Saint-Hyacinthe — En laissant de côté la «question nationale» pour s’occuper des «vraies affaires», un éventuel nouveau parti mené par François Legault abandonnerait la défense des intérêts du Québec, a dénoncé la chef péquiste Pauline Marois samedi matin. Elle prenait la parole à l’ouverture du Conseil national du Parti québécois qui se poursuivra jusqu’à dimanche.
Mme Marois a qualifié d’«intrigante» l’idée d’un nouveau parti qui mettrait «de côté la question nationale». «Je pensais pourtant que pour ça, y avait déjà le Parti libéral.»
Elle s’est ensuite attaquée à la logique de ceux qui, comme M. Legault — mais aussi le réseau Liberté-Québec —, clament «qu’il faut s’occuper des "vraies affaires"». Selon elle, cela conduirait à abandonner des combats cruciaux pour le Québec. «La loi 101 est charcutée par la Cour suprême. L’avenir du français au Québec, ce n’est pas une vraie affaire, ça?», a-t-elle lancé, multipliant les exemples telle l’harmonisation de la TPS et de la TVQ au sujet du fédéral comme il l’a fait pour l’Ontario : «Deux milliards de dollars, ce n’est pas une vraie affaire?», a-t-elle martelé. Selon elle, cette question nationale se cache là où on ne l’attend parfois pas: même dans le projet d’amphithéâtre multifonctionnel à Québec, qu’Ottawa n’a toujours pas accepté de financer. Soulignant que le fédéral avait dépensé 1 milliard $ pour la sécurité lors du G20 à Toronto, argent qui a «notamment servi à emprisonner des Québécois sans aucune justification», elle a conclu: «Donc, un milliard pour trois jours à Toronto: OUI, mais 180 millions pour 40 ans à Québec: NON! C’est aussi ça la question nationale.»
L'effet Legault va s’estomper
Ce matin, plusieurs élus péquistes ont critiqué la démarche de leur ancien collègue François Legault. Louise Beaudoin (Rosemont), a qualifié le mouvement «d’irréel, de surréel et de virtuel». Nicolas Marceau (qui a succédé à François Legault dans Rousseau), a admis que la démarche intéresse malgré tout beaucoup de militants de son comté qui attendent de voir les propositions de leur ancien député.
Bernard Drainville (Marie-Victorin) a soutenu que les 39 % d’intention de vote recueillis par l’idée de parti de François Legault dans les sondages pose un défi: «Ça signifie que les gens souhaitent qu'on en fasse davantage. Ça signifie que nous, au Parti québécois et les autres ailleurs, dans les autres partis, on doit proposer davantage aux Québécois. Donc on a encore du travail à faire.»
Le député a ensuite déploré que M. Legault ait abandonné la souveraineté du Québec, un «beau projet collectif» et une «police d’assurance» même pour les non-souverainistes puisqu’elle leur donne un «rapport de force» avec le reste du Canada. Sylvain Simard (Richelieu) a rappelé que François Legault était l’auteur d’un «excellent ouvrage» sur les finances d'un Québec souverain.
Au reste, M. Drainville a prédit que le programme de M. Legault en serait un d’austérité douloureuse, ce qui allait faire fondre rapidement ses appuis. «Attendons voir ce qu'il va mettre sur la table et voyons s'il va rester à 39%. […] Il va proposer quoi sur les tarifs d'électricité? Il va proposer de les augmenter encore plus vite que les libéraux? Au lieu de doubler, il va falloir tripler, les frais de scolarité?»
«Vous allez voir que ces chiffres vont fondre comme de la neige au soleil», a pour sa part prédit Sylvain Simard. François Rebello (Laprairie), qui fut très proche de François Legault lorsque ce dernier lorgnait la direction du Parti québécois en 2005, a confié qu’il parle toujours sur une base personnelle à son ancien collègue. Mais puisque ce dernier a laissé tomber la souveraineté, il était clair dès le début que M. Rebello ne le suivrait pas.
Pour Marc Laviolette, président du SPQ-libre, si les clubs politiques étaient encore reconnus par le Parti québécois, François Legault et Joseph Facal auraient pu en créer un de droite et rester au parti. Il a soutenu ne pas être surpris par la démarche de M. Legault. «Ils sont juste sortis du garde-robe publiquement, mais quand le monde va connaître leurs positions…», a-t-il soupiré. Pour M. Laviolette, ce sont les idées économiques de droite qui ont conduit à la crise financière actuelle. «Les Chicago Boys en culottes courtes et en bas de golf, on n'ira pas loin avec ça au Québec», a-t-il raillé.
