Des élections cet automne?

Les vacances de Pauline

Pauline Marois aura-t-elle la clairvoyance de faire les bons choix?

Chronique de Louis Lapointe

Les vacances parlementaires sont souvent l’occasion pour les chefs et leurs partis d’évaluer leur situation, raffermir leur position ou rectifier le tir lorsque cela est nécessaire. Si l’on se fie aux sondages, Jean Charest devrait normalement continuer de jouer la carte de l’image du bon gouvernement, bloquant ainsi toutes les initiatives du PQ et de l’ADQ sur ce terrain. À cet égard, la récente inauguration de la série C de Bombardier lui permettra sans aucun doute de consolider ses appuis chez ceux qui pensent qu’il gère bien le Québec. C’est ce qu’on appelle des vacances de rêve.
Quant à Mario Dumont, qui n’a plus rien à perdre tant il est loin derrière les deux autres chefs, il ne cherchera plus qu’à sauver les meubles. Sachant qu’il n’a aucune chance de demeurer chef de l’opposition officielle, il est à parier qu’il jouera le tout pour le tout et renouera avec son ancien style qui lui a déjà beaucoup rapporté. Les vacances lui permettront de prendre momentanément ses distances face à son équipe parlementaire, pouvant d’abord se concentrer sur ce qu’il aime le plus, les sorties en solo. De ce fait, ses récentes déclarations au sujet du Conseil de la fédération, de même que celles faisant état de son désir de voir la constitution rouverte pour que la Nation québécoise y soit reconnue, ne participent d’aucune stratégie particulière. Elles doivent plutôt être perçues comme de nouvelles manifestations de son sens de l’improvisation qui lui a été si profitable par le passé. Comme dans une véritable partie de pêche, on doit donc s’attendre à ce qu’il multiplie ce genre de déclaration jusqu’à ce qu’il capture un gros poisson. À défaut, il aura au moins pu limiter les dégâts en ayant eu l’air d’avoir joué son rôle de chef de l’opposition officielle. Il sera de garde tout l’été, particulièrement s’il y a crise dans les urgences.
***
La situation est beaucoup plus délicate pour Pauline Marois. Elle n’a pas le choix, elle doit absolument rectifier le tir si elle veut gagner les prochaines élections. Loin de la faire avancer, les gestes de souveraineté sont plutôt un boulet qu’elle traîne depuis le mois de mars tant ils suscitent peu d’intérêts auprès de ses partisans et de la population en général. Ce concept ne séduit personne, ni les nationalistes, ni les indépendantistes, parce qu’il réduit le combat pour l’indépendance à une approche juridico-administrative. Il lui manque l’ingrédient essentiel, le projet mobilisateur qui galvanise les troupes. Si sa réflexion estivale ne débouche sur aucune autre stratégie de remplacement, nous aurons alors tous compris qu’elle serait prête à se satisfaire de la position de chef de l’opposition officielle s’il y avait des élections cet automne. Un tel choix ne serait pas sans conséquence pour le parti. Dans la perspective où le PQ ne pourrait plus objectivement prendre le pouvoir, plusieurs indépendantistes, déçus par cette éventualité, pourraient bien décider de donner leur vote à un autre parti. Une aubaine pour Québec Solidaire et le Parti Indépendantiste qui feront tout ce qu’il faut pour récupérer cette clientèle.
Toutefois, si la position actuelle du PQ est précaire, elle est loin d’être désastreuse, puisque la situation dépeinte dans les sondages confirme depuis plusieurs mois que l’appui à la souveraineté se situe à plus de 40% dans la faveur populaire. Un choix tout à fait logique si le PQ souhaite gagner les prochaines élections. Dans une telle perspective, si le PQ ne remet pas la souveraineté au centre de sa stratégie, reléguant les gestes de la souveraineté à l’accessoire, plusieurs comprendront qu’il est de moins en moins le parti indépendantiste qu’il prétend être, avec les conséquences désastreuses que cela pourrait avoir sur sa clientèle à la prochaine élection. Stratégiquement, ne vaudrait-il pas mieux pour l’avenir du PQ qu’il perde les prochaines élections en mettant la souveraineté de l’avant, plutôt qu’après l’avoir mise de côté? Les gestes de souveraineté ne mènent absolument nulle part.
D’ailleurs, pourquoi ne pas profiter du Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Québec cet automne pour faire la démonstration que le Québec pourrait devenir un acteur beaucoup plus important s’il jouissait de la personnalité internationale? Les occasions ne manqueront certainement pas! Il faudrait alors s’attendre à une riposte de Jean Charest. Nous savons déjà qu’il pourra compter sur l’appui du président Sarkozy qui lui promet une déclaration très sentie sur les liens qui unissent la France au Québec et au Canada, en plus de lui remettre la Légion d’honneur. Un appui de taille, mais aussi un improvisateur qui se met parfois le pied dans la bouche, en particulier lorsqu’il est question du Québec. Avec Sarkozy, tout est possible!
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Fier de ses succès, Jean Charest déclenchera probablement des élections dès la fin du Sommet de la Francophonie. La récession qui se prépare chez nos voisins du sud ne sera qu’une raison supplémentaire de se hâter avant que nous en connaissions ses sombres effets sur notre économie.
Cette conjoncture n’est pas sans rappeler celle de 1976 où les Libéraux, fort d’un succès olympique masquant leur désastreux bilan, avaient voulu profiter de l’apparente division des péquistes pour déclencher des élections. Paradoxalement, à cette époque, les Libéraux défendaient la souveraineté économique et culturelle, une sorte d’ancêtre des gestes de souveraineté, pendant que le PQ proposait aux Québécois un bon gouvernement. Cette année-là, les Démocrates ont gagné les élections américaines, apportant un vent de fraîcheur sur toute l’Amérique auquel le Québec n’a pas échappé, élisant son premier gouvernement souverainiste.
Devant un tel tableau, Pauline Marois aura-t-elle la clairvoyance de faire les bons choix?
Maintiendra-t-elle le cap sur les gestes de souveraineté ou aura-t-elle l’audace de profiter du vent de changement qui souffle présentement sur l’Amérique en misant sur les 40% de Québécois qui appuient la souveraineté, leur proposant l’indépendance comme outil de développement social, économique et culturel, lui subordonnant les gestes de souveraineté, comme le projet de constitution et la loi sur la citoyenneté québécoise, plutôt que d’en faire la pierre d’assise de sa stratégie? Une vision qui laissera un parti plus uni, même dans la défaite, puisque l’indépendance du Québec est un objectif à long terme qui rassemble et qui s’épanouit dans la continuité.
Toutefois, il y a fort à parier qu’avec un tel appui des forces souverainistes, elle pourrait compter sur l’effet de levier recherché pour aller chercher le soutien de ceux qui, d’une élection à l’autre, votent toujours pour les gagnants, justement ceux dont elle recherche en vain la sympathie avec ses gestes de souveraineté et dont le suffrage pourrait faire la différence au prochain scrutin.
Un été lourd de conséquences pour Pauline Marois!
Bonnes vacances!
Louis Lapointe
23 juillet 2008

