La crise belge

Mais où sont donc passés les Wallons?

Je suis honteux des dirigeants wallons actuels

Chronique de José Fontaine


Certes, un gouvernement a été formé, un gouvernement dit “intérimaire”. “Intérimaire” parce que c’est un gouvernement qui n’a été formé que pour préparer la formation d’un autre et se substituer au gouvernement démissionnaire d’avant les dernières élections qui ne pouvaient que, selon la formule utilisée en Belgique, expédier les affaires courantes. Or pour l’étranger et certains problèmes urgents, il fallait un gouvernement, disons, “réel”, ayant obtenu la confiance de la Chambre élue le 10 juin et formé par les partis politiques issus des élections du 10 juin.
Le Premier Ministre belge Verhofstadt vient d’envoyer une note au roi (qui le lui avait demandée), sur la réforme de l’Etat belge, une note très flamande, très confédéraliste, proposant une extension énorme des pouvoirs des régions et allant jusqu’à proposer certains types de mécanismes comme ceux qui peuvent exister entre les Etats de l’Union européenne.
Face à cette note, les partis wallons et francophones ont commencé par être très négatifs. La FGTB wallonne se dit ouverte aux propositions de Verhofstadt, sauf sur tout ce qui qui concerne les mécanismes de négociations syndicats/patrons, les conventions collectives et la sécurité sociale (la Belgique n’étant un Etat fédéral que depuis 1980 – et même officiellement depuis 1993 seulement - la Sécurité sociale ayant connu son envol à partir de 1944, elle a été organisée dans le cadre de l’ancien Etat unitaire et n’est pas conçue dans les Etats fédérés, ce qui peut étonner un Québécois, mais il y a une histoire qui explique cela).
L’étrange, c’est que Verhofstadt a une popularité très forte tout autant en Wallonie qu’en Flandre alors que ce qu’il propose est ce qui a empêché la formation d’un gouvernement pendant six mois. Le président du Parlement wallon a même dit que Verhofstadt considérait les Wallons comme des débiles, dans la mesure où ses propositions reprennent surtout des points de vue flamands. C’est intéressant car Happart, contrairement aux leaders politiques wallons du moment, est très ouvert à une augmentation du pouvoir des régions.
Je viens d’écouter le club de la presse (qui réunit chaque semaine les meilleurs journalistes à la radio). On ne parle plus que de la réforme de l’Etat mais sans dire un mot sur la Wallonie comme si celle-ci était absente d’un débat qui, fatalement, la concerne. J’entends même des journalistes déplorer que les “Francophones” (ce terme est un terme très belgicain car on l’utilise en partie pour ne pas utiliser le terme “Wallons”), ne se soient pas préparés à cette réforme de l’Etat qu’ils devaient voir venir depuis 10 ans
Une telle remarque me coupe les bras et les jambes car, depuis 10 ans, on a pratiquement éliminé du personnel politique wallon, notamment le président wallon Van Cauwenberghe qui avait une approche beaucoup plus “régionaliste” (les Québécois diraient “nationaliste”), pour le remplacer par un Président qui ne parle de la Wallonie qu’avec timidité et une sorte de gêne alors que la Belgique est pratiquement par terre. Ces journalistes qui disent que les Wallons auraient dû se préparer sont justement ceux qui ont le plus combattu les Wallons ouverts à de nouveaux progrès de l’autonomie des Régions (en fait ce sont des Régions-Etats ou des Etats-Régions).
Nous avons derrière nous cent ans de combat autonomiste en Wallonie mais de jeunes blancs-becs semblent l’ignorer complètement tout en reprochant aux Wallons de ne pas “s’être préparés”. Alors que longtemps, les Wallons ont été les seuls à faire des projets de fédéralisme.
Les blancs-becs ignorent cela, manifestement. Pour eux, la seule raison pour laquelle on va vers plus d’autonomie, ce sont les Flamands, et se préparer à cela signifie essayer que la Wallonie soit le moins libre possible. Si elle le devient trop, ce sera un échec. Mais ils se résignent de toute façon à ce qu’elle le devienne à cause des Flamands car refuser aux Flamands tout ce qu’ils veulent, ce serait aggraver la crise belge en envenimant les conflits sur cette question de l’extension des compétences des Etats fédérés.
Côté wallon – si je comprends bien! - on se prépare donc à un avenir qui sera donc un échec, de toute manière puisque plus la Wallonie sera libre (avec la Flandre et Bruxelles), et plus la Belgique sera menacée dans son existence. Mais un peuple qui ne veut pas être libre (quelles qu’en soient les raisons), c’est un peuple qui, comme le disait Rousseau proposant seulement “d’obéir”, “se dissout par là même et cesse d’exister en tant que peuple”.
Je suis honteux des dirigeants wallons actuels qui, s’ils le pouvaient, me feraient taire comme ils font taire les Wallons qui n’ont pas perdu le sens de la dignité humaine.
José Fontaine

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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