Les délégations: du branding pas cher!

Le Québec économique


Pour un grand nombre de Québécois, le gouvernement du Québec devrait carrément fermer son réseau de délégations à l'étranger et se contenter des services offerts par les ambassades canadiennes pour défendre sa politique internationale. Ils trouvent que c'est du gaspillage d'argent. Mais question de défendre les intérêts économiques du Québec et son identité culturelle unique sur la scène internationale, les gouvernements et les partis d'opposition qui se sont succédé à l'Assemblée nationale croient, au contraire, à la sauvegarde du réseau des "ambassades" québécoises.
"Notre réseau de délégations à l'étranger est devenu un modèle pour les autres provinces canadiennes, pour plusieurs États américains et États fédérés européens, rétorque la ministre des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay, dans une entrevue à La Presse. On a une longueur d'avance sur tout le monde. Pas question de reculer. On estime qu'on a un rôle de plus en plus important à jouer sur la scène internationale, voilà pourquoi le Conseil des ministres a adopté l'an passé une nouvelle politique internationale, avec 70 mesures concrètes à mettre en place. Notre réseau de délégations fait partie intégrante de cette politique et y joue un rôle capital. Ça nous permet d'être présent et actif dans les grandes villes du monde."
Unique
"Le monde a changé depuis les actes terroristes du 11 septembre 2001, ajoute la ministre. Les questions de sécurité sont devenues une priorité mondiale. L'environnement est une préoccupation prioritaire. Les échanges commerciaux, avec la concurrence de la Chine et de l'Inde, ont subi des transformations majeures. Même chose du côté de l'immigration, du tourisme. De par notre culture et notre langue, le Québec est unique. Il nous faut être présents sur la scène internationale, en plus de jouer un rôle de premier plan dans la Francophonie."
Bref, les délégations c'est le pied-à-terre du Québec dans le monde.
Les délégations du Québec sont là pour rester et même croître. Notre premier représentant du Québec à l'étranger, Hector Fabre, dont le séjour à Paris remonte à 1882, peut donc dormir en paix dans sa tombe.
Est-ce si onéreux que cela entretenir le réseau actuel de 26 délégations et bureaux à l'étranger et ses 248 employés?
Quarante-deux millions de dollars. Voilà la somme totale que le gouvernement Charest va dépenser cette année dans les délégations québécoises qui ont pignon sur la planète, soit en Amérique du Nord, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud.
Le budget représente ainsi une minuscule fraction (0,0006 ou si vous préférez 6 centièmes de 1%) du budget total de la province. La question n'est pas de savoir si on a les moyens de se payer une telle dépense sur un budget de 61 milliards mais plutôt de savoir si on a les moyens de s'en passer!
Tout d'abord, il est important de se rappeler, comme le souligne la ministre Monique Gagnon-Tremblay, que les "échanges internationaux jouent un rôle vital" dans l'économie québécoise.
À preuve, le Québec a exporté en 2006 à l'extérieur du Canada pour une valeur globale de 95,4 milliards de dollars, dont 82,1 milliards en biens et 13,3 milliards en services. De plus, le Québec a importé l'an dernier des biens et services pour une valeur de 101,3 milliards, soit 89 milliards de biens et 12,3 milliards de services. On parle donc d'échanges commerciaux avec les autres pays qui ont totalisé en 2006 près de 197 milliards de dollars.
À elles seules, les exportations québécoises à l'étranger comptent pour le tiers du PIB (produit intérieur brut: 284 milliards) du Québec. Autres données révélatrices, selon la ministre Gagnon-Tremblay: les exportations génèrent 30% des emplois au Québec et 40% des investissements privés sont réalisés au Québec par des entreprises étrangères.
Vu l'importance marquée du commerce international dans l'économie québécoise, il apparaît donc essentiel pour le Québec de consolider son réseau de délégations et de bureaux à l'étranger. Question de faciliter les relations et les communications entre les divers pays et les entreprises du Québec qui exportent (ou veulent le faire), ou entre le Québec et les entreprises étrangères qui brassent des affaires avec la province.
