Selon la formule classique issue du prêt-à-penser, «nous vivons dans une société civilisée». Mais vu l’érosion accélérée de la politesse, permettez-moi d’en douter! Loin de gagner en raffinement, la société penche plutôt vers l’ensauvagement. On dirait même que la pandémie a précipité la dégradation des capacités relationnelles. Les basiques de la politesse, comme dire bonjour, merci, s’il vous plaît et excusez-moi, sont en voie d’extinction. Idem pour les comportements élémentaires comme être ponctuel, tenir une porte ou faire bon usage du cellulaire en société. Mais pourquoi pareil rejet du savoir-vivre?
Polir
Rappelons que politesse signifie «propreté» en italien. La politesse est donc un ensemble de codes de respect qui permet d’huiler les rouages des processus relationnels et d’atténuer les tensions afin de créer une société harmonieuse. Politesse signifie également «polir» en latin. C’est donc par ce petit effort de comportement que l’on polit la pierre brute que nous sommes.
Certes, nous traversons une période anxiogène et notre société est plus fracturée que jamais. Mais cela ne justifie nullement l’abandon des cordialités. Au contraire ! Dans une société qui prône la solidarité, la politesse devrait être la vertu première. Alors, pourquoi la déconsidérer?
La solidarité ne serait-elle donc qu’une prétention mensongère?
Notre société «civilisée» serait-elle donc devenue à ce point matérialiste que nous consommons tout, y compris les relations humaines? Serait-elle constituée de narcissiques qui voient l’autre comme une marchandise à consommer bestialement pour combler leurs désirs et à jeter irrespectueusement après coup?
Symbolique
La politesse signale à l’autre qu’on lui accorde la place pour exister. C’est l’expression du respect d’autrui sans lequel toute société imploserait.
La politesse est également un marqueur social puisqu’elle permet de distinguer la personne au cœur élégant de l’homo-consumerus rustre. Elle ne coûte rien, mais sa symbolique est grandiose. Et si la décadence est un poison, la politesse en est l’antidote!