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 juillet 2008

    Pauline Marois a un as dans sa manche avec le pétrole et le gaz du golfe St-Laurent. Cette question risque de chambarder complètement la donne politique au cours des prochains mois si le gouvernement fédéral s'entête à ne pas vouloir concéder au Québec la propriété de ces ressources. Et je soupçonne les libéraux de Stéphane Dion de vouloir être encore plus intransigeants que les conservateurs avec le Québec sur cette question.
    À vrai dire, des élections et un référendum sur la souveraineté pourraient même avoir lieu d'ici un ou deux ans, car, en vertu du droit international, le gisement appartiendrait au Québec s'il était souverain, et non au Canada. Les Américains pourraient cette fois donner leur bénédiction au Québec pour qu'il vole de ses propres ailes, surtout si Pauline Marois ne parle pas de nationaliser l'exploitation de ces ressources avant l'indépendance et promet de respecter les dispositions de l'ALENA, c'est-à-dire, si j'ai bien compris, de vendre les deux tiers du pétrole aux Américains.
    Les redevances sur l'exploitation du pétrole pourraient être employées notamment pour libérer à moyen terme le Québec de sa dépendance au pétrole et réduire sa production de gaz à effet de serre par le transport ferroviaire, les voitures électriques et l'augmentation la production d'énergie renouvelable.
    J'ai toujours cru que, si le Québec devenait un pays producteur de pétrole un jour, l'indépendance ne serait plus qu'une formalité puisque la peur aurait beaucoup moins de prise sur les gens qu'Ottawa est parvenu jusqu'à maintenant à effrayer ou à amadouer pour des raisons économiques qui ne tiennent pas debout, mais qui font illusion.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juillet 2008

    Pauline a déjà changé d'idée sur l'orientation du PQ en biffant l'article I de son propre programme.
    S'il fallait qu'elle change d'idée une fois de plus en quelques mois, elle pourrait devenir la «girouette» nationale du Québec. Elle ne changera pas, n'ayez crainte. Elle est là pour enterrer l'idée d'indépendance. Point à la ligne. Tout comme Boisclair l'était. Mais ou est-il celui-là? Un indépendantiste, ça milite juste le temps des élections et d'une course à la chefferie?
    Inquiétude redoublée.
    Pierre B.

