La formule est venue d’un participant à une rencontre des signataires de « Faut que ça bouge », une plateforme Web mise sur pied dans la foulée de l’annonce de ma décision de siéger comme députée souverainiste indépendante à l’Assemblée nationale, au printemps dernier. Je questionnais les jeunes présents, foncièrement souverainistes, mais orphelins politiques pour la plupart, sur la possibilité d’orchestrer un rassemblement de nos forces.
Il faut dire que la culture politique québécoise est fortement imprégnée d’un bipartisme longtemps installé sans broncher au coeur de notre histoire parlementaire. Nous avons été collectivement habitués à une certaine hégémonie d’organisations qui chapeautaient la promotion d’idées X ou Y.
Mais la société a changé.
La politique aussi.
La vérité pour le mouvement souverainiste, c’est qu’en mettant tous nos oeufs dans le même panier en cherchant constamment à recréer un prétendu « vaisseau amiral » de la cause, nous n’arriverons jamais à être au diapason d’une société qui, qu’on le veuille ou non, est de plus en plus fragmentée.
En ce sens, les différences idéologiques animant les souverainistes et les diverses formes d’approche et d’action politique préconisées ne devraient plus être considérées comme des tares au sein du mouvement, mais plutôt enfin comme des forces.
Dans mon nouveau livre Le projet Ambition Québec : s’organiser pour l’indépendance qui paraît ce mardi en librairie, je souligne que l’appui d’environ trois millions de Québécois sera nécessaire pour envisager une victoire souverainiste à moyen terme. Ce nombre est imposant. Nous devons en prendre pleinement conscience. Nous devrons multiplier les additions.
Éclatement
Plusieurs observateurs de la scène politique tournent en ridicule le nombre d’organisations ou de partis politiques souverainistes existant au Québec. Ce n’est pourtant que le résultat de ce qui se passe politiquement partout en Occident. Il y a de moins en moins d’hégémonie sur les grandes idées. Il existe de plus en plus de façons de rejoindre les gens, dans leur individualité et de leur parler. On peut déplorer ce phénomène, mais on ne peut certainement pas le nier.
Se rassembler, à l’époque qui est la nôtre, ne signifie donc pas dire et faire tous la même chose. Cela signifie plutôt viser le même port de destination. C’est pour cela que la vision d’une flotte, avec des membres et des moyens différents, qui se complètent pour naviguer ensemble au lieu de se lancer dans une guerre de compétition, est si intéressante pour le mouvement souverainiste.
Cette vision est facilement applicable au sein de la société civile souverainiste puisque, dans tous les cas, un appui gagné par une organisation n’enlève aucun appui à une organisation tierce. La difficulté est évidemment beaucoup plus importante lorsqu’on transpose cette même philosophie dans l’arène politique élective, où nécessairement, un vote de plus pour un candidat entraîne de facto un vote de moins pour un autre candidat.
C’est pour cela qu’en se confinant dans une logique où chaque parti souverainiste prétend rassembler l’ensemble, on ne peut pas avancer. Comme je le mentionne également dans mon livre, un jour, nous devrons envisager une façon d’y remédier, par une voie différente de celle qui a déjà été tentée, l’ultrapartisanerie des partis nous empêchant de la répéter.
Faudra-t-il pousser la pression sur les partis jusqu’à créer une structure se posant au-delà d’eux pour les convaincre d’embarquer ? La question devra se poser avec les acteurs politiques en place au moment où une telle démarche serait jugée nécessaire. À ce chapitre, les Organisations unies pour l’indépendance (OUI-Québec) joueront nécessairement un rôle crucial, par la nature de leur mission. Ils constituent la courroie naturelle de regroupement au sein du mouvement.
Sauf qu’une quelconque union électorale réunissant des souverainistes de toutes les tendances idéologiques n’est pas pour demain. Énormément de travail devra être investi pour que cela devienne possible. Pour créer ces conditions favorables à la navigation commune, nous devons pour l’instant retrouver nos fondements partagés, ceux qui nous unissent et qui nous inspirent dans la quête de ce pays auquel nous aspirons.
Bien que les partis continuent à jouer un rôle d’avant-plan sur la scène politique, je suis en ce sens persuadée que le renouvellement de l’action souverainiste se fera par l’entremise d’initiatives provenant de la base, des initiatives non partisanes favorisant la création et l’innovation. C’est ce à quoi je souhaite contribuer avec le projet Ambition Québec.