L’Etat belge avait racheté Fortis Banque Belgique, la première banque belge (en faillite virtuelle), le 5 octobre dernier pour la revendre à la banque française BNP, l’une des grandes banques européennes (où il gardait le rang d'un actionnaire important). La décision avait été prise sans l’assentiment de l’assemblée générale des actionnaires. Ceux-ci ont entamé une procédure en référé pour geler l’affaire. Dans un premier temps, devant le Tribunal du Commerce de Bruxelles, cette procédure a échoué, mais le vendredi 12 décembre, la Cour d’Appel de Bruxelles réformait le jugement du Tribunal de Commerce gelant toute l’opération de sauvetage de la Banque Fortis qui est un énorme banque-assureur belge avec 3 millions de clients. L’opération avait été justifiée comme une façon de garantir les avoirs des simples épargnants et l’emploi. Elle se justifiait aussi du fait que, sans cette opération de l’Etat, Fortis était en faillite.
Les petits actionnaires s’estimaient lésés dans l’aventure et ils ont contesté finalement victorieusement, du moins dans une action en référé (ne se prononçant pas sur le fond), la vente par l’Etat belge de Fortis à la BNP.
Le gouvernement belge a craint que la remise en cause de ses décisions par la Justice statuant en référé ne mette à mal l’ensemble du sauvetage (de l’emploi, des épargnants, des personnes assurées par la banque). Jeudi, le premier magistrat du pays, le Premier président de la Cour de cassation, informait le Président de la Chambre des représentants qu’il estimait que des pressions avaient été exercées sur la Justice par l’Exécutif fédéral belge mettant en cause le principe même de la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Vendredi, il donnait de plus amples précisions sur ces pressions et citait nommément le Ministre de la Justice (qui remit immédiatement sa démission), comme l’un des responsables de même que l’entourage ou le cabinet du Premier ministre belge.
Au soir de ce 19 décembre, le premier ministre Yves Leterme a remis sa démission au roi qui a réservé la suite qu’il donnerait à cette démarche et n’a jusqu’à présent ni accepté ni refusé la démission d’Yves Leterme. Comme la Belgique va au-devant d’élections régionales en juin 2009 qui hypothèquent déjà gravement l’action du gouvernement, comme la crise financière internationale a la gravité que l’on sait, comme l’absence de gouvernement risquerait de nuire aux intérêts des employés et des épargnants de Fortis et par là à toute l’économie du pays, personne ne revendique vraiment la dissolution des chambres et l’opposition souhaite elle-même qu’un gouvernement qui gouverne vraiment succède rapidement à celui qui vient de donner sa démission.
Mais il faut dire que la démission du gouvernement Leterme est une nouvelle péripétie grave de la politique belge. Après les élections de juin 2007, Yves Leterme, nommé formateur deux fois par le roi avait démissionné déjà deux fois de ces fonctions (devant l’impossibilité d’arriver à un accord sur la réforme de l’Etat), en août et décembre. Il avait dû accepter, en désespoir de cause, que le Premier ministre sortant préside un gouvernement que la presse belge a qualifié de « provisoire » qui a gouverné de décembre 2007 à mars 2008. En mars 2008, Yves Leterme formait enfin son gouvernement , mais démissionnait à nouveau (la troisième fois), le 14 juillet 2008 devant l’impossibilité d’arriver à un accord sur la réforme de l’Etat. Le roi ayant refusé cette démission, des médiateurs royaux étant nommés pour trouver une formule de négociation de la future réforme de l’Etat, celle-ci a finalement trouvé sa vitesse de croisière.
En octobre le Gouvernement belge sauvait de la faillite le groupe Fortis. Cette opération qui avait été acceptée unanimement par le monde politique a finalement été contestée par la Justice, ce qui entraîne les difficultés actuelles du Gouvernement fédéral. On pourrait dire qu’au niveau fédéral la Belgique n’a pas de véritable gouvernement depuis juin 2007 et même si le gouvernement actuel perdurait ou était remplacé par un autre gouvernement, pèserait de toute façon sur celui-ci la perspective d’élections dites « régionales » (en juin 2009), mais qui en réalité peuvent bouleverser profondément la donne politique belge ou la situation politique, respectivement en Flandre et en Wallonie (ainsi qu’à Bruxelles).
La question se pose face à la fragilité des gouvernements mis en place depuis juin 2007 au niveau fédéral, si, à cet échelon, il ne devient tout simplement pas impossible d’avoir un vrai pouvoir exécutif. Certains estiment que la Belgique est une confédération d’Etats, ce qui supposerait que les gouvernements dits « régionaux» prennent décisivement le pas sur le pouvoir fédéral belge. La question mérite aussi d’être posée de savoir si la séparation des pouvoirs entraîne qu’une décision politique (comme le sauvetage de la Banque Fortis), sur laquelle il y a un large consensus (politique, syndical), dont l’enjeu est un intérêt collectif majeur, peut être remise en cause par la simple volonté de trois juges.
On dit à juste titre que la séparation des pouvoirs est une garantie fondamentale de l’Etat de droit en faveur du citoyen. Mais il semble que dans la crise récente ce principe indiscutable ait été tout de même interprété dans un sens qui met gravement en cause ce même citoyen en ses intérêts vitaux.
En tout cas, les difficultés du gouvernement fédéral belge , peu importe leur origine, fortifie l’hypothèse – exprimée par des observateurs crédibles tant wallons que flamands - que la Belgique est en passe de devenir une Confédération d’Etats souverains.
José Fontaine
Nouvelle crise politique belge!
Chronique de José Fontaine
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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