M. Charest, comblez votre déficit démocratique !

Droit du travail - nouvelles balises



Le 8 juin, la Cour suprême a rendu une décision sonnant une importante victoire pour les syndicats de la Colombie-Britannique qui rejaillit sur l'ensemble des syndicats au Canada. Les syndicats du réseau public de la santé étaient aux prises avec une loi qui altérait le droit de négociation en retirant de leur convention collective une panoplie de dispositions (réaffectation, sous-traitance, droit de négocier, etc.).
Dans son jugement, la Cour suprême proclame que cette façon de faire du gouvernement n'est pas compatible avec le droit de négociation qui fait partie intégrante du droit d'association. Pour la cour, le geste de ce gouvernement est injustifié dans une société libre et démocratique, et elle requiert que ce dernier s'amende; il a 12 mois pour le faire.
Les syndicats ont réclamé à bon droit que le gouvernement cesse immédiatement de violer les droits fondamentaux de ces personnes. Nous leur souhaitons qu'il finisse enfin par les écouter.
Au Québec aussi, les choses ont trop tardé. Depuis plus d'un an déjà, le Bureau international du travail (BIT) demandait au gouvernement du Québec d'amender ses lois 7 et 8. Peu après, il faisait la même demande à propos du projet de loi 142, devenu la loi 43.
Souvenons-nous qu'en décembre 2003, avec les lois 7 et 8, le gouvernement Charest s'était attaqué au droit d'association de 25 000 femmes oeuvrant à leur domicile auprès des enfants (services de garde en milieu familial) et de bénéficiaires du réseau de la santé et des services sociaux (ressources intermédiaires et ressources de type familial). Ces lois cassaient les syndicats, qui avaient réussi au bout de plusieurs années de lutte à se faire reconnaître par les tribunaux; elles interdisaient à ces travailleuses, à l'avenir, l'accès à la syndicalisation et à la négociation collective. En décembre 2005, avec le projet de loi 142, le gouvernement mettait fin à la négociation des conventions collectives des 500 000 salariés de l'État en décrétant leurs conditions de travail.
Se référant à la Charte canadienne et en opérant un virage à 180 degrés, la Cour suprême rappelle l'importance de notre histoire et reconnaît notre contribution au développement démocratique de notre société ainsi que notre rôle capital dans la défense des intérêts des travailleurs: «Enfin, la valeur qu'attache la Charte au renforcement de la démocratie appuie la thèse de l'existence d'un droit constitutionnel de négocier collectivement. En effet, la négociation collective permet aux travailleurs de parvenir à une forme de démocratie et de veiller à la primauté du droit en milieu de travail. Ils acquièrent voix au chapitre pour l'établissement des règles qui régissent un aspect majeur de leur vie.»
Le BIT a été très clair dans ses conclusions. En mars 2006, il demandait au gouvernement d'amender les lois 7 et 8 afin que les travailleuses concernées puissent bénéficier du régime général du droit du travail collectif et constituer des organisations jouissant des mêmes droits, le tout conformément aux principes de la liberté syndicale.
Puis, en mars 2007, il lui a demandé d'amender sa loi 43 pour en retirer les mesures répressives, de revoir avec les parties concernées le régime de négociation de manière à prévoir un véritable mode de résolution des différends et, finalement, de revoir sans plus tarder, avec les parties, la question salariale en s'appuyant au besoin sur une étude indépendante.
Par sa décision du 8 juin, la Cour suprême dit au gouvernement du Québec qu'il est en déficit démocratique. Nous souhaitons qu'il ne fasse pas traîner les choses pour le combler. En effet, la cour rappelle que le droit de négocier, inhérent au droit d'association, constitue une pierre d'assise de la démocratie au Canada. C'est pour elle une garantie de soutien à «la dignité humaine, à l'égalité, à la liberté et au respect de l'autonomie de la personne».
Nous invitons le gouvernement du Québec à prendre acte de l'état du droit actuel et de permettre aux salariés du Québec d'accéder à leurs droits fondamentaux sans délai. Chaque jour qui passe sans que ces droits soient rétablis ajoute au préjudice. En outre, nous croyons qu'en traitant ses salariés comme il le fait, le gouvernement cause aussi des préjudices à l'ensemble des citoyens. Il accentue la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur public ainsi que la difficulté de rendre les services auxquels la population est en droit de s'attendre.
Le gouvernement doit mettre un terme au déni du droit de s'associer comme à celui de négocier. Le procès portant sur les lois 7 et 8 doit s'amorcer dès le 18 septembre. Il nous apparaît qu'avec la position claire que prend la Cour suprême en affirmant que nos lois ne peuvent pas accorder moins de droits que ce que les conventions internationales reconnaissent, le gouvernement a tout intérêt à consacrer ses énergies et ses ressources à rétablir les droits des travailleurs plutôt qu'à s'investir dans des procédures juridiques.
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Claudette Carbonneau, Présidente de la CSN


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