  • Michel Guay Répondre

    23 juillet 2008

    Le Parti Québecois doit rallier les troupes de Québec Solidaire et du Parti Indépendantiste à la veille des élections en leur offrant des pouvoirs conséquents à leurs nombres .
    Sans détruire l'existence de leurs partis David et Tremblay doivent aider le PQ à défaire le Parti libéral de Charesst et montrer ainsi qu'ils sont vraiment indépendantistes et non pas des partis bidons fédéralistes .

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juillet 2008

    Les vacances ça permet un éloignement et une réflexion sur les résultats de sa stratégie dans l'action. À tête refroidie les évaluations sont propices à des coups de barre ou à l'accélération de sa marche vers l'objectif. Un objectif national est difficile à réaliser dans un temps court, pour les pressés, ou dans une période plus longue pour les membres du corps central. Enfin il y a l'arrière-garde qui peine à suivre le rythme moyen. Si les troupes ne veulent pas suivre un seul commandement elles se disperseront et manqueront l'objectif.
    Les petits pas de souveraineté du PQ - citoyenneté, immigration, énergie- attirent des éléments hésitants tout en impatientant l'avant-garde. Quelle est la meilleure stratégie? Il n'y a pas de baguette magique pour nous la montrer. Il faut avancer avec son propre agenda et profiter des questions d'actualité pour l'affirmer encore sur la place publique. Si les gestes de Pauline ne font pas l'unanimité, il faut les tenter ensemble sous son commandement quand même. Je n'ai jamais été satisfait à 100% des programmes, des chefs et de la stratégie et j,ai mis de l' eau dans mon vin. souvent. Tout cela est aussi affaire de confiance et d'espérance.
    Attention au piège des sondages qui ne donnaient pas le PQ gagnant en avril alors que les élections complémentaires lui offraient la victoire sur un plateau d'argent en mai. La confiance et la solidarité font des miracles parfois. Cela dit, je souhaite avec vous que les leaders prennent une expérience bénéfique dans le vif de l'action et l'évaluation des résultats qui suivent. Et continuons le combat contre le cartel de certains médias plutôt qu' entre nous. Nous souffrons de la médiacratie depuis 1970 et on n'en parle presque jamais.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juillet 2008

    Mme Marois n'est pas en vacance (du moins je l'espère), elle est à l'école de l'état optimal qu'est la Norvège. Elle y est pour se faire une tète concernant une stratégie d'état pour la mise en valeur de nos ressource pétrolières. Entre autre off shore à 80 Km des Iles de la Madeleines, il y a 2 milliards de barils de pétrole (possiblement plus que Hibernia). Mme est à la bonne école: La Norvège a mis en place une stratégie d'état qui lui vaut de tirer une "prise" sur son pétrole de 70%. Avec le temps un fond pétrolier a été constitué qui vaut maintenant 400 milliards et dans dix ans: 1000 milliards !. Ce sont là les dividendes d'une stratégie d'état d'envergure mener par des leaders politiques qui ont placé l' intérêts nationale au dessus de toutes autres considérations. En comparaison l'Alberta avec sa stratégie provincialiste et ces petits politiciens vendus aux l' intérêts des pétrolières tire 50% de prise sur son pétrole et son fond est de moins de 20 milliards.
    Mme Marois est donc au premières loges pour constater les vertus de l'état optimal (un état optimal est nécessairement souverain, mais un état souverain 'est pas nécessairement un état optimal) Celui ci est la résultante de considérations géopolitiques.
    Le contrôle de la propriété de nos réserves pétrolières nous est contester par le fédéral qui prétend à un droit sur le fond marin dans le Golfe du St Laurent ou se situe les 2 milliards de barils. Cette enjeux d'envergure porte sur au moins 200 milliards de dollars.
    C'est exactement sur cette enjeux que Mme Marois devrait sortir et prendre position après s'être fait une tête en Norvège. Et cela urge car ce mois ci M Charest est à conclure une entente par laquelle il cèdera à Ottawa une partie de nos acifs après avoir avoir dépouiller Hydro Québec des ses droits d'explorations dans la zone en litige, au profit de petits amis.
    Mais Mme Marois aura t elle compris tout les vertus de l'état optimal, et aura t elle l'attitude pour défendre bec et ongle l' intérêts supérieur du Québec. J'en doute, déjà en 2002 le PQ était disposé à céder au Fédéral (entente administrative: Rita Diane Marsolais ) une partie de nos droit en échange d'un feu vert d'Ottawa pour commencer l'exploration dans le Golf. Et de plus Mme refuse d'envisager la nationalisation comme moyens de reprendre les droits d'Hydro Qc bradé par M Charest.
    Étant donné la situation et les enjeux j'espère que Mme n'est pas en vacance !
    Jean Claude Pomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juillet 2008

