Dans sa chronique du lundi 27 août dans le Journal, Philippe Léger partage avec nous ses réflexions à propos de la génération à laquelle nous appartenons tous les deux, les milléniaux, nés entre 1985 et 2004. Selon lui, « les jeunes ne veulent rien changer ».
Il est vrai que les jeunes Québécois de notre génération n’ont pas connu l’époque des grands projets de société. Depuis que nous avons l’âge de suivre l’actualité, c’est la gestion bancale de l’État qui a dominé, et nous avons vu notre modèle social s’étioler. Vous conviendrez que ce n’est guère inspirant.
Malgré ce contexte politique morose et la perte de confiance envers la politique – accélérée par une série de scandales à laquelle nous avons collectivement assisté –, en 2012, notre génération a surpris tout le monde. Le « printemps étudiant » qui a déferlé sur le Québec a fracassé tous les records en termes de mobilisation, chaque manifestation d’envergure surpassant l’autre, les jeunes brandissant toujours bien haut leurs idéaux.
Lors de l’élection générale qui a suivi, le 4 septembre 2012, c’est le Parti Québécois qui a recueilli le plus de votes chez la cohorte des 18 à 24 ans. Cela fait à peine six ans.
Selon les plus récents sondages, aujourd’hui, ce serait plutôt le Parti libéral qui aurait la cote auprès de la jeunesse. Mais 32 % d’« intentions » de vote, ça ne représente pas « les jeunes du Québec ». Nous ne formons pas un bloc monolithique. En fait, comme pour les autres générations, la nôtre est répartie entre les différents partis, mais est d’autant plus volatile dans ses choix électoraux que nous n’avons pas encore créé d’« habitude politique » générationnelle. Peut-être ne le ferons-nous d’ailleurs jamais, mais c’est là une autre question.
Plus fondamentalement, on dit des milléniaux qu’ils ne s’intéressent pas à la politique. Je crois qu’il faut plutôt poser la question autrement : et s’ils n’avaient pas tous les outils pour bien la saisir? Ce printemps, dans le cadre d’une tournée visant à faire la promotion de l’engagement citoyen, j’ai rencontré plus de 2000 étudiants dans 36 établissements de niveaux collégial et universitaire, après la parution de mon livre L’audace d’agir. Le constat qui s’en dégage est clair : les jeunes ont soif d’en savoir plus.
Il y a fort longtemps que les jeunes n’ont pas eu autant de poids politique que maintenant. Nous avons aujourd’hui l’occasion d’exercer une réelle influence sur les décisions qui auront un impact important sur notre avenir, mais plusieurs d’entre nous se sentent démunis par rapport aux choix qu’ils ont à faire.
La société civile et les partis politiques ont ainsi un travail important à réaliser pour convaincre un plus grand nombre de jeunes de se rendre aux urnes le 1er octobre prochain. La priorité doit être de combattre l’abstention par défaut. Il faut, bien sûr, agir à la base et outiller ceux qui ne connaissent pas tout à fait la façon dont notre système politique fonctionne, faute d’enseignements à l’école (vivement un cours d’éducation à la citoyenneté!), sans oublier de les accompagner dans leur recherche de meilleures façons de s’informer. Mais il faut aussi les inclure dans le débat, leur parler des sujets qui les touchent, en abordant de front les enjeux de l’environnement, de l’endettement, de l’éducation et de la réforme de nos institutions, ainsi qu’en leur montrant – en donnant de la place à des jeunes comme eux – qu’ils sont représentés.
Je l’ai constaté aux quatre coins de nos régions : les jeunes Québécois sont allumés et intéressés par ce qui se passe dans nos quartiers, dans nos villes, dans notre société, pour autant qu’on se donne la peine de les écouter.
Nous avons le réel pouvoir de changer le monde. Au lieu de s’engouffrer dans un pessimisme statique, j’ai pour ma part choisi la politique parce que j’ai confiance que notre génération, appuyée par les précédentes et celles qui viendront, peut y arriver, avec de la volonté. Et c’est cette volonté que nous devons partager.