Le quitte ou double de Jean Charest

Sortie de crise

La raison a finalement prévalu. Péquistes et libéraux ont trouvé la façon élégante de dénouer la crise qui risquait de conduire à la défaite du gouvernement Charest à l'occasion du vote sur le budget. Si tous sont soulagés, quelques leçons sont néanmoins à tirer des événements des derniers jours, d'abord par le premier ministre, qui ne doit surtout pas triompher.
Le gouvernement Charest sort de ce débat sur le budget victorieux... apparemment. Ce dernier mot est à souligner, car cette victoire cache une défaite. Le premier ministre avait parié que le Parti québécois n'oserait mettre à exécution sa menace de faire tomber le gouvernement. Il a eu raison, car il aurait été insensé de retourner devant les électeurs moins de quatre mois après le dernier scrutin. Néanmoins, son bras de fer avec l'opposition a mis en péril la survie de son gouvernement et l'affrontement a laissé des séquelles.
L'erreur commise par Jean Charest aura été de faire une lecture erronée de la force de son gouvernement. Il a préparé son budget en feignant d'ignorer sa situation minoritaire. Au lieu de rechercher un consensus avec l'opposition avant le dépôt du budget, il n'en a pas tenu compte. Il n'a consulté que le Parti québécois... pour la forme, comme l'a reconnu hier la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, en avouant avoir sous-estimé les demandes que ce parti lui avait présentées. Présomptueux, le premier ministre a cru que des baisses d'impôt de 950 millions sauraient susciter l'adhésion enthousiaste des Québécois et, par voie de conséquence, celle des partis d'opposition. Ce ne fut pas le cas.
Le Jean Charest que l'on a vu à l'oeuvre au cours de ce débat est le même que celui qui, au cours du premier mandat libéral, s'est si souvent entêté sur des projets et a dû si souvent retraiter. Certes, ses baisses d'impôt ont été votées hier, mais les partis d'opposition se souviendront longtemps de la manoeuvre. Il a créé un climat de suspicion plutôt que de confiance à l'Assemblée nationale qui rendra désormais la négociation difficile entre les partis. La partisanerie dominera plus que jamais le jeu parlementaire. Dès que l'occasion se présentera, l'opposition cherchera à défaire le gouvernement. Ce pourrait être le printemps prochain, lors du prochain budget, mais ce pourrait aussi être à l'occasion d'une motion de censure qui peut être présentée n'importe quand. On ne peut exclure des élections automnales, surtout si la popularité personnelle de Jean Charest continue à chuter. L'opposition aurait alors intérêt à précipiter un scrutin avant que le Parti libéral ne pense à changer de chef.
Cette perspective, le premier ministre la connaît que trop bien et c'est pour cette raison qu'il tenait tant à demeurer ferme. Il croit que les baisses d'impôt se révéleront ultimement populaires, quoi qu'en disent les sondages. Il espère que le taux de satisfaction de son gouvernement, actuellement à 37 %, remontera, tout comme sa popularité personnelle, qui stagne à 20 % selon le dernier sondage Léger Marketing-Le Devoir. Rien n'est moins sûr, comme tend à le démontrer la réaction des électeurs à la promesse faite en fin de campagne électorale de baisser les impôts.
Ce pari est un quitte ou double pour Jean Charest. Depuis qu'il est chef du Parti libéral, il a presque toujours été moins populaire que son propre parti. Il n'a jamais su établir un lien chaleureux avec les Québécois, au contraire d'un Mario Dumont ou d'une Pauline Marois. Si les prochains sondages ne laissent voir aucune tendance favorable au Parti libéral, ses militants voudront soulever la question de son leadership. Il sera alors difficile pour le premier ministre de ne pas reconnaître qu'il a perdu son pari et de ne pas en tirer la conclusion qui s'impose.
bdescoteaux@ledevoir.ca


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