Le vampire

Budget 2011-2012 - mars 2011


Le ministre des Finances, Raymond Bachand, n'en démord pas: seule une raison politique peut expliquer que le gouvernement Harper refuse toujours de verser une compensation au Québec pour l'harmonisation de la TPS et de la TVQ.
On peut en imaginer plusieurs. Si l'homologue fédéral de M. Bachand, James Flaherty, annonçait aujourd'hui que plus de deux milliards seront versés au Québec, le Bloc québécois serait bien mal venu de voter contre le budget, et le premier ministre Harper serait très déçu que son gouvernement y survive.
De toute manière, le Québec ne semble plus faire partie des plans du Parti conservateur. Alors, pourquoi lui faire une fleur qui pourrait créer de la grogne dans le reste du pays? Qu'elle soit légitime ou non, chaque demande du Québec est immanquablement perçue comme un autre caprice de l'enfant gâté de la fédération.
Bien sûr, une victoire sur le front fédéral-provincial est toujours la bienvenue, surtout pour un gouvernement qui est continuellement accusé de mollesse face à Ottawa, mais M. Bachand n'est peut-être pas si pressé de toucher son dû. Un chèque de 2,2 milliards tombé du ciel faciliterait certainement l'atteinte de l'équilibre budgétaire en 2013-2014, qui demeure son objectif, mais il ferait également l'objet de bien des convoitises.
S'il l'avait déjà encaissé la semaine dernière, quand il a présenté son propre budget, il lui aurait été plus difficile de justifier la nouvelle hausse des droits de scolarité ou encore le report de la promesse de créer 15 000 nouvelles places en garderie d'ici la fin du présent mandat.
Le gouvernement fédéral peut toujours se faire tirer l'oreille, mais il finira bien par payer un jour ou l'autre. Il vaut peut-être mieux pour M. Bachand laisser l'argent en banque sans pouvoir le dépenser.
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Bien entendu, le ministre des Finances ne pouvait pas passer ce litige sous silence dans son discours de jeudi dernier, mais ce n'est sans doute pas ce qui l'inquiète le plus quand il pense à l'avenir.
L'essentiel du document sur les transferts fédéraux qu'il a jugé bon d'annexer à son budget traite plutôt de l'échéance du 31 mars 2014, quand viendra le temps de renouveler le Transfert canadien en matière de santé (TCS), le Transfert canadien en matière de services sociaux et, bien entendu, la péréquation.
Ce n'est pas une mince affaire. Sur les 65,3 milliards de revenus budgétaires que M. Bachand a inscrits dans son budget, 15 milliards sont constitués de transferts que le gouvernement fédéral peut modifier selon son bon vouloir.
Le gouvernement Charest a toujours présenté l'entente de dix ans sur le financement des services de santé intervenue en 2004 avec le gouvernement Martin comme son plus haut fait d'armes en matière de relations fédérales-provinciales.
À l'époque, même Jacques Parizeau et Gilles Duceppe avaient vu dans cette entente une avancée importante pour le Québec, dans la mesure où elle consacrait le principe de l'asymétrie, qui reconnaissait une marge de manoeuvre significative au Québec dans un secteur névralgique.
La conjoncture a cependant bien changé depuis. À l'époque, le gouvernement fédéral disposait de surplus imposants, ce qui n'est plus le cas. M. Flaherty a déjà averti que les provinces ne devaient pas compter sur la même générosité de la part du gouvernement fédéral quand viendra le temps de renouveler l'entente.
Le problème est que les dépenses assumées par les provinces dans le domaine de la santé ne sont pas aussi faciles à comprimer. Le gouvernement Charest entend maintenir leur rythme annuel de croissance à 5 %. Un resserrement du TCS poserait donc de sérieux problèmes.
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M. Charest ne manque aucune occasion de dire que les transferts fédéraux au Québec ont augmenté depuis que les libéraux sont au pouvoir alors qu'ils avaient diminué sous le PQ. C'est vrai, mais l'évolution a été la même dans toutes les provinces, et cette augmentation est très relative.
Le document du ministère des Finances remet les choses en perspective. «Certains affirment que les transferts fédéraux — particulièrement la péréquation — ont substantiellement augmenté depuis quelques années. Ils en concluent que le degré actuel de redistribution entre les provinces effectuée par les transferts fédéraux est plus élevé qu'auparavant. Or, les faits indiquent qu'au contraire, la redistribution effectuée par les transferts fédéraux a substantiellement été réduite depuis trente ans.»
Le programme de péréquation, qui, à entendre les récriminations au Canada anglais, permet au Québec de vivre aux crochets du reste du pays, représente 0,85 % du PIB canadien en 2011-2012, alors que la moyenne annuelle observée depuis 1967-1968 est de 1,02 %. Si la péréquation était actuellement à ce niveau, elle serait plus élevée de 2,9 milliards.
Quand ils parlent des transferts fédéraux, tous les ministres des Finances, libéraux comme péquistes, finissent par tenir le même discours, même si certains sont plus conséquents que d'autres. Chacun à leur manière, ils ont accusé le gouvernement d'étouffer financièrement le Québec. Yves Séguin a certainement eu l'image la plus saisissante en comparant Ottawa à un vampire. M. Bachand ne voudra sûrement pas être en reste.


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