La question de l’immigration et du vivre-ensemble est un sujet sensible au Québec depuis plusieurs années. À l’aube de la campagne électorale, les citoyens sont en droit de s’attendre à ce que les partis politiques adoptent des positions responsables et rassembleuses, faisant preuve d’humanité envers les nouveaux Québécois, répondant aux criants besoins de main‑d’œuvre, et étant de nature à enrayer – plutôt qu’à aggraver – le déclin du français.
C’est ce que nous avons fait très tôt au Parti Québécois.
Après son élection comme chef en octobre 2016, Jean-François Lisée a rapidement dégagé un consensus au sein du caucus péquiste autour de la dépolitisation de la fixation des seuils d’immigration, une position qu’il défendait déjà pendant la course au leadership. Plutôt que d’accueillir chaque année 50 000 immigrants dont 60 % ne connaissent pas le français – ayant notamment pour conséquences que des milliers d’entre eux se retrouvent au chômage ou décident de quitter rapidement le Québec –, un gouvernement du Parti Québécois ferait appel à un groupe formé du Vérificateur général, d’Emploi‑Québec et de l’Institut de la statistique pour recommander les cibles d’immigration les mieux à même de favoriser une intégration réussie et un arrimage réel avec les besoins du marché du travail.
Toujours à l’automne 2016, nous avons fait connaître notre politique « francisation 100 % », stipulant que tous les travailleurs qualifiés voulant s’établir au Québec devront démontrer une connaissance intermédiaire ou avancée du français avant leur arrivée. C’est la politique appliquée avec succès par le Royaume-Uni, entre autres, depuis plusieurs années. Une telle politique assurera que les candidats à l’immigration économique aient une volonté réelle de s’intégrer une fois arrivés au Québec, puisqu’ils devront la prouver au préalable en prenant des cours de français dans leur pays d’origine. Il y aurait bien sûr des cas d’exception, pour les immigrants investisseurs et les chercheurs de haut niveau. Les réfugiés et demandeurs d’asile seraient quant à eux pris en charge à leur arrivée et compléteraient leurs cours de français avant d’accéder au marché du travail, avec des ressources augmentées pour leur démarche de francisation. En effet, dès le dépôt du dernier budget fédéral, nous avons réclamé que les 112 M $ supplémentaires prévus dans le cadre de l’Accord Canada-Québec sur l’immigration soient utilisés exclusivement pour la francisation et l’intégration des nouveaux Québécois.
Par ailleurs, dès février 2017, nous avons dévoilé nos 20 propositions pour lutter contre le racisme et la discrimination, comprenant entre autres des mesures pour faciliter l’accès à l’emploi, comme une meilleure reconnaissance des acquis par la création d’un guichet unique, l’interdiction d’exiger une première expérience de travail canadienne et l’instauration de projets pilotes de CV anonymes. Ces 20 propositions ont été réunies dans un projet de loi déposé le 2 novembre 2017 à l’Assemblée nationale par ma collègue d’Hochelaga‑Maisonneuve, Carole Poirier.
De son côté, alors qu’elle aspire à gouverner, la CAQ ne cesse de tergiverser. Le « plan » caquiste en matière d’immigration vient le confirmer une nouvelle fois aujourd’hui.
D’abord, la CAQ fixe à 40 000 le nombre d’immigrants qu’elle souhaite voir le Québec accueillir chaque année. Mais où le chef de la CAQ a-t-il déniché ce chiffre? N’est-ce pas là une manœuvre simplement électoraliste pour pouvoir clamer une volonté d’abaisser les seuils d’immigration, sans aucun justificatif crédible?
Ensuite, dans un discours devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), il y a quelques semaines, François Legault a répété ce qu’il avait déjà annoncé il y a plusieurs semaines dans une entrevue en anglais accordée à la CBC : sous un gouvernement de la CAQ, la connaissance du français ne serait plus requise pour immigrer au Québec. C’est donc dire que les 60 % d’immigrants ignorant le français au point d’entrée sous le PLQ pourraient devenir 100 % sous la CAQ! Mais – attention! – ces immigrants auraient par la suite l’obligation d’apprendre le français, puis de passer un test. Oui, mais lequel? M. Legault l’a précisé au CORIM : ils n’auraient qu’à démontrer un niveau de littératie de - 1 – un seuil inexistant! – ou de 1 pour être sélectionnés par le Québec. Ce niveau implique que la personne candidate serait incapable de lire un texte en français. Un rapport publié en février par le Conseil supérieur de la langue française démontre pourtant clairement que c’est le niveau 8 (sur 12) de l’Échelle québécoise des niveaux de compétence en français des personnes immigrantes adultes « qui permet aux nouveaux arrivants de poursuivre des études en français ou d’accéder à la plupart des emplois ».
