“Les vrais ennemis de la Wallonie” (*)

Chronique de José Fontaine


Disons d’abord un mot de la situation politique belge actuelle.
Le fédéralisme de dissociation qui caractérise la Belgique entraîne que les entités fédérées nées de cette dissociation, d’une manière ou d’une autre, s’accaparent, en même temps que des compétences autrefois exercées par l’Etat national, Etat autrefois unitaire, des moyens d’exercer ces compétences. Parfois selon des clés qui, selon les Wallons, avantagent les Flamands, à même d’imposer leurs vues dans un jeu politique démocratique où ils sont quand même 6 millions contre 3,4 millions (sans compter le million de Bruxellois).
Des contradictions chez les Wallons unitaristes
Il est ainsi exact que lorsque l’enseignement a été transféré à la Communauté Wallonie-Bruxelles, les calculs des négociateurs wallons ont été mal faits, ce qui a plongé l’enseignement francophone dans de longues difficultés de trésorerie, la chose ayant mené à un refinancement de cet enseignement wallon et francophone par le fédéral, mais ce refinancement, les Flamands en ont obtenu la contrepartie.
Il a même été question que, dorénavant, l’Etat fédéral – pour rester fort — ne transférerait plus, en même temps que les compétences qu’il exerçait, les ressources publiques qui leur sont liées. Cela a été refusé du côté wallon où les difficultés économiques sont bien réelles, entraînant des difficultés budgétaires ou en tout cas des limites. Mais cela a été refusé aussi du côté flamand.
Les Wallons et francophones plutôt unitaristes s’en vont proclamant que, à côté d’entités fédérées, ils veulent un Etat fédéral fort. Pourquoi? Parce qu’ils imaginent cet Etat fédéral fort comme le gage d’une certaine équité entre eux qui sont plutôt pauvres et les Flamands plutôt riches. Mais en même temps, ils ne peuvent vouloir accepter des compétences nouvelles sans moyens, ce qui déforce l’Etat fédéral qu’ils veulent renforcer. Contradiction. Il semble pourtant que, contrairement à ce que j’ai pu écrire les semaines précédentes, le groupe qui négocie les réformes institutionnelles au sein du gouvernement actuel, semblerait trouver des solutions.
La Wallonie privée de sa culture et de son enseignement
Un autre aspect du problème wallon, c’est que la Wallonie, qui dispose de compétences étendues, qui est dans une position de quasi-souveraineté (elle peut signer des traités internationaux sans veto réel de l’Etat fédéral), n ‘est pas elle-même compétente en matière de culture et d’enseignement, compétence qui est exercée par une Communauté française de Belgique qui rassemble les Wallons et les Bruxellois francophones, mais qui se distingue politiquement des uns et des autres. La chose vient du fait que la Flandre a imposé en partie sa vision de l’autonomie en faisant reposer celle-ci sur la langue, les Communautés n’ayant pas de territoire, mais regroupant d’une part les Flamands de Flandre et les Bruxellois flamands et, d’autre part, les Wallons et les Bruxellois francophones. Une petite Communauté de langue allemande regroupe les Belges germanophones.
Entre la Wallonie et Bruxelles, l’existence de cette Communauté pose des problèmes. Car s’il y a bien une Région bruxellois et une Région wallonne traitant des compétences économiques et sociales, il y a aussi une Communauté française (appelée Wallonie-Bruxelles), distincte de l’une et de l’autre pour l’enseignement et la culture.
Les régionalistes bruxellois, les régionalistes wallons plaident depuis fort longtemps pour la suppression de la Communauté, ce qui clarifierait les rapports et la répartition des pouvoirs.
Mais il existe dans certains cercles unitaristes une profonde répugnance à l’égard d’une Wallonie qui disposerait de compétences étendues non seulement dans les domaines de la gestion matérielle de la Cité, mais aussi dans le domaine de l’enseignement et de la culture. Cette répugnance qui s’habille de divers prétextes trouve peut-être un fondement dans la volonté des Francophones belges, qu’ils soient wallons et bruxellois, de faire front face aux Flamands. Elle trouve aussi un fondement dans le fait que pragmatiquement les partis politiques (qui sont chez nous un système de gouvernement), ne se définissent pas selon les régions mais selon la langue, donc selon les Communautés (les deux plus grandes).
Marc Uyttendaele, ennemi de la Wallonie
Mais l’accueil qui fut fait en 1983 au Manifeste pour la culture wallonne qui proposait implicitement de supprimer la Communauté Wallonie-Bruxelles et de confier toutes les compétences aux Régions a bien révélé la véritable cause de ce refus de supprimer la Communauté française. Ce texte, pourtant signé par des personnalités wallonnes d’envergure, fut accueilli par un torrent d’insultes exhalant très unanimement le mépris pour l’idée même que la Wallonie pourrait avoir une culture et la personnalité d’un peuple. C’est bien cela que beaucoup ne peuvent accepter. Pourtant, ce serait une grave erreur de croire que ce sont les habitants francophones de Bruxelles qui entretiennent le mieux ce mépris. En effet, fin 2006, des personnalités de tous horizons – les élites de Bruxelles – ont réclamé la même chose que le manifeste wallon de 1983, certes pour des raisons plus immédiatement démocratiques et aussi en mettant en avant le métissage de la culture bruxelloise.
Il n’empêche que les vieux ennemis de la Wallonie, comme Marc Uyttendaele (mari d’une ministre réputée pour être antirégionaliste, et constitutionnaliste réputé, lui-même usant d’insultes à l’égard de ministres wallons), voudraient non pas aller dans le sens des manifestes wallons et bruxellois mais, si possible, diminuer encore l’importance qu’a prise la Wallonie avec son parlement et sa capitale à Namur, celui-ci ne devant plus être dans son esprit qu’un demi-parlement (il fusionnerait avec le parlement francophone général) et sa capitale une demi-capitale (le parlement devenu francophone se réunirait alternativement à Namur et Bruxelles).
Certes, mille arguments rationnels seront présentés en faveur de cette thèse mais il n’empêche que la volonté est bien de prouver que la Wallonie n’existe pas. Certes, en proposant que Namur et Bruxelles soient alternativement la capitale de la Belgique française, on donne l’impression de la solidarité, de l’ouverture, etc. Mais c’est seulement pour, derrière de grands mots, cacher le mépris que l’on a du Pays wallon.
José Fontaine
(*) Ce n’est même pas un titre journalistique, c’est une remarque que m’a faite récemment le Président du Parlement wallon.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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1 commentaire

  • Jean-Paul Gilson Répondre

    6 février 2008

    Voilà que tu vises Marc Uyttendaele, le mari de Laurette Onkelinkx. Il est vraiment curieux de voir cet avocat tenter d'obtenir les bonnes grâces des ministères via ses "amis" du PS dans la "meilleure tradition" de nos amis lobbyistes "canadian".
    J'imagine que les comités d'éthique vont fleurir pour masquer toutes ces compromissions comme d'habitude.
    J'ai beaucoup aimé le remarque de Serge Ménard lors de la commission Mulroney, avant hier à Ottawa, signalant que ces dessous de table n'auraient jamais été permis du temps de René Lévesque, il aurait aussi pu rappeler que cet homme n'est pas mort très riche....!!!
    JP Gilson
    Outremont