On fait quoi ?

Sans aller jusqu’à un moratoire, le gouvernement devra vraisemblablement faire son « bout de chemin » sur les droits de scolarité.

Conflit étudiant - sortir de l'impasse



Avec les années, un écart se creuse inévitablement entre la réalité qu’un gouvernement doit gérer et la perception qu’il en a. C’est là une des manifestations de ce qu’on appelle l’usure du pouvoir.
Après la marée humaine qui a déferlé dans les rues de Montréal mardi, on peut se demander sur quelle planète vivent ces ministres du gouvernement Charest qui auraient voulu donner encore plus de mordant à la loi spéciale qui a déclenché cette levée de boucliers.
Le scénario initial, tel que rapporté par La Presse, avait au moins l’avantage de distinguer les pommes des oranges. Deux projets de loi distincts avaient été présentés au comité de législation. Le premier ne portait que sur la suspension des cours dans les établissements touchés par la grève, les mesures relatives à la sécurité publique étant regroupées dans un deuxième projet.
Dans un premier temps, l’Assemblée nationale aurait très bien pu se contenter de mettre la session en veilleuse, en reportant l’adoption du volet répressif à plus tard, et mettre cet intervalle à profit pour tenter d’arriver à une entente. Tant que la session est suspendue, le discours gouvernemental, qui continue à justifier l’adoption de la loi 78 par la nécessité de protéger le droit à l’éducation, est sans objet.
Manifestement, le gouvernement est en plein désarroi. Hier, il était savoureux d’entendre le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, qui ne faisait apparemment pas partie des « faucons », expliquer que la loi spéciale est simplement un instrument mis à la disposition des forces policières, qui peuvent décider de l’appliquer ou non, selon le lieu et les circonstances. On peut la défier à Montréal, mais pas à Sherbrooke !

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À sa sortie de la réunion du conseil, Michelle Courchesne, qui n’avait qu’une heure à leur accorder la semaine dernière, brûlait de se rasseoir avec les représentants des associations étudiantes. La FECQ et la FEUQ ne pouvaient qu’accepter l’invitation sans poser de conditions, dans lesquelles l’opinion publique aurait pu voir de la mauvaise foi, mais elles n’ont aucune raison d’accepter maintenant des compromis qu’elles auraient refusés la semaine dernière. Sans aller jusqu’à un moratoire, le gouvernement devra vraisemblablement faire son « bout de chemin » sur les droits de scolarité.
L’adoption de la loi 78, qui aurait dû réduire à néant le rapport de force des étudiants, l’a plutôt amélioré. Parmi ceux qui ont défié la loi mardi, il y avait un dénominateur commun : un ras-le-bol généralisé qui inspire de la sympathie pour quiconque s’oppose aux politiques de ce gouvernement.
L’urgence d’un règlement n’en est pas moins réelle. La manifestation de mardi a été une sorte de moment de grâce qui a touché même les casseurs. Le pire a pu être évité depuis trois mois, mais il est bien difficile de croire que les manifestations pourraient se multiplier encore pendant des semaines sans incident grave.
Sans exagérer l’impact négatif sur la saison touristique, le spectacle des charges policières et des vitrines fracassées ne constitue pas la meilleure publicité pour la métropole. Il faut surtout cesser de creuser le fossé entre les deux solitudes que sont devenues Montréal et les régions.
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À l’Assemblée nationale, l’imminence des élections provoque une polarisation telle que l’opposition est plus encline que jamais à accabler le gouvernement plutôt qu’à contribuer à la solution. Même la CAQ, qui a voté en faveur de la loi spéciale, semble surtout pressée de se retrouver en campagne électorale.
D’ailleurs, il est loin d’être acquis que des élections permettraient de trancher le débat. Si les résultats étaient ceux du dernier sondage Léger Marketing-QMI, le PQ formerait un gouvernement fortement minoritaire, qui serait à la merci d’une alliance entre le PLQ et la CAQ.
« On fait quoi maintenant ? », demandait Pauline Marois. Si, par calcul ou par incurie, les politiciens sont incapables d’imaginer une issue à la crise, il faudra que d’autres s’en chargent. En mars dernier, Louis Bernard et Claude Castonguay avaient tour à tour proposé une médiation que Line Beauchamp avait écartée.
D’autres formules pourraient être explorées. Durant la Crise d’octobre 1970, alors que le gouvernement Bourassa semblait complètement dépassé par les événements, Claude Ryan avait pensé à un « comité de sages ». Pourquoi pas ? Sans avoir le pouvoir d’imposer un règlement aux parties, un groupe de personnalités indépendantes des partis politiques disposerait d’une autorité morale qui pourrait à tout le moins favoriser un déblocage.
Il ne manque pas de sages au Québec. Outre MM. Castonguay et Bernard, on pourrait solliciter des gens comme Lise Bissonnette, Pierre Lucier, Louise Otis, Jean Cournoyer, Claude Béland ou même - pourquoi pas ? - l’ancien chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui a déjà inspiré des éléments de solution au président de la FECQ.
Pour éviter tout soupçon, l’initiative devrait venir de quelqu’un qui n’a pas pris parti sur le fond du conflit. Tiens, pourquoi pas le maire Tremblay, qui se lamente de voir sa ville transformée en champ de bataille ? Oui, je sais, mais au point où on en est…


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