La consolidation est d'autant plus importante qu'au cours des dernières années, le Québec a vu ses exportations "se fragiliser" sur plusieurs marchés. "Il devra donc chercher à consolider ses avancées aux États-Unis et en Europe et s'assurer de diversifier ses partenaires économiques", explique-t-on dans le plan d'action 2006-2009 de la nouvelle politique internationale du Québec mise en place par le gouvernement Charest.
Il ne faut pas oublier également que cette compétition internationale s'inscrit dans un contexte où les capitaux, les technologies et la main-d'oeuvre qualifiée se déplacent rapidement. Les délégations et bureaux étrangers constituent par le fait même des lieux privilégiés pour bien positionner le Québec à l'étranger et répondre aux attentes des entreprises d'ici et des entreprises étrangères, des immigrants potentiels, etc.
Le rôle des délégations ne se limite évidemment pas aux échanges commerciaux. Elles permettent notamment au gouvernement de s'associer à une kyrielle d'événements internationaux (congrès, conférence, colloque, etc.), de coordonner des missions de tout acabit à l'étranger, d'attirer l'attention des étrangers sur le Québec
Les délégations ont également pour rôle de coordonner les efforts que déploient les différents ministères, organismes et entreprises privées pour permettre au Québec d'avoir une vitrine à l'étranger. Grâce à leur expertise, elles permettent de gagner du temps, d'assurer une certaine continuité dans les divers projets, de réaliser fort probablement des économies, etc.
Aux yeux de la ministre Gagnon-Tremblay, ces événements et missions représentent "des occasions de rayonnement international" pour le Québec, et ce tant aux plans politique, historique, économique, social, culturel et touristique.
À ces divers volets s'ajoute évidemment tout ce qui entoure la défense et la promotion à l'échelle de la planète de l'identité culturelle du Québec, le seul îlot francophone sur tout le continent des Amériques. Les délégations profitent de leur participation dans les divers pays pour y promouvoir notamment les artistes québécois et leur assurer une présence dans les grands événements étrangers.
Et l'année 2008 revêt d'ailleurs un caractère particulier pour le Québec puisque nous accueillons le prochain Sommet de la Francophonie, lequel rassemble, tous les deux ans, les dirigeants des États et gouvernements membres de l'Organisation internationale de la Francophonie. L'événement se tiendra à Québec du 17 au 19 octobre 2008. Belle coïncidence calculée puisque la ville de Québec fête l'an prochain le 400e anniversaire de sa fondation.
Bon an, mal an, les dépenses du ministère des Relations internationales allouées au réseau des délégations et bureaux à l'étranger représentent de 40% à 45% du budget total du ministère, lequel n'a pratiquement pas bougé depuis les 15 dernières années. Lors de l'exercice financier 1993-1994, le ministère avait dépensé 100 millions. Lors du dernier exercice 2006-2007 terminé à la fin de mars, le ministère avait dépensé une somme totale de 101 millions.
Compte tenu de l'inflation, le gouvernement du Québec consacre donc aujourd'hui à son ministère des relations internationales moins d'argent qu'il y a 15 ans. Pendant cette même période de 15 ans, les dépenses du gouvernement du Québec, une fois le service de la dette exclu, passait de 35,5 à 51,8 milliards, soit une augmentation de 45,9%.
Cette année, le gouvernement Charest se montre un peu plus généreux et accorde au ministère 116 millions. Cela coïncide avec l'entrée en vigueur de nouvelles mesures du plan d'action de la politique internationale du Québec. Une parenthèse: d'autres ministères, comme Développement économique, Innovation et Exportation, vont consacrer au total cette année quelque 235 millions à divers programmes d'aide internationale.
Quoi qu'il en soit, sur la simple base des dépenses allouées aux "ambassades" québécoises, on ne peut pas accuser les gouvernements péquistes et libéraux des 15 dernières années d'avoir gaspillé les deniers publics pour promouvoir le branding du Québec à l'étranger.


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