Les primes de la Caisse : ça dépasse l’entendement

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Groin-groin, on veut plus de blé !


Ça dépasse l’entendement. Grâce à ses primes, Charles Émond, le PDG de la Caisse de dépôt et placement, a gagné en 2021 la rondelette somme de 6,3 millions de dollars.  


Tenez-vous bien : Charles Émond a ainsi empoché, à lui seul, plus d’argent que l’ensemble des 29 membres du Conseil des ministres du gouvernement Legault. Le premier ministre François Legault et ses 28 ministres se sont partagé une rémunération totale de 5,3 millions $, soit une moyenne de 183 000 $ par tête ministérielle. 


Cela n’a ni queue ni tête. Mais que voulez-vous, dans le monde de la haute finance, les juteuses primes de rendement, communément appelées rémunération variable, sont monnaie courante. Et à la Caisse de dépôt et placement, à l’instar des autres grands fonds de pension souverains, on en profite largement, très largement.  


Concurrence oblige, allègue-t-on, c’est ce qu’il faut payer pour attirer de bons gestionnaires de portefeuille. 


Pour paraphraser le slogan de la saucisse Hygrade : dans le monde de la haute finance, plus les primes augmentent, plus on en veut, plus on en veut, plus les primes augmentent.  


Mais les grosses primes ne sont absolument pas un gage de gros rendement, qu’on se le tienne pour dit.  


Comme le rapportait la semaine dernière mon collègue Sylvain Larocque, la Caisse a versé en 2021 à ses employés des primes de rendement pour une valeur totale de quelque 188 millions de dollars. 


Le PDG Charles Émond et ses cinq collègues de la haute direction se sont partagé une plantureuse cagnotte de 12,1 millions de dollars en primes de rendement en 2021. 


Pour sa part, Émond a encaissé une juteuse prime de rendement de 3,8 millions $, soit 38 % de plus que sa prime de 2020. Cette prime accapare 84 % de sa rémunération globale, laquelle a atteint en 2021 un montant de 4,5 millions $. Ce n’est pas tout... 


En sus de sa rémunération annuelle de plusieurs millions de dollars, M. Émond s’était négocié un pactole de « montants compensatoires » lors de son embauche, en février 2019, au poste de « Premier vice-président, Québec, Placements privés et Planification stratégique » de la Caisse.  


En effet, en quittant son ancien poste de v.-p. à la Banque Scotia pour venir travailler à la Caisse, Charles Émond s’est assuré de se faire octroyer par le conseil d’administration de la Caisse un pactole spécial de 3 964 000 $ à titre de « montants compensatoires à son embauche », dont 713 000 $ en 2019, 1 482 000 $ en 2020 et 1 769 000 $ en 2021.  


Donc, concrètement, pour l’année 2021, le PDG Émond a ainsi bénéficié d’une rémunération totale de 6,27 millions de dollars.  


Suivent ensuite les cinq premiers vice-présidents :   






PERFORMANCE  


À quel facteur attribue-t-on la très forte augmentation (+ 26,6 %) de la rémunération de la haute direction de la Caisse en 2021 ? À l’impact de la bonne performance de la Caisse sur le calcul des primes de rendement offertes aux dirigeants.  


En 2021, la Caisse a rapporté un rendement de 13,5 %, son meilleur rendement depuis 2010.  


Mais attention, ce rendement de 13,5 % est quand même légèrement inférieur au rendement médian des gestionnaires de portefeuilles diversifiés de caisses de retraite. Selon l’étude Univers de performance des fonds communs des gestionnaires de caisses de retraite, du groupe LifeWorks, la médiane des fonds diversifiés s’élève à 13,83 % en 2021. 


Il faut également savoir qu’en 2021, un « petit » investisseur pouvait battre la Caisse avec un rendement de 14 % en investissant ses avoirs dans seulement trois fonds indiciels, soit 35 % dans les obligations (indice FTSE Canada univers), 32,5 % dans les actions canadiennes (indice S&P/TSX) et 32,5 % dans les actions mondiales (indice MSCI monde). 


LE QUÉBEC PERD DES PLUMES  


Depuis l’arrivée de Charles Émond à la Caisse, début 2019, l’actif des placements que la Caisse a effectués au Québec a augmenté de 14,2 milliards de dollars, passant de 63,8 milliards $ (2018) à 78 milliards $ en 2021. 


À première vue, cela peut sembler extraordinaire. Désolé, mais ce n’est absolument pas le cas. L’actif « québécois » croît au sein de la Caisse nettement moins vite que l’actif total de la Caisse, lequel est rendu à 419,8 milliards $.  


Pendant que l’actif « québécois » dans le portefeuille de la Caisse augmentait de 22 %, l’actif total de la Caisse, lui, enregistrait une croissance de 35,6 %.  


À la fin 2021, l’actif « québécois » comptait pour 18,6 % de l’actif total de la Caisse. En 2018, l’année précédant l’embauche de M. Émond à titre de premier vice-président Québec et Placements privés, l’actif « québécois » représentait 20,6 % de l’actif total de la Caisse de dépôt !  


Le poids du Québec dans l’actif total du portefeuille de la Caisse a ainsi perdu deux points de pourcentage sous la haute direction de Charles Émond.  











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