Gabriel Nadeau-Dubois réussira probablement à débarrasser Québec solidaire (QS) de son image de parti d’idéalistes. Il a maintenant l’occasion d’en faire un parti vraiment révolutionnaire.
La plupart des partis de gauche traînent comme héritage une volonté d’en découdre avec le capitalisme. Le problème c’est qu’avec l’échec de la planification économique communiste, il n’y a pas de solution de rechange au système de production capitaliste basé sur l’offre et la demande pour les biens et services. Les détenteurs des moyens de production ont profité de la confusion pour installer un système politique qui serait indissociable du système économique capitaliste et qui serait aussi le plus efficace.
La faiblesse fondamentale du capitalisme, soit la concurrence très loin d’être parfaite, a été banalisée. De plus, sans égard à la fumisterie théorique d’une répartition des revenus liée à la productivité individuelle, ce sont les rapports de force, gérés par le système, qui déterminent la répartition du revenu. Les économistes ont depuis longtemps conclu que c’est l’État qui devrait avoir la responsabilité de corriger ces lacunes du capitalisme.
En réalité, le rôle de l’État a été progressivement minimisé. Depuis plusieurs décennies, les partis au pouvoir en Occident acceptent le cadre politique mis en place par les milieux d’affaires. Au Québec, depuis 2003 particulièrement, les gouvernements ont été biaisés outrageusement en faveur des milieux d’affaires et des mieux nantis, tout en établissant fermement le cadre dans lequel se joue la politique québécoise. Pour maximiser leurs profits, les entreprises misent non pas sur une grande efficacité, mais plutôt sur une forte croissance stimulée par l’immigration, qui fournit des consommateurs, des demandeurs de logements et d’autres infrastructures ainsi que de la main-d’oeuvre abondante.
En cela, elles ont pu compter sur un appui inconditionnel des gouvernements. De plus, pour limiter les hausses d’impôt, les gouvernements n’ont pas financé les services publics au niveau requis par l’immigration tandis qu’ils distribuaient des milliards de dollars en subventions et autres formes d’aide aux entreprises.
Le défi d’un QS plus pragmatique sera de briser le cadre politique qui s’est imposé et qui est accepté par une forte majorité de la population.
L’expérience communiste visait essentiellement à obtenir une répartition plus équitable des revenus et cette répartition plus équitable, par la réglementation, l’impôt et la prestation de services publics de qualité, devrait demeurer l’objectif fondamental des partis de gauche. Bien informés, la majorité des citoyens se révolteraient contre l’inégalité des revenus qui est manifeste dans le monde capitaliste et qui ne cesse d’empirer.
Une petite partie de la population est enrichie par le système, beaucoup d’autres, professionnels, entrepreneurs et politiciens, trouvent leur compte en se mettant au service des mieux nantis, mais il faut convaincre la majorité qu’un système politique qui leur accorderait une plus grande part de la richesse produite est réalisable.
Ce n’est pas avec de grands discours que cette bataille de l’opinion publique pourra être gagnée par QS et cela ne se fera pas sans un véritable esprit révolutionnaire. Le programme de QS devrait proposer d’éliminer les subventions aux entreprises non justifiées économiquement, soit presque toutes, pour viser une croissance économique plus faible, compatible avec la croissance de la population. Un tel programme permettrait de choisir, sans la pression des milieux d’affaires, le niveau d’immigration désiré, de rétablir la qualité des services publics et aussi d’atteindre des objectifs environnementaux satisfaisants.
Si Gabriel Nadeau-Dubois ne veut pas prendre le risque d’inquiéter ne serait-ce qu’un moment la population, s’il préfère respecter le cadre imposé, le nouveau Québec solidaire ne sera rien d’autre qu’un Nouveau Parti démocratique provincial.
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1 commentaire
François Champoux Répondre
15 août 2024Voilà une réflexion intelligente qui mérite qu’on s’y attarde.
L’utilisation du capitalisme à bon escient est d’un absolu qui remonte au XIX siècle; il est nécessaire, car le capitalisme est l’expression même de l’égoïsme de l’être humain : nul ne peut contester l’égoïsme, mais tous nous devons le baliser, l’encadrer, le restreindre, sinon c’est par l’obésité de certains et l’anorexie de la majorité que l’humanité disparaîtra. Quand l’équilibre est rompu, ce n’est même plus une question de temps pour constater la chute; elle est éminente comme actuellement. Nous nous écroulons lamentablement. Et le Québec est une terre d’exemples déconcertante : en Éducation, en Santé, en infrastructures municipales, en manque de ressources humaines et financières… l’équilibre n’est plus à l’ordre du jour, et les crises se multiplient. On a oublié d’écouter et l’on n’entend même plus. Ventre qui a faim n’a pas d’oreilles. Ça crie de partout, mais nous restons sourds au bon sens : c’est le non-sens qui domine.
Il y a tant à dire; il faut poursuivre indéfiniment la réflexion.
François Champoux, Trois-Rivières