Qui est la plus belle?

Le Québec économique


Un classement du Conference Board sur la capacité des villes d'attirer des travailleurs hautement qualifiés met Montréal au 14e rang des 27 villes canadiennes. Montréal est ainsi la seule grande ville à ne pas être dans le "top six". C'est un résultat très inquiétant.
Il faut toujours être prudent dans l'interprétation des classements. Il faut d'abord prendre soin de bien comprendre ce qu'ils mesurent vraiment. Il faut ensuite se souvenir que le benchmarking n'est pas un concours, c'est un exercice qui fournit des outils d'analyse, pour mesurer des résultats, poser un diagnostic et mener à ses actions.
Dans ce cas-ci, le classement mesure quelque chose de très précis. Quels sont les facteurs qui motiveront une population talentueuse et mobile à s'établir dans une ville plutôt qu'une autre? Qu'est ce qui attirera des professionnels, des chercheurs, des gestionnaires ou des médecins?
Pourquoi poser cette question? Parce que bien des spécialistes du développement partent du principe que c'est le succès des villes, surtout les grandes, qui fera le succès économique des pays. Et que la capacité d'attirer et de retenir le talent est l'une des clés du succès. La présence d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée rendra une ville performante, et en outre, parce que le talent est une denrée précieuse, les entreprises s'installent et investissent là où se trouve le talent, plutôt que l'inverse.
Ce que le Conference Board dit, c'est que Montréal n'a pas vraiment ce pouvoir d'attraction. Dans son classement, six villes méritent un A: Calgary, Toronto, Vancouver, Edmonton, Victoria et Ottawa-Gatineau. Sauf Victoria, ce sont en fait les grandes villes canadiennes. La seul absente, c'est la métropole montréalaise, au 14e rang, avec un B.
Pour arriver à ce résultat, il a fallu identifier des facteurs qui favorisent le pouvoir d'attraction, et mesurer comment les villes réussissaient pour chacun. Le Board les répartit en huit domaines.
L'économie: parce que les gens hautement qualifiés seront attirés par la prospérité, et donc des emplois, de bons salaires et des perspectives de succès. L'étude mesure cela à travers une foule d'indicateurs: PIB par habitant, taux d'emploi, création d'emplois, productivité, revenu personnel disponible. Montréal, on s'en doute, se classe mal, avec un D, au 21e rang, tandis que Calgary mène le bal.
Le domaine "société" mesure la qualité de vie, mais aussi les attributs urbains comme la diversité et l'intensité de la vie urbaine à laquelle ce type de clientèle sera sensible. Ce qui donne des indicateurs comme le nombre de 25-35 ans, la proportion d'immigrants, le temps de déplacement, mais aussi les alternatives à l'automobile, la densité urbaine, la criminalité, la cohésion mesurée par la participation électorale. Montréal fait bien, au 3e rang, derrière Toronto et Ottawa-Gatineau.
À cela s'ajoutent les domaines liés à la qualité de la vie: la santé (nombre de médecins, de spécialistes, résultats sociosanitaires comme l'obésité ou l'espérance de vie), le logement, l'environnement, mesuré par la qualité de l'air, mais aussi par les comportements, (recyclage et consommation d'eau). Et des domaines liés à la performance, avec l'innovation (nombre de brevets, de diplômés scientifiques) et l'éducation (nombre de bacs, de doctorats, littératie). Montréal se classe très mal pour l'environnement, 25e, mal pour le logement, 16e, très moyennement pour l'éducation, 13e, assez bien pour la santé, 8e, et l'innovation, 6e.
Il est à noter que Québec est au 11e rang, et fait donc mieux que Montréal. Mais j'aurais tendance à être prudent. Le succès de Québec dans ce classement tient largement au fait que cette ville profite d'une bonne migration nette, parce qu'elle attire plus de gens qu'elle n'en perd. Mais il est loin d'être évident que c'est un indice du fait que la ville puisse attirer du talent. Ses gains de population dépendent beaucoup de l'arrivée de personnes moins qualifiées provenant de régions malmenées, tandis qu'elle perd des diplômés au profit de Montréal.
Mais ce qui frappe, c'est que Montréal est confrontée à un phénomène circulaire. Pour résumer, Montréal n'est pas attractive parce qu'elle n'est pas prospère et qu'elle n'a pas les moyens d'offrir tous les services associés à la qualité de la vie. Bref, pour être prospère, elle doit pouvoir attirer le talent, et pour cela, elle doit être prospère. C'est un véritable cercle vicieux. Par où commencer?
Ce que suggère cette étude, c'est que Montréal doit travailler à la création de richesse, favoriser les investissements, augmenter la productivité, investir en éducation, améliorer les infrastructures. Mais surtout, que l'inaction a un prix. Une ville qui accuse des retards, comme Montréal, et qui ne bouge pas, risque de s'engager dans une spirale descendante.


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