Avez-vous entendu parler du projet de loi 2 du ministre Jolin-Barrette ? Probablement pas.
On échappe en effet difficilement à l’impression que le gouvernement veut le faire adopter en catimini.
Ce ne serait pas grave si ce projet de loi était peu important. C’est exactement le contraire.
Crucial
Son importance se mesure d’abord à son volume : 360 articles qui courent sur 116 pages.
Il est important aussi quand on voit les deux principaux aspects abordés.
Le premier aspect est celui de la gestation pour autrui (GPA), soit le phénomène des mères porteuses, que le gouvernement dit vouloir clarifier, encadrer, faciliter.
Une femme dont la génétique a été présélectionnée signe un contrat avec les futurs parents pour se faire implanter des ovocytes achetés par ceux-ci, mène la procréation à terme, et renonce ensuite à tout droit sur l’enfant.
Il faut comprendre qu’il existe une véritable industrie de la gestation pour autrui : catalogues pour acheter, services juridiques, consultants, suivis de grossesse couverts par les fonds publics, etc.
Ce n’est pas parce qu’une chose est techniquement faisable qu’il faut l’encourager légalement, financièrement et sans réflexion éthique approfondie.
Le second aspect majeur du projet de loi est celui du statut légal des notions de sexe (vos attributs physiques) et d’identité de genre (comment vous vous percevez).
Le ministre Jolin-Barrette envisage de faire en sorte que l’on puisse légalement devenir femme, si c’est ce qu’une personne veut, sans avoir à subir les interventions chirurgicales qui modifient l’apparence des organes génitaux.
Ces questions sont extraordinairement émotives, délicates et complexes.
Elles méritent un débat large et transparent, qui ne se réduit pas au désir d’enfant, parfaitement compréhensible et légitime, ou au désir de vouloir remédier au sentiment, lui aussi parfaitement compréhensible et légitime, d’être « né dans le mauvais corps ».
Au moment où j’écris ces lignes (mercredi après-midi), il est prévu que les audiences publiques, donc la possibilité de venir y faire entendre son point de vue, qui ont commencé mardi de cette semaine, se termineraient demain midi.
Si cela reste ainsi, c’est inacceptable parce que des intervenants qui ont des choses importantes à dire n’auront pas été entendus, en plus d’avoir des délais ridiculement courts pour envoyer des textes écrits.
C’est encore plus inacceptable quand on réalise que les gens qu’on ne prévoyait pas entendre tendent à être, et je doute fort que ce soit un hasard, ceux qui ont des réserves.
Débattre
Plusieurs notent que le gouvernement semble surtout vouloir contenter la frange la plus militante du lobby LGBT+ et des tenants de la gestation pour autrui.
Imaginons que sexe et genre soient désormais assimilés : des hommes dans le sport féminin, dans les vestiaires féminins, dans les prisons pour femmes, dans les refuges pour femmes violentées ?
Il y a aussi lieu de craindre que les changements envisagés fassent du Québec le Klondike des mères porteuses au profit de parents étrangers.
Tout cela est suffisamment important pour qu’on en discute correctement.