Loin de vouloir alimenter une polémique à la suite des articles de Marie-Joëlle Brassard ([«La clinique coopérative de santé ne rime pas avec privatisation»->7112], Le Devoir, 8 juin dernier) et de Jacques Fournier ([«Les coopératives de santé -- Une manière d'augmenter les revenus des médecins?»->7172], Le Devoir, 12 juin dernier), je me dois d'intervenir pour clarifier certaines vues exprimées sur les coopératives de santé.
L'option coopérative pour l'organisation des cliniques médicales de quartier est une option gagnante pour les communautés et les médecins. Il ne faut pas confondre «privatisation» et «communautarisation» des services de santé. La vie même d'une coopérative découle d'une dynamique de gagnant-gagnant, où chaque partie y trouve son avantage sans se sentir exploitée ni asservie.
Pour un médecin, il est préférable d'être partenaire de sa communauté que d'être mercenaire d'une pharmacie ou d'un centre commercial! Pour une communauté, il est préférable d'être partie prenante à l'organisation de ses services médicaux de proximité plutôt que de se résigner au simple rôle de consommateur de services dont la nature et la disponibilité sont dictées par l'intérêt des actionnaires d'un centre commercial ou d'une chaîne de pharmacies.
La coopérative de santé n'est pas un modèle standard conçu en officine ministérielle; c'est un habit taillé sur mesure en fonction des besoins de chaque communauté. La diversité des problématiques nous pousse à en finir avec un modèle d'organisation unique pour aller vers une plus grande autonomie des communautés dans la formulation de projets et de modes de fonctionnement adaptés aux besoins de chaque milieu. Par ce moyen, les citoyens reprennent un contrôle dans l'organisation et la gouverne locale de leurs services de santé. Il est temps que les «besoins du milieu» reprennent leur place à côté des «visions ministérielles».
Une communauté isolée
Bien sûr, le partenariat entre les médecins et la communauté ne fait pas disparaître les contraintes actuelles du système. Une communauté isolée comme Saint-Thècle ne pouvait se permettre d'avoir un médecin résident puisqu'il n'y produirait pas assez de revenus pour gagner sa vie, faute d'activité suffisante. Un médecin de l'extérieur, en visite à temps partiel, n'y gagnerait même pas assez pour payer ses frais de bureau et de déplacement.
Cependant, pour les gens de ce village, il est moins onéreux d'assumer les coûts d'organisation de leur propre clinique locale que de se déplacer à Trois-Rivières ou à Québec chaque fois qu'un citoyen a besoin de services médicaux. C'est ainsi qu'ils ont réussi à obtenir des services médicaux de proximité. Leur partenariat médecin-communauté s'est révélé être une solution «gagnant-gagnant» et le coût pour la communauté est moindre que ce qu'il en coûtait pour aller consulter à l'extérieur.
Chacune des coopératives de santé actuelles est un modèle unique d'adaptation aux circonstances du milieu qui permet d'en arriver à l'amélioration du sort de chacun. On est loin de la rigidité des solutions mur-à-mur dictées par les normes bureaucratiques ministérielles. Il faudra bien en finir un jour avec cette maladie de l'asphyxie normative qui étrangle nos services de santé!
Chacun, dans son village et sa ville, doit se reconnaître une responsabilité envers sa communauté et le maintien de services de santé accessibles à tous. L'État reconnaît de plus en plus ouvertement qu'il n'y parvient plus et que son système provoquera l'effondrement de ses ressources financières.
L'établissement d'un dialogue entre les communautés et leurs médecins pourrait permettre d'assurer la survie des quelque 840 cliniques médicales de quartier qui résistent encore à l'assaut des forces du marché responsables de la disparition du tiers des cliniques depuis l'an 2000. La possession de ce patrimoine de cliniques de quartier à l'abri de la cupidité commerciale et de la convoitise du marché ainsi que son développement par les communautés, en fonction de leurs besoins, sont un gage de la pertinence de l'approche coopérative dans le développement des services médicaux de première ligne.
Il faut faire confiance à nos communautés, lesquelles ont bien réussi jusqu'à maintenant à trouver leur solution «gagnant-gagnant».
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Bernard Gélinas, Médecin à la Coopérative de santé d'Aylmer
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