La toundra

Budget 2011-2012 - mars 2011


À l'époque où le gouvernement Bouchard faisait croisade pour atteindre le déficit zéro, Bernard Landry évoquait les «vallées verdoyantes» qui attendaient les Québécois après des années de durs sacrifices.
L'actuel ministre des Finances est d'un naturel moins lyrique, mais l'esprit de son discours est le même. «La tendance de fond nous ouvre de formidables perspectives, je dirais même des perspectives sans précédent dans notre histoire», a-t-il déclaré hier.
L'enflure verbale est à la mode ces temps-ci au gouvernement. Dans le discours inaugural, le premier ministre Charest a lancé le plus sérieusement du monde que le Québec était un modèle pour la planète entière. À entendre le discours sur le budget d'hier, il fallait cependant faire un très gros effort d'imagination pour entrevoir le pays de cocagne.
Certes, il y a le Plan Nord. M. Bachand a déclaré qu'il ne voulait pas priver sa collègue des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, du plaisir d'en dévoiler prochainement les détails. Il est vrai que la pauvre a bien besoin d'un petit remontant après tous ses déboires avec le gaz de schiste, mais cet interminable strip-tease commence à prendre des allures de farce.
En toute justice, on peut difficilement reprocher au gouvernement de ne pas dépenser l'argent qu'il n'a pas, mais cela n'excuse pas la poudre aux yeux. Soit, la crise qui a ébranlé les marchés financiers a forcé tous les gouvernements à réviser leurs plans, mais elle avait déjà éclaté quand le PLQ s'est engagé à créer 15 000 nouvelles places en garderie d'ici la fin du présent mandat.
Hier, M. Bachand a reporté cet engagement à 2015-2016 au coût de 558 millions, mais il n'y consacrera pas un sou au cours de la prochaine année et à peine 6,8 millions en 2012-2013. Autrement dit, cette promesse ne se réalisera — peut-être — que dans la très hypothétique éventualité où les libéraux seraient réélus.
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Le ministre des Finances a-t-il voulu faire de l'humour en déclarant en conférence de presse que la «surprise du jour» était que le gouvernement allait apporter sa contribution dans le financement des universités? Il est pourtant vrai qu'en dépit de la «juste part» qui sera exigée des étudiants, le Québec demeurera la province où les droits de scolarité sont les plus bas.
Bien entendu, les associations étudiantes vont se déchaîner, même si l'impact de cette hausse sur les moins nantis devrait être annulé par une augmentation correspondante des bourses. Il est cependant trop facile de crier au scandale comme l'a fait le PQ qui, en date d'hier, semblait plus ou moins revenu au gel des droits de scolarité, et de s'indigner du même souffle de l'explosion des dépenses. On peut reprocher bien des choses à M. Bachand, mais il faut lui reconnaître la détermination de maintenir le cap sur la réforme tarifaire initiée l'an dernier.
À moins d'être en mesure d'annoncer de spectaculaires baisses d'impôt, il est rare qu'un gouvernement marque des points grâce à un budget. Il peut généralement s'estimer heureux de ne pas en perdre.
Le gouvernement actuel est cependant tombé à un niveau d'impopularité tel que même les bons coups se retournent contre lui. Comme le rapport du BAPE, le nouveau régime de redevances pour le gaz de schiste risque d'être perçu comme la preuve du laxisme dont il a fait preuve jusqu'à présent.
Tout le monde reconnaît depuis des années l'urgence d'une réforme du Régime des rentes. M. Bachand a raison de dire que la hausse des cotisations ne constitue pas une taxe, mais une forme d'épargne. Peu importe, plusieurs y verront plutôt une autre tromperie d'un gouvernement qui s'était fait élire en 2003 sur la promesse de soulager le fardeau des contribuables, tandis que ceux qui ont planifié une retraite hâtive pesteront contre l'alourdissement des pénalités actuarielles.
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Le grand échec du ministre des Finances et de sa collègue du Conseil du trésor depuis un an est d'avoir perdu la bataille de l'opinion publique. Hier encore, ils ont eu beau répéter que la croissance des dépenses est maîtrisée, plus personne ne croit que le gouvernement assume réellement 62 % de l'effort nécessaire pour arriver à l'équilibre budgétaire.
Le député péquiste de Richelieu, Sylvain Simard, a sans doute trouvé la meilleure image quand il a souligné qu'on a réussi à éliminer seulement 9 fonctionnaires sur un total de 70 663 au cours de la dernière année.
Les partis d'opposition ont eu beau jeu de dénoncer cette «fraude intellectuelle» et la «comptabilité créative» de M. Bachand récemment mise en lumière par le vérificateur général. Les 79 % de Québécois qui se disent insatisfaits du gouvernement, selon le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir, doivent penser eux aussi que «le contrat n'a pas été respecté».
Chat échaudé craint l'eau froide. La dernière fois, les lendemains du déficit zéro ont déchanté. À leur arrivée au pouvoir, les libéraux ont découvert un déficit «caché» par le PQ, qui leur a servi de prétexte pour renier leurs promesses. Au lieu des vallées verdoyantes, on s'est retrouvé en pleine toundra.


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