    Vous avez misez juste en conclusion. Les Québécois aiment voter pour ceux qui vont gagner... Or, deux facteurs devraient contribuer à l'élection de Marois et du PQ. D'abord, l'écrasement de l'ADQ-Équipe Mario Dumont. Déjà en fin de session, le PQ aurait (plusieurs médias en ont parlé!) recruté 3 ou 4 députés de l'ADQ, ce qui porterait le PQ à l'opposition officielle. Deuxième facteur, plus hypothétique, s'il fallait que cette amorce fasse sauter l'embacle, il se pourrait fort bien qu'assez de députés adéquistes traversent le rubicon et que le PQ se retrouve avec plus de députés que le PLQ (ça en prendrait une douzaine au total). Tout un momentum pour le PQ!

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juillet 2008

    Vous écrivez : «Maintiendra-t-elle "Mme Marois" le cap sur les gestes de souveraineté ou aura-t-elle l’audace de profiter du vent de changement qui souffle présentement sur l’Amérique en misant sur les 40% de Québécois qui appuient la souveraineté, leur proposant l’indépendance comme outil de développement social, économique et culturel, lui subordonnant les gestes de souveraineté, comme le projet de constitution et la loi sur la citoyenneté québécoise»
    40 % divisé entre le PQ, QS et le PI ça devrait donner encore la victoire aux Libéraux très provinciaux de M. Charest qui vont très bien dans les sondages actuellement.
    Ce qui pourrait les faire battre : Leur idée fixe sur les PPP qui n'est pas très populaire chez les Québécois, le fiasco de l'UQAM, le flop des Hôpitaux universitaires, les déficits cachés et les énormes pertes sur papiers commerciaux détenus par notre Caisse de dépôt.
    Avec 40 %, le PQ ne peut pas promettre un référendum rapide. S'il veut prendre le pouvoir "but d'un parti politique", faut bien qu'il dise ce qu'il va faire pendant les quelques prochaines années. Quoi d'autre que des gestes de souveraineté en attendant la vraie chose.
    Le vent de changement souffle seulement sur les États-Unis à cause de Bush, le vilain menteur. L'économie va assez bien au Canada. Le chômage est bas "on manque même de main-d'oeuvre", on a un gouvernement fédéral favorable à décentraliser "contrairement aux Libéraux" et l'idée de l'indépendance du Québec est gelée à 40 %, ce qui n'est pas mauvais mais pas assez pour se séparer même si ça augmentait à 50,5 %, ce que ne reconnaîtrait pas le fédéral si on se réfère aux mémoires de M. Chrétien, le canadien-ontarien.
    Si le PQ promet un référendum rapide, il va perdre des votes parce les Québécois ne veulent pas de référendum à courte échéance. Dans les circonstantes, le PQ ne peut pas mettre tout sur la souveraineté à la place de gestes de souveraineté. Faut qu'il avance ces 2 choses en même temps genre : Si vous nous élisez, on va procéder à des gestes de souveraineté et on ne tiendra pas de référendum sur la souveraineté du Québec à court terme. On va attendre que le besoin soit plus clair.
    Mme Marois est chef(e) du PQ. Elle peut recevoir les conseils mais c'est à elle de décider quoi faire. Elle a été élue pour diriger. Les troupes n'ont pas le problème d'avoir à décider.
    Là, là, comme le dirait le maire de Saguenay, elle améliore son anglais qui en avait un peu besoin. Si elle choisit le mauvais chemin, on va le savoir à la prochaine élection. Faut dire que M. Charest s'est fait battre par M. Bouchard avant de devenir "premier" de la Province de Québec.
    L'ADQ pourrait aussi se saborder avanr d'être coulé à moins qu'il dise clairement ce qu'il veut faire exactement comme rolution constitutionnelle pour le Québec. On se rappelle que le rapport Allaire allait tellement loin qu'il a fait peur à M. Bourassa, dans sa période nationaliste. S'il démontre comment il va convaincre le fédéral de collecter toutes les taxes et les impôts sur son territoire et ne lui remettre ce que le Québec aura décidé, les Québécois vont y penser pour voir si c,est possible parce que ça peut nuire au PQ si l'ADQ démontre la faisabilité de son option très autonomiste, autre inconnu.