La politique linguistique d’immigration de la CAQ est donc d’accueillir chaque année 40 000 nouveaux Québécois potentiellement analphabètes en français. Belle ambition linguistique! Et bel avenir pour ces nouveaux arrivants qui n’auront pas la compétence linguistique requise pour prendre l’ascenseur du succès chez nous! Dans la grande région montréalaise, le risque d’anglicisation n’en sera que plus considérable.
Et François Legault ne s’arrête pas là. Il indique depuis maintenant plusieurs mois vouloir soumettre les candidats à l’immigration à un autre test, celui-là de « valeurs », trois ans après leur arrivée au Québec, ce qu’il a confirmé noir sur blanc dans son nouveau « plan ». Il a de surcroît précisé qu’il ne donnerait un certificat de sélection du Québec qu’après la réussite de ce fameux test, ce qui veut dire que pour travailler ici, dans l’entre-deux, les candidats à l’immigration devraient obtenir un permis de travail du gouvernement canadien. Quand on connaît l’incapacité du fédéral à délivrer des permis de travail rapidement – on continue de le constater dans le dossier des demandeurs d’asile –, on comprend que la position de François Legault est irréaliste. Ce l’est d’autant plus lorsqu’on comprend que la CAQ veut ajouter – en plus du test des « valeurs » -- un test de « recherche d’emploi ». Pire, c’est un billet direct vers une diminution des budgets en immigration qu’obtiendra manifestement un gouvernement caquiste, puisque le gouvernement fédéral finance l’Accord Canada-Québec sur l’immigration en fonction du nombre de certificats de sélection (CSQ) délivrés. Si un gouvernement de la CAQ en bloque l’octroi pour des durées allant jusqu’à trois ans, comme son « plan » le spécifie, les sommes dédiées seront bloquées du même coup, empêchant le Québec de répondre aux besoins criants en francisation, faute de moyens.
Plus grave encore : s’ils ne réussissent pas le test caquiste, les candidats à l’immigration – qui sont avant tout des humains, il est de bon ton de le rappeler – seront retournés dans leur pays d’origine, sans égard à l’intégration de leur conjoint ou conjointe, à celle de leurs enfants qui fréquenteront l’école française ou aux liens qu’ils auront développés ici. Un manque d’humanité frappant. Il fallait voir le député Simon Jolin-Barrette tenter de défendre l’indéfendable, il y a quelques semaines en mêlée de presse, pour s’en convaincre : il soutenait, devant les journalistes, que le Québec aurait la compétence constitutionnelle de déporter des immigrants... Avant d’être rappelé à l’ordre par le nouveau « plan » caquiste déposé aujourd’hui, qui spécifie finalement que c’est le Canada qui devra déporter les immigrants, selon des volontés dictées par le Québec. Belle utopie.
La position de la CAQ est d’autant plus ridicule que les candidats à l’immigration doivent déjà signer la Déclaration sur les valeurs communes de la société québécoise en complétant leur demande d’immigration, où, notamment, l’égalité femmes-hommes est inscrite noir sur blanc. François Legault refuse de dire ce qu’il exigera de plus. Le fameux « test de valeurs » de la CAQ ne serait en effet révélé qu’une fois les élections passées! Les caquistes montrent ainsi un peu plus chaque jour à quel point leur méconnaissance du dossier de l’immigration pourrait être néfaste pour l’avenir du Québec.
Le 1er octobre prochain, les Québécois devront faire un choix clair. Après l’échec libéral des 15 dernières années – et c’est un euphémisme : actuellement, 90 % des nouveaux arrivants échouent en francisation, et cette statistique ne tient pas compte de tous ceux qui n’ont pas emprunté cette voie, faute de places et de moyens pour les accompagner –, le Québec ne peut pas se permettre l’amateurisme de la CAQ. Il faut être sérieux et adopter des politiques qui permettront aux nouveaux Québécois de réussir leur intégration dans notre société et d’y connaître le succès qu’ils méritent. C’est ce que souhaite la population du Québec et c’est ce que fera un gouvernement du Parti Québécois.