Les sondages politiques sont-ils déphasés?

Québec - prochaines élections 2007


Rapporter des opinions à l'aide de statistiques leur donne une légitimité qui n'est plus toujours valide. Bien que populaires dans les médias, surtout en temps d'élection, les sondages politiques auxquels nous sommes habitués comportent de plus en plus de faiblesses graves. Voici quelques exemples.

Le taux d'insatisfaction envers le gouvernement
L'insatisfaction envers un gouvernement est une mesure qui cache des détails décisifs. Ainsi, l'insatisfaction envers le gouvernement Charest est devenue un lieu commun. Avec un taux moyen de 70 % d'insatisfaction depuis près de trois ans, on peut bien se demander pourquoi ce gouvernement refuse de baisser les bras.
Or, justement, ce taux ne dit pas tout, s'il dit quelque chose. Si en effet on creuse un peu, on se rend compte qu'une partie des insatisfaits sont des supporteurs libéraux qui reprochent surtout au gouvernement des faiblesses ponctuelles facilement corrigeables. Une partie des autres opposants le sont surtout pour des raisons idéologiques. Mais, encore une fois, une partie d'entre eux seraient prêts à voter libéral moyennant certains amendements du gouvernement allant dans le sens de leur point de vue. Ce serait surtout le cas de nationalistes mous.
Dans ce contexte, le taux de 70 % d'insatisfaction n'est qu'une tendance superficielle qui masque une réalité moins décisive.
La popularité des chefs
C'est une autre idée dangereuse que de croire que la popularité ou l'impopularité des chefs est déterminante. Ainsi, le chef du Parti Québécois, monsieur André Boisclair, n'impressionne pas grand monde à ce qu'il semble. Ses propres supporteurs lui ont reproché de ne pas «livrer la marchandise» et de ne pas avoir de contenu. On le prend surtout pour une gravure de mode.
Mais, encore une fois, c'est une tendance superficielle. Car, si on vérifie, on s'aperçoit que les principaux supporteurs de M Boisclair l'appuient non pas pour qui il est, ni pour ses capacités présumées de gestionnaire, mais plutôt pour ce qu'il représente. Même un vote par défaut demeure un vote, et il pourrait suffire pour gagner. Même avec un dérisoire résultat de 12 % de popularité dans un sondage au mois de mai, M. Boisclair demeure une force. [...]

Les politiques
Habituellement, les sondages proposent aux gens des listes d'options politiques parmi lesquelles ils doivent choisir. Or ces choix, assez répétitifs en général, sont de plus en plus considérés par le public comme faisant aussi partie des meubles. Tout le monde est en effet d'accord avec un meilleur système de santé, de meilleures écoles, moins de pauvreté, plus de développement économique et la protection de l'environnement. Mais les vrais enjeux dépassent aujourd'hui ces problèmes de base. Quant aux politiques improvisées, proposées chaque fois qu'une levée de boucliers se manifeste, elles donnent une impression de désarroi.
Des sondages déphasés ?
En somme, les sondages politiques sont-ils déphasés ? De fait, ils ne rapportent que des tendances superficielles susceptibles de prêter à de fausses interprétations. Leur paradigme implicite de la bonne gestion est déphasé. Les mesures de popularité des chefs et des partis ne sont pas circonstanciées. Les options politiques publiquement préférées n'ont souvent rien à voir avec les enjeux véritables selon les citoyens. Même les groupes de discussion, qui révèlent des tendances imprévues, ne parviennent pas à compenser puisqu'on ne sait pas jusqu'à quel point ces jugements sont décisifs.
Une analogie militaire s'impose ici. Si Rome est devenue un empire, c'est d'abord grâce à ses stratégies militaires. Quand on les regarde de près pourtant, elles sont très simples. La recette était de toujours se battre à partir d'une position surélevée, le soleil et le vent dans le dos. L'aile gauche en terrain difficile était imprenable. L'aile droite qui contournait l'armée adverse était assistée de plusieurs réserves.
Une recette analogue devrait s'appliquer aux sondages politiques : un modèle élargi du rôle de la politique, des tendances plus décisives, moins de généralisations simplistes.
Michel Magnant
_ Directeur exécutif, Montréal Stratégique


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