Le pouvoir du peuple

QS, un pétard mouillé?

Justice ou charité

Chronique de Pierre Gouin

Je n’ai jamais voté pour Québec solidaire, même si je me considère de gauche politiquement. Comme tous les partis de gauche occidentaux, QS a eu de la difficulté à traduire ses convictions en programme politique concret, après la démonstration de l’impraticabilité de l’économie planifiée à la soviétique, et alors que le néolibéralisme triomphant promettait l’enrichissement de tous par les vertus du libre-marché. Moralement armés pour la révolution, les militants idéalistes de QS se sont mérité le respect de la population en se portant toujours à la défense des plus démunis et en traquant les injustices présentes dans notre système économique et politique. Le temps serait venu d’en faire plus.


À l’usage, le système néolibéral a révélé son biais fondamental, ses objectifs de maximisation des profits étant incompatibles avec les préoccupations sociales et avec les responsabilités de l’État. En théorie économique, l’État doit maintenir un niveau suffisant de concurrence et assurer une certaine redistribution des revenus, notamment en offrant des services publics de qualité. Depuis le début du siècle, nos politiciens québécois se sont convertis au néolibéralisme et gouvernent selon les volontés des milieux d’affaires, avec l’objectif de grossir les chiffres d’affaires. Quand on voit que des familles percevant un ou deux salaires ont de la difficulté à subvenir à leurs besoins de base, il y aurait là de quoi faire la révolution. Sans ruer dans les brancards aucunement, QS propose d’offrir des repas gratuits à l’école.


Nos gouvernements ont abandonné leur responsabilité démocratique d’intervenir en faveur d’une répartition raisonnablement juste des revenus. L’impôt sur le revenu peut-être un moyen de redistribution mais lorsque les écarts de revenus avant impôts deviennent énormes cela ne suffit pas. Il y a trop de Québécois qui gagnent trois fois, cinq fois ou dix fois le salaire moyen. Les travailleurs œuvrant dans des activités soumises à la concurrence internationale ont connu une stagnation de leur salaire réel depuis quelques décennies tandis que ceux qui sont peu affectés par cette concurrence, par exemple, les professions libérales et les acteurs du domaine de la construction, trouvent le moyen de s’attribuer de bonnes hausses de revenus, et des bonus, aux dépends des autres travailleurs, qui paient directement ou indirectement pour leurs services. Le gouvernement du Québec, contraint à l’équilibre budgétaire, limite la croissance du revenu de ses employés mais il a multiplié les d’agences gouvernementales où les normes de la fonction publique ne s’appliquent pas, au profit de ses mandarins les plus fidèles. On peut voir, notamment dans le dossier des médecins spécialistes, où se trouvent les affinités de nos élus, qui profitent eux aussi de l’euphorie bourgeoise ambiante.


Québec solidaire devrait annoncer qu’il chercherait par tous les moyens à limiter la croissance des revenus très élevés. Le moyen privilégié serait de rétablir une vraie concurrence dans plusieurs secteurs, par exemple en empêchant les ordres professionnels de limiter indûment l’accès aux professions. De plus, étant donné la spéculation qui gonfle le prix des actifs financiers, il faudrait imposer des montants maximums de commission sur les transactions. Un gouvernement de QS devrait aussi résister aux groupes de pression qui font la promotion de grands projets, au-dessus de nos moyens, et négocier beaucoup plus fermement les contrats avec les entreprises, particulièrement dans le domaine de la construction.


La situation des personnes à faibles revenus est d’autant plus difficile que la disponibilité et la qualité des services publics se sont sensiblement dégradées. Il semble qu’on n’arrive tout simplement pas à maintenir le même niveau de services qu’il y a vingt-cinq ans. C’est facile à comprendre, il y a de plus en plus de travailleurs qui ne paient que peu ou pas d’impôts tandis que les taux d’imposition plafonnés sur les revenus élevés ne permettent pas d’aller chercher tous les revenus fiscaux nécessaires. La forte croissance des emplois à bas salaires résulte de politiques qui subventionnent la croissance de toutes les entreprises, même celles qui paient de bas salaires et ne qui survivraient pas sans subventions.


Dans l’esprit de la Révolution tranquille, des politiques économiques favorisant les entreprises à forte valeur ajoutée avaient été implantées, les salaires réels ont donc augmenté et l’enrichissement a permis d’améliorer considérablement l’offre de services publics. Ces politiques ont aussi permis d’éliminer complètement le chômage structurel, ce qui a conduit, par manque de vision, à une pénurie de main-d’œuvre. Le régime de subventions généralisées qui prévaut maintenant amène les entrepreneurs à exiger sans cesse de nouveaux travailleurs étrangers, la plupart peu payés, ce qui ajoute une pression intenable sur les services publics. Un gouvernement de Québec solidaire devrait éliminer presque toutes les subventions visant la création d’emplois et ne conserver que l’aide aux activités vraiment stratégiques. Il devrait viser un enrichissement raisonnable pour l’ensemble de la population en établissant un objectif de croissance économique compatible avec la croissance naturelle de la population et avec le niveau d’immigration souhaité.


Dans le contexte actuel QS a un rôle révolutionnaire à jouer, notamment de s’attaquer aux salaires très élevés et d’éliminer les subventions aux entreprises. Est-ce que les idéalistes de Québec solidaire acceptent que leur parti ressemble maintenant à un organisme de Centraide?



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