Bernard Landry
Les déclarations récentes de l’ancien premier ministre Bernard Landry ont aussi eu des échos au conseil national du PQ. Vendredi, M. Landry a soutenu que le congrès d’avril 2011, où le PQ doit se donner un nouveau programme, était mal «enligné» puisqu’il préparait plutôt la gouvernance d’une «province» que celle d’un pays. Dans son allocution, Mme Marois a réitéré que l’article 1 du programme qui sera adopté en avril «énoncera très clairement ce que nous avons pour objectif, c’est-à-dire réaliser la souveraineté du Québec». Lançant une flèche à son ancien chef, elle a ajouté: «Ce qui a changé, c’est que nous allons rompre avec l’attentisme.» Lorsque questionnée à propos de M. Landry, Louise Beaudoin a déclaré: «Je souris pour ne pas rire», rappelant qu’à une époque, c’est M. Landry qui s’était employé à freiner les souverainistes les plus pressés.
Le président du SPQ-Libre, Marc Laviolette, s’est pour sa part dit d’accord avec Bernard Landry. «Nous, ce qu'on veut, c'est que le chapitre 1 du programme de 2005 revienne dans le programme.» À ses yeux, le projet de programme actuel (qualifié de «proposition principale» dans le jargon péquiste) adopté le 19 juin, fait l’impasse sur la «préparation du peuple à la souveraineté» et met trop l’accent sur les demandes du Québec dans le cadre du fédéralisme canadien.
Pas achetable
Enfin, dans son allocution, la chef péquiste s’est attaqué à plusieurs reprises à l’intégrité de Jean Charest et des libéraux, soutenant que «scandale rime avec libéral». Elle a lancé qu’avec Jean Charest, «tout s’achète! Un contrat de construction! Un permis de garderie! Un poste de juge! Et maintenant, on peut même s’acheter un droit», a-t-elle dit en référant à l’adoption sous bâillon, mardi dans la nuit, de la loi 115 sur les écoles passerelles. Puis elle a déclaré, faisant allusion à sa propre fortune: «On peut dire bien des choses à mon sujet (et on en dit!), mais moi, en tout cas, je suis pas achetable!»
Old Harry et l’indépendance
Samedi en après-midi, les quelque 400 militants du Parti québécois réunis à Saint-Hyacinthe ont participé à une séance plénière dont le thème était «les ressources naturelles, l’énergie et le développement durable». Aucune proposition n’était sur la table. Les péquistes présents ont semblé en majorité favorables à l’exploitation de la structure d’hydrocarbure Old Harry, à 80 km au large des Îles-de-la-Madeleine. Lors d’un colloque précédent sur la création de la Richesse, en février à Lévis, l’hostilité à ce projet avait semblé l’emporter. C’est le député Bernard Drainville qui s’est exprimé sur le sujet cet après-midi. Il a fait une sortie contre le gouvernement Charest, qui selon lui a abandonné le dossier dès 2003. Il se serait «réveillé» lorsque le PQ lui a révélé en chambre, la semaine dernière, que Terre-Neuve avait octroyé des permis de relevés sismiques à une entreprise. Depuis, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, négocie avec le fédéral pour obtenir une entente pour le droit d’exploiter les hydrocarbures dans le Golfe du Saint-Laurent; exactement le type d’entente que Terre-Neuve a obtenu en 1985.
Et si le fédéral refuse de signer une telle entente? C’est peut-être, a conjecturé le député, «parce qu’il préfère nous envoyer un chèque de péréquation plutôt que nous donner les pouvoirs pour se développer nous-mêmes et de s’enrichir avec nos propres ressources». Puis, il a lancé une série de questions qui ont suscité une ovation: «Est-ce que le fédéral a intérêt à entretenir l'idée que le Québec est une province pauvre? Est-ce que le fédéral a peur d'un Québec qui serait trop riche, trop fort, trop fier, trop libre? Je pose la question.»
Conseil national du Parti québécois
Marois sermonne Legault et Landry
Attaquant les libéraux et faisant référence à sa propre richesse, Mme Marois a soutenu qu’elle, elle n’était «pas achetable».
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