Nationalisme : entre le placard et le ressentiment

Aussi curieux que cela puisse paraître, le seul jour où on ne voit pas les fédéralistes au Québec, c’est le jour où ils devraient au contraire être le plus présents : le 1er juillet.

Québec 400e - imposture canadian



Bon, enfin, le gros show politique du 400e anniversaire de Québec est fini ! Tant mieux, parce que cela était sur le point de devenir gênant, autant pour les fédéralistes que pour les souverainistes.

Les gens de Québec vont pouvoir continuer de fêter avec Céline, Sir Paul et les milliers de touristes venus de partout. Les politiciens, eux, vont pouvoir partir en vacances avec le sentiment d’avoir arraché leur petit morceau de nationalisme lors de la fête du «berceau de la francophonie en Amérique», du «lieu de naissance de la nation québécoise», du «commencement du Canada» ou de la «fondation de l’État canadien», selon les différentes versions entendues hier.
Il est pour le moins ironique de constater que le gouvernement Harper, qui n’a délégué aucun de ses représentants pour fêter le Canada à Montréal le 1er juillet, a fait tant d’efforts, hier, pour récupérer le 400e de Québec au nom du Canada. Même chose pour le 24 juin : M. Harper avait encore cette année un horaire québécois très chargé, mais son gouvernement était pratiquement invisible une semaine plus tard, pour la Fête du Canada.
Les conservateurs ne sont pas les seuls fédéralistes à se faire discrets le 1er juillet, c’est aussi le cas des libéraux, fédéraux comme provinciaux.
Aussi curieux que cela puisse paraître, le seul jour où on ne voit pas les fédéralistes au Québec, c’est le jour où ils devraient au contraire être le plus présents : le 1er juillet.
Au Québec, les fédéralistes vivent dans le placard et ils n’en sortent que lorsqu’ils ont l’occasion de se draper dans un fleurdelisé.
Dénoncée par les souverainistes, la récupération politique de l’anniversaire de Québec est en effet un peu grossière.
Prenez, notamment, ces grandes publicités du gouvernement fédéral dans les journaux intitulées De Kebec à Québec, une ville, notre histoire et qui suggère d’appeler le 1-800-O-CANADA «pour en savoir plus sur le 400e anniversaire de la ville de Québec».
J’ai téléphoné hier au numéro en question. Au bout du fil, la préposée de Services Canada a mis quelques secondes à comprendre de quoi je parlais, après quoi elle m’a récité un texte insipide invitant tous les Canadiens à fêter le 400e de Québec et m’a donné un numéro sans frais pour joindre les bureaux du 400e.
Toutes les occasions sont bonnes pour imprimer le gros logo du gouvernement du Canada dans le journal.
L’adoption par la Chambre des communes d’une résolution reconnaissant la nation québécoise, en décembre 2006, fournit évidemment une carte de visite en or au premier ministre Harper à l’occasion du 400e de Québec. Au grand dam des souverainistes, mais c’est de bonne guerre.
Il n’allait certainement pas passer à côté de cet événement, surtout que le gouvernement Charest lui a laissé beaucoup de place. M. Harper doit d’ailleurs remercier le ciel d’avoir un allié fédéraliste à Québec. Pas de foire d’empoigne sur les symboles et les drapeaux, pas de guerre de clocher pour savoir qui parle en premier et qui rencontre qui, pas de crise diplomatique dans le triangle Ottawa-Paris-Québec. Imaginez un peu les tiraillements si nous avions un gouvernement péquiste à Québec…
M. Harper a donc reparlé de nation, hier, ramenant clairement ce concept à la langue française. Les conservateurs ont fait reconnaître la nation québécoise, mais ils ont bien du mal à la définir. En décembre 2006, quelques jours après le vote historique, le premier ministre avait lui-même refusé de définir la nation québécoise, se défilant en disant que «c’est aux gens de la définir».
Hier, il a été beaucoup plus clair : «Cet héritage appartient à tous les Canadiens, a dit M. Harper, et nous devrions tous être fiers de ce que Champlain et ceux qui l’ont suivi nous ont laissé : notre plus bel endroit, Québec, à l’embouchure du majestueux Saint-Laurent, une nation francophone, les Québécois et Québécoises, au cœur même de notre continent, et un pays pacifique et prospère, le Canada, admiré dans le monde entier.»
Dommage pour les anglos du West-Island, pour les immigrants qui ne parlent pas français et pour de nombreux autochtones, vous ne faites par partie de la nation québécoise.
L’omniprésence du fédéral à l’ombre du Château Frontenac fait évidemment rager les souverainistes qui accusent le premier ministre Charest de s’écraser devant Ottawa. Ils oublient un petit détail : la résolution adoptée aux Communes avait deux volets, celui reconnaissant la nation québécoise, et un autre, situant cette nation dans un Canada uni. On ne peut pas dissocier ces deux volets. Même les élus souverainistes à Ottawa, les députés du Bloc québécois, ont voté en faveur de la résolution.
Certains souverainistes, à commencer par la chef du PQ, Pauline Marois, accusent Québec et Ottawa d’avoir évacué la dimension historique des fêtes du 400e. Pourtant, tout est là : les plaines (et leur symbole), le fleuve Saint-Laurent, les Français, les Anglais, le reste du Canada, les costumes, les bateaux et même une grand-messe.
Ce n’est pas que l’on a évacué l’histoire, c’est plutôt que cette histoire ne plaît pas à tout le monde. Une partie du mouvement souverainiste carbure au ressentiment en ces temps difficiles pour l’«option» et la rencontre du Canada et du Québec sur les plaines d’Abraham ne fait qu’exacerber ce sentiment.
Mais on ne peut pas refaire la bataille des plaines d’Abraham. La seule bataille qui aura lieu sur les plaines cet été, c’est celle de milliers de spectateurs qui joueront du coude pour avoir une meilleure vue sur Céline Dion ou sur Paul McCartney.


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