L'islam et la modernitÉ

L’intégrisme religieux : islamiste mais pas uniquement

Tribune libre

L’islam est en crise. Après plus de deux siècles de colonialisme et / ou de domination économique, les peuples musulmans entretiennent un profond ressentiment envers l’Occident. Cela se comprend. (Par exemple, en 1953 la CIA et les Britanniques ont fomenté un coup d’état qui a renversé le premier ministre d’Iran, Mohammed Mossadegh, lequel avait nationalisé en 1952 l’industrie pétrolière de son pays, pour installer à sa place le régime du Shah et faire annuler la nationalisation. N’eût été de cette agression, la révolution islamiste de 1979 n’aurait probablement jamais eu lieu.)
En même temps, le rapport entre l’Islam et l’Occident est ambigu car la modernité à laquelle aspirent les pays islamiques se confond aussi avec l’Occident. Et qui dit modernité dit en grande partie laïcité (pour le meilleur ou pour le pire). Les sociétés musulmanes, elles, sont restées religieuses et intégristes : État et religion ne font qu’un (également pour le meilleur et pour le pire). Il en résulte que la posture philosophique et politique de l’islam face à ces éléments de la modernité que sont la démocratie, la diversité des opinions, l’égalité entre les sexes et la liberté de religion, cette posture demeure figée dans une conception souvent rétrograde. En tout cas, le moins qu’on puisse dire c’est que l’islam se sent mal à l’aise avec la modernité.

L’histoire de l’Islam s’étend sur presque 1500 ans. Toutes sortes de courants sociaux et religieux s’y sont développés, tantôt tolérants et ouverts, avant-gardistes mêmes, favorisant les arts, la science et la philosophie, tantôt fermés et hostiles. Depuis plus d’un siècle, divers courants réformistes, sous l’impulsion de penseurs soucieux de concilier religion et modernité, ont tenté d’émerger, mais sans réussir à s’imposer face à une tradition qui demeure largement monolithique et qui finit par alimenter l’intolérance, même si elle n’en est pas la seule cause, et dont l’islamisme est la version radicale. Une intolérance qui se manifeste aussi contre d’autres courants plus modérés de l’islam. C’est cet état psycho-sociologique que décrivent les deux articles suivants :

http://www.courrierinternational.com/article/2013/10/24/kenya-le-silence-nous-tue

http://www.courrierinternational.com/article/2013/10/24/l-hostilite-antichretienne-jusqu-a-la-haine
(Pour en savoir plus sur l’Islam modéré : http://www.revueargument.ca/article/2013-09-16/587-la-charte-de-la-laicite-une-demarche-normale-dans-une-societe-laique.html )
La Charte de la laïcité se situe dans la continuité de la Révolution tranquille et en érigeant un rempart contre tous les intégrismes religieux, quels qu’ils soient, elle reflète l’État d’esprit de notre société. Comme l’a fait remarquer le sociologue Guy Rocher, la Charte s’inscrit dans la longue durée. Actuellement l’intégrisme islamiste occupe le devant de la scène à cause de son affichage tapageur. Cependant, cela pourrait changer. Ainsi, l’influence des évangélistes et des chrétiens fondamentalistes (incluant les créationnistes) sur le gouvernement Harper est tout à fait actuelle et bien réelle – sans parler des États-Unis à l’ère Bush. En Europe, depuis quelques années on constate la résurgence virulente de courants d’extrême-droite, dont certains pro-nazis, qui veulent restaurer «la civilisation chrétienne» (ce qui dans leur bouche, rime sinistrement avec anti-juif, anti-arabe, anti-noir et... anti-chrétien progressiste). Rien ne ressemble autant à un fondamentalisme qu’un autre fondamentalisme.
La Charte n’est dirigée contre personne. Elle vise à ménager un espace commun respectueux de tous. La défense de l’égalité homme-femme, si importante soit-elle, n’en constitue qu’un aspect. L’élément essentiel dont dépend tout le reste réside dans l’affirmation de la neutralité de l’État par rapport aux religions.


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