande qu'on laisse la possibilité aux gens montrés du doigt dans ce type d'opération de donner, souvent par procureur interposé, leur ultime version des faits. Aucune poursuite judiciaire n'est considérée - les faits remontent à la campagne référendaire de 1995 et sont l'objet d'une prescription.
Pour contrer toute possibilité de fuite, le juge Grenier avait rendu une ordonnance stricte de non-publication. Les témoins ne pouvaient, sans risquer l'outrage au magistrat, même révéler qu'ils avaient été appelés à comparaître devant l'ex-juge. Le contenu des témoignages était bien sûr couvert par la même interdiction, tout comme la réception des lettres transmises au cours des derniers jours.
Cependant, sans qu'on puisse les identifier, La Presse a pu apprendre que certains des acteurs importants ont eu à expliquer pourquoi ils avaient pu être rémunérés par Option Canada durant la campagne référendaire.
En février 2006, Normand Lester et Robin Philpot ont publié Les secrets d'Option Canada en pleine campagne électorale fédérale, un document qui, pour l'essentiel, faisait l'analyse d'une caisse de documents d'Option Canada obtenus par M. Lester. On y relevait une série de dépenses d'Option Canada qui auraient dû être comptabilisées par le camp du NON au référendum de 1995. Les auteurs mettaient en relief le rôle de plusieurs personnes associées à la campagne du NON en 1995.
Tout de suite après le déclenchement de l'enquête confiée à l'ex-juge Grenier par le DGE, Québec avait suspendu, avec solde, Jocelyn Beaudoin, nommé en 2005 par Jean Charest comme représentant du Québec à Toronto. M. Beaudoin gagne plus de 130 000$ par année. La semaine dernière, en Chambre, le ministre des Affaires internationales, Benoît Pelletier, expliquait qu'il n'était pas question de sanctionner M. Beaudoin - qui plaide n'avoir rien fait de répréhensible -, avant d'avoir en main les conclusions du juge Grenier. Expliquant la suspension, M. Pelletier avait soutenu ne pouvoir être à la fois le patron de M. Beaudoin et le responsable de l'application des lois électorales et du DGE qui avait le mandat de faire réaliser cette enquête.
Plus d'une vingtaine d'employés politiques libéraux provinciaux à l'époque avaient eu des mandats d'Option Canada durant la campagne référendaire. La grande majorité toutefois ne feront l'objet d'aucune remontrance dans le rapport - c'est le cas par exemple de Chantal Landry actuellement responsable des nominations au cabinet du premier ministre Charest. La plupart jouaient un rôle mineur "d'animateur de formation", dans la campagne du NON.
M. Charest a comparu devant la commission le 27 avril dernier, une formalité pour lui qui était l'ancien coprésident du comité du NON, bien loin des décisions quotidiennes d'Option Canada. Son chef de cabinet Stéphane Bertrand a lui aussi dû venir s'expliquer - il était directeur général du PLQ lors de la campagne référendaire de 1995.
Durant toute la campagne électorale, le chef péquiste André Boisclair avait accusé Québec d'avoir favorisé le report des conclusions de cette enquête pour éviter qu'elles ne tombent en pleine campagne électorale.
Le livre relevait par exemple que M. Beaudoin, PDG du Conseil pour l'unité canadienne de 1969 à 2004 avait reçu des honoraires d'Option Canada totalisant 24 000$ à l'automne 1995. À l'origine, Option Canada était une direction du Conseil pour l'unité canadienne, qui avait été détachée sous le règne de M. Beaudoin.
Tout en étant "président" du conseil d'Option Canada, Claude Dauphin, désormais maire de Lachine, avait reçu pour sa part 21 000$ de cet organisme pour des services rendus entre septembre et décembre 1995. M. Dauphin avait plaidé publiquement que son rôle était avant tout honorifique.
En décembre dernier, La Presse relevait aussi le cas d'Alfred Pilon, alors directeur du bureau québécois du Conseil pour l'unité canadienne qui avait touché plus de 22 000$ d'Option Canada, par l'entremise d'une entreprise située à son domicile. Son ex-conjointe, Françoise Boudreault, servait uniquement de prête-nom, selon le témoignage qu'elle avait livré alors à la commission Grenier.
M. Pilon, alors joint par La Presse, avait refusé de faire tout commentaire. Après son séjour au Conseil pour l'unité canadienne, il était devenu chef de cabinet de Jean Charest à son arrivée à Québec en 1998. Il a été nommé dès l'arrivée au pouvoir du PLQ en 2003 à la tête de l'Office franco-québécois pour la jeunesse.
Hier, au bureau du Directeur général des élections, le porte-parole Denis Dion soutenait que Marcel Blanchet n'avait pas obtenu copie du rapport encore, mais que cela se ferait sous peu - dès aujourd'hui, indiqueront d'autres sources. Reporté à quatre reprises, le rapport sur Option Canada sera rendu public la semaine prochaine, en début de semaine, probablement lundi. "Cela ne traînera pas", s'est-il contenté d'indiquer.
Joint hier, Robin Philpot, coauteur de l'ouvrage à la source de cette enquête, a souligné que les auteurs entendaient faire une conférence de presse immédiatement après la publication du rapport.
Selon les deux auteurs, Option Canada avait vu le jour début septembre 1995 et bénéficiait d'une cagnotte de 5,2 millions pour alimenter une campagne parallèle en faveur du camp fédéraliste. Avec en main une caisse de documents provenant de l'organisme, les deux auteurs avaient soutenu que plus de 4,8 millions avaient été injectés en publicité et en sondages pour appuyer le Comité pour le NON, durant la campagne.


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