LETTRE AUX ÉTUDIANTS DU QUÉBEC

Pour une sortie de crise réussie

Par sa capacité de mobilisation, sa discipline et sa résilience, le mouvement étudiant s’est révélé être un puissant moteur de questionnement social, au point de devenir une source d’inspiration au plan international. Mais il doit continuer à garder l’initiative et le flou actuel ne peut rien lui apporter de bon.

Conflit étudiant - sortir de l'impasse

État des lieux
Le gouvernement a présenté la hausse des droits comme une solution aux besoins des universités. Les étudiants l’ont pris au mot, en demandant quels étaient ces besoins ? On ne leur a pas répondu. Leur contestation tire sa légimité de cette exigence pleine de bon sens : savoir pourquoi on paie. La réponse ne peut être purement comptable, elle exige aussi une réflexion sur la finalité de l’université et c’est bien là ce qui dérange l’ordre établi, d’où la crise.
Lors de la dernière ronde de négociations le gouvernement entre les étudiants (du 28 au 31 mai 2012), ceux-ci ont soumis des propositions qui auraient permis à tous de «sauver la face» et d’instaurer une période d’accalmie permettant une rentrée scolaire paisible et le déclenchement d’états généraux sur l’éducation dans un climat plus serein. Au lieu de cela, le gouvernement a cessé unilatéralement les négociations, au motif que les propositions soumises par les étudiants étaient inacceptables pour des raisons de politique et d’image publique, ainsi que la ministre Courchesne l’a suavement admis. Cela confirme que Jean Charest n’a jamais voulu négocier sur la hausse des droits et qu’il cherche à laisser durer la crise dans l’espoir de gains électoraux (accusation dont il s’était pourtant défendu sur un ton de tragédien en accusant Mme Marois, notamment, de soupçons ignobles et grotesques).
Son calcul pourrait bien réussir, car toute une frange de la population s’en tient à une compréhension très superficielle des évènements : quelques épisodes de casseurs, des revendications constamment décriées par d’influents médias populistes, des commerçants excédés (à juste titre dans leur cas, il faut bien le dire), et voilà des milliers de voteurs prêts à reconduire un gouvernement désormais perçu comme le protecteur des valeurs, de la sécurité, du café bien chaud et du pâté chinois. Oui, il y a des gens qui ont peur ; de probables désordres estivaux les effrayeraient encore davantage. Les étudiants doivent dûment tenir compte de cela. À quoi bon renverser les Libéraux pour se retrouver éventuellement avec un gouvernement plus progressiste mais minoritaire, devant une opposition majoritaire en faveur de la hausse ?
Une offre stratégique
Par sa capacité de mobilisation, sa discipline et sa résilience, le mouvement étudiant s’est révélé être un puissant moteur de questionnement social, au point de devenir une source d’inspiration au plan international. Mais il doit continuer à garder l’initiative et le flou actuel ne peut rien lui apporter de bon.
Le ministre Bachand et le premier ministre Charest clament que la hausse des droits est une question qui doit se régler ultimement par des élections. Une fois de plus, les étudiants peuvent prendre le gouvernement au mot, en choisissant d’accepter la hausse de 250$ pour le seul et unique trimestre d’automne 2012, et de faire une rentrée sans histoire, à deux conditions : des élections au plus tard le lundi 15 octobre et le droit pour les étudiants de voter dans le comté où ils résident pour fins d’études. Même pas la peine d’inclure dans cette offre l’abolition de la loi 78, qui se discrétite elle-même et qui ridiculise le gouvernement qui l’a décrétée – bien que cela n’exclue pas la poursuite des manifestations de rue à son encontre. Si le gouvernement refuse cette proposition, on repart le carnaval des grèves étudiantes à l'automne. Peu de Québécois oseraient aujourd'hui ne pas prendre au sérieux un tel avertissement.
Cette stratégie serait perçue comme la preuve d’une maturité dont ce gouvernement idéologiquement buté n’aurait pas su faire preuve, elle mettrait une forte pression sur lui et elle désamorçerait les critiques contre les étudiants. Personne ne verrait là une victoire du gouvernement. La mobilisation estivale porterait alors sur les élections comme enjeu et sur l’explication du bien-fondé de la position étudiante (les dépliants dont parle Martine Desjardins) à une population qui a encore besoin d’être convaincue.
Une manifestation de calibre 22 à la fin août remettrait ces bonnes causes au cœur de l’actualité, sans toutefois compromettre la rentrée.
Bon été à tous (sauf les méchants, bien sûr !)


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