Reprendre le contrôle du fleuve

Pour assurer leur développement, les Québécois devront à terme reprendre le contrôle de leurs ressources fluviales.

Le Québec économique


(À Jean Charest) — Le fleuve et le port sont notre propriété. La tâche ne consiste pas à ouvrir des «fenêtres» permettant au bon peuple de contempler de loin un «empire de l'eau» contrôlé et exploité par d'autres. Pour assurer leur développement, les Québécois devront à terme reprendre le contrôle de leurs ressources fluviales. Pour ce faire, il leur faudra redevenir les maîtres du fleuve, tout comme ils l'étaient avant la Défaite de 1760. À titre de premier ministre, vous écriviez «Québec regarde le fleuve majestueux». Rappelons qu'il y eut un temps où le Gouverneur de Québec ne se contentait pas de regarder le fleuve : il le contrôlait et le dominait.
C'est pourquoi je vous suggère la mise sur pied d'une Mission d'investigation et de recommandation, forte d'un large mandat et surtout d'une vision qui ne le soit pas moins — cette dernière reposant sur une connaissance approfondie de différents destins urbano-portuaires dans le monde — qui procéderait à un réexamen fondamental de l'organisation de l'espace et de la gestion de la ressource en eau à l'interface ville, port et fleuve. L'exercice engloberait l'ensemble des rives urbaines de Québec et de Lévis. Pareille réflexion n'a jamais été entreprise depuis la fondation de la Ville en 1608.
Réfléchir aux quais et aux rivages de Québec en ayant à l'esprit quelques villes portuaires européennes comparables à la fois par l'histoire et le climat, découvrir des populations interdites de fleuve depuis 150 ans, confinées dans leurs quartiers (Saint-Roch, Saint-Sauveur, Limoilou…) ou encore s'interroger sur le potentiel inutilisé des plans d'eau qui baignent le quartier historique est un exercice qui ne tarde pas à susciter bien des interrogations.
À Québec, l'interface entre la ville, le fleuve et le port est constamment envisagée, non en fonction des besoins de l'ensemble des citoyens de la cité, de la province ou du pays, mais de manière fragmentée et isolée. La vision des administrateurs fluviaux fédéraux ne s'étend guère au-delà des limites du domaine foncier riverain dont ils sont administrativement responsables. Au-delà, c'est l'inconnu du domaine provincial... et ce danger réel qui menace tous les ports, assiégés d'urbains avides d'espaces à construire.
Par ailleurs, ni la Ville, ni le Gouvernement du Québec ni celui d'Ottawa n'ont jamais sérieusement pensé les relations entre la ville, le port et le fleuve à Québec. La cité jouit pourtant de multiples atouts fluviaux : maritimes, portuaires, balnéaires, nautiques, halieutiques, touristiques, etc., la plupart ignorés sinon réprimés.
Quant au monde maritime québécois, il constitue un univers remarquablement clos et ne cesse d'éprouver des difficultés à expliquer au reste du corps social son rôle et son utilité. À ce chapitre, le rattachement administratif du domaine maritime au gouvernement fédéral ne facilite certes pas une symbiose féconde entre ce dernier et les forces agissantes de la société québécoise. Quant à la marine militaire, on aurait affaire à des Martiens qu'on n'y constaterait guère de différences de comportement.
***
Léonce Naud
Québec
- source


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé